La Paracha de cette semaine est d’une très grande richesse tant elle contient de nombreux versets fondateurs de notre tradition.
Nous aimerions nous arrêter sur le commandement relatif au respect du Chabbath qui prend un relief particulier cette année puisque nous entamons cette même semaine l’étude du traité du Talmud Chabbath dans le cycle du Daf Hayomi.
Après avoir décrit la construction du Tabernacle, le Temple portatif « Michkan » qui accompagnait les Bné Israël dans le désert, notre Paracha s’interrompt et stipule « Toutefois vous observerez Mes Chabbath… ». Nos Sages ont déduit de cette juxtaposition, que non seulement la construction du Temple doit être interrompue le Chabbath, mais en outre que tous les travaux nécessaires à la construction du Temple sont les prototypes des travaux « Mélakhot » interdits le Chabbath.
Les Sages du Talmud vont ensuite compiler l’ensemble de ces travaux qui s’élèvent à 39 travaux « principaux » et déterminer également des travaux « dérivés » qui sont également interdits par nos Sages
Notre Paracha est particulièrement intéressante car elle nous rappelle que, quelle que soit la sainteté du Michkan, et l’importance spirituelle de sa construction, cette dernière ne justifie pas de transgresser le Chabbath.
Il faut mesurer les conséquences de ce principe. Personne ne doute de l’importance du Temple et toutes les générations depuis sa destruction ont prié pour sa reconstruction. En effet, nous le savons bien, un monde qui ne contient pas le Temple, la demeure sainte d’Hachem, est un monde fondamentalement incomplet. Rien (aucun homme, aucune chose, aucun savoir) ne peut prétendre être achevé, être entier, être totalement épanoui tant que le Temple n’est pas reconstruit.
Voilà pourquoi, nos Maîtres ont prévu un certain nombre de prescriptions qui ont vocation à matérialiser cette béance au cœur de notre monde et qui se reflète dans notre vie, dans notre foyer, dans nos joies (par exemple, le bris du verre lors des mariages).
Et pourtant, quelle que soit cette importance capitale du Temple, sa construction ne justifie pas de transgresser le Chabbath. Cet interdit vient nous rappeler l’importance fondamentale du Chabbath et la chance inouïe que nous avons chaque semaine de le retrouver.
Combien d’efforts et de sacrifices serions nous prêts à concéder pour participer à la construction du Beth Hamikdach ! Mais n’oublions pas que nous avons chaque semaine le Chabbath dont la sainteté est éminente, à tout le moins, comparable à celle du Beth Hamikdach puisque c’est à dessein que nos Sages ont juxtaposé dans notre Paracha leurs versets.
Tout se passe finalement comme si Hachem venait dire aux hommes « Si jamais le Sanctuaire, dont il vient d’être si longuement question, venait à vous être ravi, n’oubliez pas qu’en « gardant » le Chabbath de toute votre force, vous avez la possibilité de retrouver la sainteté éminente que vous trouviez dans le Temple. » (Rav E. Munk) Peut-être pourrions-nous dire que tout lieu, à commencer par nos foyers, qui est capable d’accueillir la sainteté du Chabbath devient en lui-même un petit « Temple ».
Le Chabbath est défini par Hachem comme « un cadeau » qu’Il a offert aux hommes et qui leur permet de s’élever au-dessus des contingences naturelles, de s’affranchir des « travaux » qui caractérisent le reste de la semaine et de retrouver la liberté authentique.
Il arrive que l’homme, happé par la matérialité, ait délaissé sa construction spirituelle intérieure et en finisse par considérer ses activités matérielles comme une source d’épanouissement et de bonheur. En frappant d’interdit les 39 travaux du Michkan, nos Sages viennent nous mettre en garde et nous rappeler que ces travaux sont « malheureusement » nécessaires eu égard à la finitude de l’homme, à ses fautes qui ont provoqué l’exil de la Chekhina (la présence divine), et à sa condition matérielle.
Mais, l’homme ne se résume pas à cela. Il est porteur d’une Néchama, d’une aspiration spirituelle fondamentale qui ne demande qu’a être nourrie et déployée. C’est précisément cette respiration, ce « supplément d’âme » que l’Eternel nous offre chaque semaine, à travers le Chabbath, qui nous rappelle l’idéal d’une vie sanctifiée près du Maître du monde et qu’aucun impératif, fut-ce la construction du Temple, ne saurait supplanter. Seule la sauvegarde des vies humaines (« Pikoua’h Néfech ») justifie de transgresser pour que la personne puisse…respecter d’autres Chabbath.
Le Chabbath constitue ainsi la finalité ultime de la vie humaine, la plus grande élévation de sainteté à laquelle l’homme peut prétendre qui associe à la fois l’épanouissement de son âme et celui de son corps.
Enfin il symbolise l’alliance éternelle qui lie le Boré 'Olam, le Maître du monde, aux enfants d’Israël. Cette alliance ne s’inscrit pas dans un espace déterminé, ni dans la conquête ou l’expansion territoriale, elle s’inscrit dans le temps et la capacité de l’homme à habiter le temps, à le bâtir pour reprendre la belle expression du rabbin Abraham Heschel.
Ainsi, comme le fait remarquer le Rav Elie Munk, nous pourrions dire que « le Chabbath garde les enfants d’Israël, bien plus qu’il n’est gardé par eux ». Il a assuré leur survie spirituelle depuis des millénaires, ainsi que leur survie physique. La délivrance finale est elle-même liée au respect de deux Chabbath consécutifs par le peuple Juif.
Avec l’aide d’Hachem, puissions-nous avoir le mérite de connaître très prochainement cette délivrance, et puisse le mérite du Chabbath nous protéger ainsi que l’ensemble de notre peuple, et la monde entier !