La paracha Pékoudé nous dit : « Tel est le compte du Tabernacle, Tabernacle du Témoignage, comme il fut établi par l’ordre de Moché. Le service des Léviim était sous la direction d’Itamar, fils d’Aharon le Cohen. Betsalel, fils d’Ouri, fils de ‘Hour, de la tribu de Yéhouda, exécuta tout ce qu’Hachem avait ordonné à Moché. »[1]

La paracha de cette semaine commence par une brève description du Michkan (Tabernacle) ainsi que des personnes impliquées dans sa construction et dans son service. Selon le Seforno, la Thora nous apprend une leçon importante à travers cette introduction. Le Michkan et ses ustensiles ne furent jamais détruits, capturés ou souillés. En revanche, les deux Temples furent sujets à la profanation ou à la destruction.

Le Seforno explique que les deux premiers versets de la Paracha nous offrent quatre raisons quant à la grandeur du Michkan. Tout d’abord, il s’appelle : « Tabernacle du Témoignage », en référence aux Tables de la Loi que Moché reçut au Mont Sinaï[2]. D’où l’incroyable spiritualité qui régnait dans le Tabernacle.

Le verset continue : « comme il fut établi par l’ordre de Moché ». Puisque Moché s’occupa de la construction du Michkan, ce dernier bénéficia de la splendeur de cette notabilité.

Le troisième élément contribuant à la sainteté du Michkan était le « service des Léviim sous la direction d’Itamar ». Itamar était également une figure éminente.

Enfin, le deuxième verset nous informe que Betsalel, grand personnage de lignée prestigieuse, construisit le Michkan.

Le Seforno le compare ensuite à la construction des Temples.

Le premier Beit HaMikdach fut érigé par le vertueux roi Salomon, mais les ouvriers étaient des non-juifs venus de Tsour. C’est pourquoi il fut sujet à la corrosion et devait être entretenu, à la différence du Tabernacle. Et puis, du fait de son moindre niveau de sainteté, il tomba entre les mains de nos ennemis et fut détruit.

Le deuxième Temple était d’un niveau encore inférieur ; les Tables de la Loi n’y étaient pas et il fut édifié par Cyrus, le roi perse. Lui aussi tomba entre les mains de nos ennemis et fut détruit.

Par la suite, la Thora nous informe de la valeur totale des bijoux offerts pour la construction du Tabernacle. Le Seforno sur ce verset, poursuit son développement et souligne que le Michkan valait beaucoup moins (monétairement) que les Temples, qui étaient tous deux des édifices extrêmement beaux et coûteux.

Pourtant, contrairement aux Temples, le modeste Tabernacle conserva continuellement la Présence Divine. Le Seforno conclut que la sainteté d’un bâtiment n’est pas déterminée par sa valeur matérielle ni par sa beauté, mais par le niveau spirituel des hommes qui participèrent à sa construction[3].

Dans le même ordre d’idées, l’explication du Seforno nous enseigne que la valeur que la Thora attribue aux objets est très différente de celle faite par le monde laïque. Dans la société sécularisée, la beauté extérieure ou le prix d’une chose détermine sa « valeur ». Par contre, la Thora accorde très peu d’importance à ces qualités extérieures, elle s’attarde plutôt sur la spiritualité investie dans l’objet, c’est ce qui fait sa vertu.

Le Tabernacle était peut-être moins impressionnant que les deux Temples, mais les motivations des hommes qui le construisirent le rendirent bien plus sublime.

Cette idée s’applique également à la halakha (loi juive). Les décisionnaires débattent du statut d’un étrog abîmé à cause de l’usure. Le ‘Hatam Sofer tranche que si la talure résulte de l’accomplissement de la mitsva des quatre espèces avec cet étrog, il est cacher. Il ajoute que ce genre de meurtrissures améliore même son statut, c’est en soi un hidour (un embellissement) de la mitsva[4]. Cette leçon est très édifiante. Quand un individu voit un bel étrog, intact, et le compare à un autre meurtri, « endommagé » par des centaines de personnes, il pense que l’étrog inaltéré est bien meilleur. Pourtant, la Thora se concentre plus sur ce qui se cache derrière l’étrog, que sur sa beauté extérieure.
 

L’histoire suivante illustre aussi ce point. Un homme demanda un jour au ‘Hazon Ich s’il avait le droit de nettoyer son chapeau, qui s’était sali pendant Chabbat. Le rav lui répondit que c’était interdit, mais la personne prétexta que cela risquait d’entraver l’honneur dû au Chabbat (kevod Chabbat), s’il sortait avec un tel chapeau. En réalité, le fait de laisser le chapeau sale constitue en soi un honneur du Chabbat, puisque l’on montre par là que l’on respecte la sainteté du Chabbat.

Ainsi, le critère qu’utilise la Thora pour définir la véritable valeur du monde matériel contraste grandement à celui du monde laïque. L’effort, la kavana (l’intention) et la spiritualité investis dans un objet sont les réels déterminants de sa grandeur, contrairement à son aspect extérieur et à sa valeur monétaire. On a naturellement tendance à se focaliser sur l’apparence de quelqu’un, sur la superficie d’une maison, sur l’allure d’une voiture, etc. Mais il incombe à chacun d’entre nous d’ajuster notre système de valeur selon la conception de la Thora.



[1] Chemot, 38:21-22.

[2] Voir Rachi, Chemot, 38:21 qui explique différemment les mots « משכן העדות ».

[3] Seforno, Chemot, 38: 21-24.

[4]Hidouché ‘Hatam Sofer, Soucca 36a.