À la suite de la terrible faute du Veau d’Or, Moché Rabbénou plaide devant Hachem pour qu’Il excuse la conduite du peuple juif. Après avoir accordé Son pardon, Hachem informe Moché de Ses 13 attributs de Miséricorde (13 Midot HaRa’hamim). Il dit à Moché que quand les Bné Israël en ont besoin, ils doivent réciter cette prière.

L’un de ces attributs est « nossé 'avone vapécha ve’hataat », qui signifie, d’après le sens courant, qu’Hachem pardonne l’iniquité, la faute délibérée et l’erreur. Or, la traduction littérale du mot « nossé » n’est pas « pardonne », mais « porte ». Qu’est-ce que « porter la faute » ?

Le rav Noa’h Weinberg zatsal répond à l’aide d’une analogie avec une banque qui accorde un prêt à quelqu’un.[1] L’emprunteur le rembourse généralement à l’heure, mais il rencontre parfois des difficultés financières et peine à payer pendant deux ou trois mois. La banque peut réagir de deux façons : soit refuser tout retard et lui exiger de payer immédiatement, soit se montrer tolérante et patiente et admettre que l’emprunteur qui est généralement honnête et régulier, traverse une période délicate, et que bientôt, il sera à nouveau en mesure de reprendre le remboursement de l’emprunt. La banque va alors « porter » le débiteur, lui offrant une aide financière, jusqu’à ce qu’il se remette de cette crise.

Rav Weinberg explique, dans le même ordre d’idées, que lorsque quelqu’un commet une faute, Hachem ne le punit pas tout de suite, mais Il le « porte », lui permettant ainsi de continuer sa vie sans être altéré, et en lui donnant une opportunité de faire techouva.[2]

Notre avodat Hachem est principalement tournée vers notre capacité d’émuler les midot d’Hachem, parce qu’en se comportant, pour ainsi dire, « comme » Hachem, on S’en rapproche. Comment peut-on faire montre de cette qualité Divine de « porter les fautes » ?

L’individu a souvent l’occasion de rencontrer des gens dont le niveau se dégrade. Il peut s’agir, par exemple, d'un enfant ou d’un élève qui commence à mal se comporter. La tendance naturelle du parent ou du professeur est de le punir sévèrement, avec l’espoir qu’un tel traitement l’obligera à s’améliorer. L’expérience prouve que cette approche est souvent inefficace et peut même être préjudiciable. Cette discipline est négative, parce qu’elle ne prend pas en compte ce qui a provoqué cette détérioration. Il convient plutôt d’accepter que des circonstances exceptionnelles entraînent un changement de comportement et de traiter l’autre avec indulgence et compréhension jusqu’à ce que l’on découvre la cause du trouble.

On peut alors aborder ce problème et tenter de réduire ses conséquences négatives. De cette façon, on peut émuler Hachem qui « porte les fauteurs », car on évite une punition immédiate et l’on permet l’amendement d’autrui.

L’histoire suivante illustre bien l’importance de cette mida.

Un jeune étudiant en Yéchiva se mit soudainement à enfreindre le Chabbat, aux yeux de ses camarades. Les directeurs estimèrent qu’ils n’avaient d’autre choix que de le renvoyer de la Yéchiva. Ils allèrent chez le rav Chakh zatsal pour avoir confirmation du bien-fondé de cette décision. Rav Chakh leur demanda si le chalom baït (harmonie dans la maison ; relation paisible entre un homme et son épouse) régnait dans le foyer parental et quelle était la situation financière des parents du jeune homme.

Les directeurs de la Yéchiva, surpris par ces questions, dirent : « Comment pouvons-nous savoir ce qui se passe chez lui ? » Rav Chakh se leva d’un bond et s’écria, les larmes aux yeux : « Rodfim[3] ! Sortez d’ici ! Je ne veux pas vous parler, vous ne savez pas quels sont les tenants et aboutissants, vous ne pensez pas à lui, tout ce que vous savez faire, c’est jeter ce ba’hour à la rue ! » Après investigations, on découvrit que les parents du jeune homme avaient divorcé une semaine auparavant, à cause de sérieuses difficultés financières[4] !

Cet incident nous montre combien il est primordial de « porter les fauteurs » ; faillir dans cette tâche peut être grave ; ces directeurs auraient pu écarter ce garçon de la Thora pour toujours. En réalité, il fallait simplement faire un effort pour comprendre la source de ce comportement négatif subit.

Quand un enfant ou un élève commence à mal se conduire, le parent ou le professeur peut instinctivement avoir recours à une discipline rigoureuse ; or, l’attribut de « nossé avon » nous indique qu’il peut être bien plus constructif de tenter de discerner la cause de ce changement d’attitude. Ceci ne se limite pas aux professeurs et aux parents. Au cours de notre vie, nous rencontrons inévitablement des amis ou des collègues qui connaissent une soudaine yérida (chute, déroute) dans leur comportement. En émulant la qualité d’Hachem, « porter la faute », nous pouvons éviter une réponse nuisible ou vexante et aider plutôt l’autre à mettre fin à cette phase descendante.

Puissions-nous tous mériter de nous entraider, durant les moments difficiles.



[1] Rapporté au nom du rav Yaacov Haber chlita, rav de la communauté « Chivté Yéchouroun », qui entendit ceci il y a plus de 35 ans à la yéchiva Thora Or, dans un vaad (cours) sur le Tomer Devora.

[2] Voir Messilat Yécharim, Ch. 4, p. 41-42.

[3] Un rodef est quelqu’un qui poursuit son prochain, avec l’intention de le tuer.

[4] Rav Its’hal Lorenz chlita, Binat HaMidot, p. 10.