Dans notre parachat Ki-Tissa il est écrit (Chemot, 32:6) : « Ils se levèrent tôt, le lendemain, pour offrir des holocaustes, amener des sacrifices propitiatoires. Le peuple s’assit pour manger et boire, puis il se leva pour se divertir (letsa’hek). »
Rachi explique, sur le mot letsa’hek ("pour se divertir") : Ce terme [letsa’hek] évoque la débauche, et [il implique] le meurtre… Ici aussi, ‘Hour fut tué.
Rachi nous enseigne qu’outre l’idolâtrie du Veau d’Or, les Juifs transgressèrent d’autres graves fautes, l’immoralité et le meurtre. Rachi, rapporte le Midrach Tan’houma et explique que le mot « letsa’hek » implique ces deux fautes capitales . La racine de « letsa’hek » est « ts’hok » (צחק), habituellement traduit par rire.
Quel rapport y a-t-il entre le rire, à connotation généralement positive, et les graves péchés de meurtre et de débauche ?!
Le Maharal précise que le צחוק est provoqué par l’imprévu. C’est ce qui se passe quand les limites sont dépassées — c’est ce qui cause le rire. Ainsi, צחוק peut faire référence à toute situation qui sort de l’ordinaire. On peut donc expliquer les différentes utilisations de ce terme ; l’immoralité provient d’une familiarité à outrance, le meurtre correspond à un dépassement des limites en ce qui concerne les relations entre un homme et son prochain. L’idolâtrie est également appelée « ts’hok », car c’est une adoration sans borne. Mais toute faute ne constitue-t-elle pas un dépassement du comportement acceptable ? Dans ce cas, pourquoi est-ce précisément ces fautes qui sont appelées « ts’hok » ?
Les mots du Maharal peuvent nous aider à répondre à ces interrogations.
Selon lui, ces fautes représentent l’antithèse des trois piliers sur lesquels repose le monde : la Thora, la Avoda (service Divin) et la Guemilout ‘Hassadim (actes de bonté). Grâce à ces trois piliers, l’individu peut se rapprocher d’Hachem à trois niveaux ; ben adam laMakom (relations entre l’homme et D.), ben adam la’havéro (entre un homme et son prochain) et ben adam leatsmo (l’homme avec lui-même). Chaque faute implique, à un certain degré, une atteinte à l’un ou à plusieurs de ces piliers, mais ces trois fautes capitales supposent les profanations les plus drastiques de ces piliers et elles sont donc considérées comme les formes les plus radicales du dépassement des limites.
Nous pouvons à présent comprendre pourquoi « ts’hok » est utilisé pour évoquer les péchés les plus graves.
Il convient toutefois de noter que l’outrance exprimée par la racine du mot « ts’hok » a également des connotations positives. Le nom de notre deuxième Patriarche, Its’hak Avinou, a pour racine « ts’hok ». Quel rapport y a-t-il entre Its’hak et « ts’hok » ? On répond que Sarah exprima sa joie de pouvoir enfin enfanter. Mais, en analysant plus profondément, nous découvrons que la naissance d’Its’hak fut un dépassement des lois de la nature ; Sarah était stérile – c’est seulement parce qu’Hachem a placé Avraham et Sarah au-delà de la nature que cette naissance fut possible.
Nous avons vu à quel point le fait de rompre les limites peut avoir des conséquences dévastatrices – notre tâche consiste à garder un cadre correct dans notre Avodat Hachem (service d’Hachem). Et, en considérant ce qu’Hachem fait pour Son peuple, nous voyons aussi qu’il n’y a pas de limites aux bienfaits qu’Il nous prodigue.
Ki-Tissa : le rapport entre "rire" et "débauche"
Mis en ligne le Mercredi 12 Février 2014
Rav Yehonathan GEFEN - © Torah-Box