La paracha Eikev poursuit la synthèse des livres précédents de la Torah et elle nous aide à mettre en perspective sa finalité. Elle exprime de manière très claire et explicite que le secret du bonheur et des bénédictions auxquelles l’homme peut prétendre repose sur l’application des mitsvot et l’étude de la Torah.
Après avoir mentionné le premier paragraphe du Shema’ dans la Paracha de la semaine dernière, la section de cette semaine abrite le deuxième paragraphe du Shema’. Ces versets s’inscrivent pleinement dans cet état d’esprit : l’observance des mitsvot et l’amour que l’homme porte envers D.ieu lui apporteront les meilleures bénédictions.
Ce deuxième paragraphe du Shema’ reprend des prescriptions mentionnées déjà la semaine dernière dans le paragraphe précédent. Il s‘agit notamment des prescriptions relatives à la « mezouza » et aux « téfilin ». Celles-ci font partie intégrante de la vie quotidienne de chaque juif pour la première et de chaque homme de plus de treize ans pour la seconde.
Comme chacun sait, la mezouza est un petit boitier apposé sur l’encadrement des portes des demeures de chaque juif et qui contient un parchemin où figurent les deux premiers paragraphes du Shema’. Ceux-ci ont été choisis précisément car ils mentionnent cette mitsva de la mezouza, et ils synthétisent la quintessence de l’expression de notre foi : l’unité d’Hashem, l’amour que nous devons Lui porter et notre confiance que l’accomplissement des mitsvot nous procurera la bénédiction.
Intéressons-nous tout d’abord aux enseignements incarnés par la mézouza. Posée sur le seuil de chaque maison, la mézouza est le premier signe de démarcation entre l’intérieur et l’extérieur. Lorsque l’homme quitte son foyer, il passe devant la mézouza, et il fait de même lorsqu’il regagne ses pénates. Alors que l’homme a parfois tendance à séparer les univers dans lesquels il évolue : le domaine privé face au domaine public, le foyer familial face au monde professionnel, la synagogue face au monde profane, la mezouza symbolise une forme de trait d’union pour rappeler à l’homme la nécessaire cohérence à laquelle il doit aspirer dans sa vie.
Lorsqu’il quitte son foyer, l’homme doit amener avec lui ses valeurs morales, son éthique, son amour d’Hachem et les diffuser autour de lui à travers un comportement vertueux. Et inversement lorsque l’homme revient chez lui après une journée harassante, il doit s’efforcer, au minimum, de faire preuve de la même politesse, de la même patience et de la même courtoisie que celles auxquelles il s’est astreint durant la journée dans ses relations avec les hommes. Parfois, l’homme épuise toutes ses ressources à l’extérieur et imagine qu’il est dispensé de faire preuve d’égards et de formalisme au sein de son foyer. La mézouza incarne discrètement cet ultime rappel au sortir de chez soi et à son retour : s’efforcer d’être cohérent avec ses valeurs et les porter avec soi dans toutes les dimensions de nos vies.
Les Sages du Talmud interprètent précisément en ce sens les premiers mots du Shéma’ Israël qui figurent dans le parchemin de la mezouza : « Véahaveta et Hachem » : non seulement l’homme doit aimer l’Etrernel, mais en outre, il doit inciter les autres, les plus proches comme les plus lointains, à aimer D.ieu en ayant un comportement vertueux qui inspire le respect et l’admiration (Traité Yoma, 86a).
Par ailleurs, la mezouza est également le rappel de la protection divine qui accompagne l’homme quand il quitte sa demeure de même que lorsqu’il y réside. Onkelos avait une formule saisissante à cet égard « La règle est généralement qu’un Roi s’installe dans sa chambre, et des gardes protègent sa chambre. Concernant les Juifs, c’est exactement le contraire, les Hommes résident au sein de leur maison, et Hachem, leur Roi, veille sur eux et les protège devant leurs portes ». (Traité Avoda Zara, 11a)
C’est ainsi que la mezouza invite l’homme à approfondir sa construction personnelle afin de faire de l’ensemble de sa vie un univers cohérent et homogène placée sous le signe de la vertu et gouvernée par la confiance dans dans la protection divine.
La mitsva des tefilin qui précède celle de la mezouza dans les versets de la paracha est porteuse du même message. Les téfilin se composent de deux boitiers qui doivent être apposés sur l’avant-bras face au cœur, et sur la tête, au sommet du front, entre les deux yeux.
