Dans la parachat Yitro, il est écrit : « Je suis Hachem, Ton D.ieu qui t’ai fait sortir de la terre d’Égypte, de la maison d’esclavage. »[1] Le premier des dix commandements n’est pas un ordre explicite. D’ailleurs, certains commentateurs ne le considèrent pas comme une obligation en soi, mais comme une introduction aux autres commandements[2]. Toutefois, l’avis accepté est celui du Rambam et du Séfer Ha’hinoukh, à savoir qu’il s’agit bel et bien d’un devoir – celui de croire en D.ieu.
À qui s’adresse cette Mitsva ?
Si elle est destinée à ceux qui croient déjà en D.ieu[3], elle parait superflue ; inutile d’enjoindre à des croyants d’avoir la foi ! Et si elle est réservée à ceux qui ne croient pas en D.ieu, elle est tout autant futile, puisqu’ils n’obéiront certainement pas aux ordres d’un Être qu’ils ne vénèrent pas !
En réalité, la Mitsva concerne les gens qui croient déjà en D.ieu. Elle leur montre que le fait d'avoir conscience, sur le plan intellectuel, de l’existence de D.ieu ne suffit pas. Il faut essayer d’intérioriser cette réalité – le fait qu’Hachem existe et qu’Il dirige notre vie. Il n’est pas difficile de croire en D.ieu, mais il est bien plus compliqué d’en faire un axiome de base et de l’appliquer au jour le jour[4].
L’anecdote suivante illustre bien cette idée. À la suite d’une conversation entre Rav Chlomo Wolbe et Rav Yé’hezkel Lévinstein, ce dernier demanda : « Dites-moi, croyez-vous que ce monde a un Créateur ? ». Rav Wolbe, au début surpris, comprit que la question sous-entendait autre chose. Bien qu’il ne savait pas ce qu’insinuait Rav Lévinstein, il répondit par l’affirmative. « Bien, répliqua Rav Yé’hezkel, alors allez dire à vos disciples qu’il y a un Créateur ! » Rav Wolbe réalisa que plusieurs personnes vivent leur quotidien, étudient la Torah, accomplissent des Mitsvot, etc., sans ressentir au plus profond de leur cœur qu’il y a un Créateur. Rav Lévinstein voulait que Rav Wolbe imbibe ses élèves de ce savoir et de ce sentiment.
Cet enseignement est pertinent à tout Juif – il nous rappelle qu’il n’est pas suffisant d’accomplir des « actes juifs », ni d’aspirer à respecter les commandements de la Torah, même les plus difficiles (comme l’étude journalière de la Torah, l’interdiction de contact physique entre hommes et femmes, l’obligation pour les femmes mariées de se couvrir la tête…). Bien qu’il soit impossible de créer un véritable lien avec Hachem si l’on ne respecte pas Ses instructions, l’acte seul ne suffit pas. Il faut aussi travailler sur la foi en D.ieu et adapter son mode de vie à cette conviction, de façon à considérer tout ce qui nous arrive d’un point de vue spirituel. Cela signifie que nous devons ressentir qu’Hachem nous observe constamment et qu’Il communique avec nous, et agir conséquemment. Par exemple, celui qui rencontre des difficultés financières pourrait être tenté de désespérer ou bien de gagner de l’argent de façon malhonnête. Par contre, s’il est conscient qu’Hachem est source de tout revenu, il réalisera que toute solution qui contredit la loi ou la conception de la Torah ne lui sera d’aucun bénéfice.
Inutile de dire qu’il s’agit du travail de toute une vie, et qu’il existe diverses manières d’effectuer cette Avoda monumentale. Rav Its’hak Berkovits propose un moyen efficace d’intensifier notre croyance en Hachem de façon continue – à travers la prière. Il ne fait pas référence aux trois prières quotidiennes, mais à l’accomplissement de base de la Mitsva de Téfila expliquée par le Ramban[5]. Celui-ci écrit que la Torah nous enjoint de prier lorsque l’on en ressent le besoin. Il implique tout sentiment de manque ou de nécessité, même celui qui paraît le plus insignifiant. Cela peut lors de l’attente d’un bus, quand on essaie de répondre correctement à une question d’un examen, etc.
On raconte à ce propos que le Rav de Brisk remuait souvent les lèvres quand on lui posait une question. Il expliqua qu’il demandait à Hachem de le guider afin qu’il donne la bonne réponse.
En travaillant sur cet aspect de la prière, on en arrivera à communiquer avec Hachem plusieurs fois par jour. Ainsi, Il sera présent dans notre quotidien, dans nos activités les plus mondaines et notre Émouna en Hachem grandira inévitablement. On parviendra ainsi à accomplir la Mitsva d’« intérioriser » notre croyance en D.ieu.
[1] Chémot, 20:2.
[2] Le Bahag et Rav Saadia Gaon sont de cet avis.
[3] Cela inclut le concept de Hachga’ha (Providence Divine) ; qu’Hachem est Tout-Puissant, qu’Il dirige toute créature ; qu’Il fit sortir le peuple juif d’Égypte.
[4] Réponse basée sur les enseignements du Rav Its’hak Berkovits chlita.
[5] Ramban, commentaire sur le Séfer Hamitsvot du Rambam, Mitsva 5.