La paracha de cette semaine commence par la réprimande que Moché Rabbénou adresse au peuple juif pour les diverses fautes commises dans le désert. L’une des premières qu’il évoque est celle des explorateurs. Moché rappelle les événements qui provoquèrent ce terrible incident. « Vous êtes venus vers moi, tous, en disant : "Envoyons des hommes en avant, qui exploreront pour nous ce pays et qui nous indiqueront le chemin que nous devons suivre et les villes où nous devons aller." »[1]
Quelle critique se cache dans ces paroles ? Rachi explique que la manière qu’ils eurent d’aborder Moché Rabbénou était incorrecte. « Vous êtes tous venus me voir » : Dans la irbouvia (mélange, confusion)…, les enfants devançant les anciens et les anciens devançant les dirigeants.[2]
D’après le sens simple, Moché les réprimandait pour un manque de dérekh érets (respect, conduite appropriée) et de kavod haThora (respect pour la Thora).
Le rav Yaacov Kamenetsky zatsal estime qu’il est difficile d’affirmer que le reproche de Moché était focalisé sur cela. Il semble évident, d’après le récit de la faute des explorateurs dans Parachat Chela’h Lekha, que leur principale faille était un manque de bita’hon (confiance en D.). C’est ce qui provoqua leur peur des puissantes nations vivant en Erets Israël et qui les fit déplorer leur incapacité de conquérir la Terre. Dans ce cas, quel rapport y a-t-il entre le fait que le peuple aborda Moché de manière impertinente et le manque de bita’hon, qui fut la véritable origine de la faute ?
Rav Kamanetsky explique qu’en effet, le manque de bita’hon fut à l’origine de la faute des explorateurs ; le manque de dérekh érets manifesté n’était qu’un symptôme de cette première faille. Si les Bné Israël avaient eu une confiance solide, ils auraient abordé Moché calmement, hiérarchiquement. Mais, étant donné leur grande anxiété concernant leur entrée dans la Terre, ils se comportèrent avec fébrilité et rompirent les conventions sur la façon de s’adresser à Moché. Ainsi, le manque de bita’hon fut la cause de leur comportement agité.[3]
Rav Kamenetsky utilise cette idée pour répondre à une autre question concernant l’histoire des explorateurs. Dans Parachat Chela’h Lekha, la liste des explorateurs n’est pas dans le même ordre que dans les autres sections de la Thora, dans lesquelles ils sont généralement classés par âge. Les commentateurs proposent plusieurs raisons à cet ordonnancement[4].
Rav Kamenetsky estime qu’il n’y a pas d’ordre particulier dans ce cas ; ils ressentirent tous, à l’exception de Yéhochoua et de Kalev, la même angoisse que le peuple, leur entrée en Erets Israël se projetait donc aussi dans la behala (agitation, panique). La behala provient d’un manque d’ordre ; on comprend donc pourquoi ils sont mentionnés sans classement particulier.
Nous apprenons du développement du rav Kamenetsky que quand une personne se comporte de manière agitée, précipitée, cela peut provenir d’un manque de foi en Hachem. Quelqu’un qui fait preuve de confiance ne se sentira pas paniqué devant une tâche à accomplir et ne sera pas déstabilisé ou nerveux si les choses ne se déroulent pas comme prévu. Il sait qu’Hachem le guide constamment et que chaque épreuve qu’il traverse est une opportunité de grandir. En revanche, sans ce sentiment de sécurité que procure le bita’hon, il n’est pas serein (pas de ménou'ha) et peut souhaiter vivement que les choses se passent différemment.
La première leçon que l’on peut tirer est de s’efforcer, quand on se sait nerveux ou agité par une situation, de ne pas faire quelque chose que l’on pourrait regretter par la suite. Il faut plutôt prendre du recul et considérer la situation de manière réfléchie.
Deuxièmement, nous devons comprendre que ce comportement provient probablement d’un manque de bita’hon et tenter d’intérioriser ce que l’on sait être vrai — c’est-à-dire qu’Hachem est avec nous et qu’il n’y a donc pas lieu de se sentir anxieux ou tendu.
Puissions-nous tous développer le bita’hon qui nous permettra de vivre sereinement (dans la ménou'ha).
[1] Devarim, 1:22.
[2] Rachi, Devarim, 1:22.
[3] Émet LeYaacov, Devarim, 1:22.
[4] Parachat Chela’h Lekha, Bamidbar, 13:4. Voir Ramban sur ce verset, qui écrit qu’ils sont classés par grandeur, selon leur vertu et le Seforno qui estime qu’ils sont ordonnés par âge.