Nos Sages voient dans ces deux emplacements un message envoyé à l’homme de veiller toujours à contrôler les penchants de son cœur mais aussi les raisonnements de son cerveau qui peuvent l’un comme l’autre l’égarer.
Le Talmud (Traité Berakhot 36a) nous indique l’axiome qui doit gouverner la vie de chaque Juif « Connais-Le dans toutes tes voies ! » (Proverbes 3.6). La vie d’un homme est une unité cohérente qui doit être gouvernée par une seule préoccupation : se rapprocher de D.Ieu et accomplir Sa volonté. (R. A. J. Twerski, Simcha is not only happiness)
Nous avons parfois l’illusion que nos vies sont composées de différentes dimensions qui ne communiquent pas ensemble : le sacré et le profane, la vie privée et la vie publique, les convictions « religieuses » et la vie « professionnelle ». Mais cela n’est qu’une illusion, notre tradition nous encourage à rechercher la cohérence, l’unité dans nos vies.
Il est vrai que nos vies ne sont pas composées que d’actes spirituels, de prières et de méditations, mais cela ne doit pas nous inciter à penser que ce qui ne relève pas directement de ce registre n’a rien à voir avec la religion et lui est totalement étranger.
L’homme est invité à rejeter cette dichotomie et à placer toute sa vie sous le signe de la spiritualité, c’est-à-dire à donner un sens spirituel à toutes ses activités. Par exemple, lorsque l’homme travaille, il doit faire preuve d’une grande honnêteté, il doit garder en tête que gagner de l’argent n’est pas une fin en soi, mais le moyen d’obtenir sa subsistance et celle de sa famille, d’acquitter l’école juive de ses enfants, la nourriture cachère ; ou encore, lorsqu’il fait du sport, il peut penser à la nécessité d’entretenir la bonne santé de son corps afin d’accomplir la mitsva de « vous prendrez soin de vos corps » etc…C’est ainsi que l’homme peut atteindre la belle ambition de faire une place dans toutes les dimensions de sa vie.
Mentionnons également que nous plaçons les tefilin du bras en premier avant ceux de la tête, afin de nous rappeler également notre engagement originel « na’asse ve nishma’ » « nous ferons et nous comprendrons ». Nous nous engageons ainsi à commencer par agir et accomplir les mitsvot même si nous ne les comprenons pas.
Enfin nous devons placer le boitier des tefilin sur notre bras le plus faible (le gauche pour un droitier, le droit pour un gaucher) afin de nous mettre en garde contre la tentation de penser que c’est uniquement la force de nos mains, de nos bras, et au-delà, notre intelligence, qui nous permettent d’atteindre nos objectifs. Les efforts individuels sont bien sûr nécessaires mais ils ne sont rien sans l’aide d’Hachem qui permet à nos efforts d’atteindre leurs objectifs. C’est là le sens de l’avertissement mentionné dans notre paracha « Lorsque vous serez tentés de vous dire que « c’est par ma force et la puissance de ma main que j’ai obtenu toutes ces réussites », vous vous souviendrez que c’est Hachem qui vous donne la force et la richesse » (Deutéronome, 8. 17-18)
C’est là le secret du bonheur. Celui qui pense que tout dépend de ses efforts personnels et de des propres compétences ne sera jamais apaisé car il sait que de nombreux éléments nécessaires à la réussite de ses objectifs lui échappent et ne dépendent pas de lui. Une telle conception ne peut générer que frustration et inquiétude. En revanche, celui qui place sa confiance dans l’Eternel, Tout-Puissant et infiniment Bienveillant, peut obtenir l’apaisement de savoir que son destin est entre les « meilleures mains », les plus fiables et bienveillantes.
Concluons sur cette anecdote de nos Sages. Le Tsadik Reb Zousha d’Anipoli surprenait tous ses visiteurs par sa gentillesse et sa gaieté, en dépit de sa très grande pauvreté. Un de ses visiteurs l’interrogea un jour et lui dit « Mais comment pouvez-vous être aussi gai alors que votre famille vit dans une telle pauvreté ? » Reb Zousha lui répondit « Comment peuvent-ils être heureux ? C’est très simple. Ils mettent leur confiance dans un « bon-à-rien » comme moi, mais moi, je mets ma confiance dans la Toute Puissance de D.ieu ».
Le dévouement et la confiance absolue en D.ieu sont les meilleures garanties du bonheur !