Dans cette Paracha, Hachem enjoint à nouveau au peuple juif de respecter le Chabbath, précisant que c’est un signe entre Lui et la nation, une preuve qu’Hachem créa le monde en six jours et se reposa le septième jour. La Torah emploie les termes « Chavat Vayinafash ». « Chavat » signifie se reposer, mais le sens de « Vayinafach » n’est pas très clair, à première lecture. Ce mot est habituellement traduit par « revigoré », mais la Guémara[1] y voit une idée profonde. Elle affirme qu’il est l’amalgame de deux mots – Oy et Néfech, ce qui fait allusion à la Néchama Yétéra (âme supplémentaire) que l’on reçoit pendant Chabbath et dont on ressent le manque à son issue – « Oy Avda Néfech – Malheur, l’âme est partie ». C’est la raison pour laquelle on sent des Bessamim (épices odorantes) durant la Havdala pour adoucir la mélancolie éprouvée par la perte de la Néchama Yétéra[2].
Rachi[3] précise que la Néchama Yétéra donne une capacité à se reposer, se réjouir et manger davantage. La Chita Mékoubétset[4] explique qu’elle accorde une faculté d’étudier la Torah et de comprendre les actes de la Providence à un niveau plus élevé. Le Ben Yéhoyada cite le Ari zal qui affirme que la Néchama Yétéra est la couronne de lumière que chaque Juif reçut lors du don de la Torah et qui fut retiré à la suite de la faute du Veau d’Or. Chaque Chabbath, Hachem dépose à nouveau cette couronne sur la tête de chaque Juif.
Bénéficie-t-on de la Néchama Yétéra pendant Yom Tov ? Les avis sont partagés et le fait que l’on ne sente pas les Bessamim à l’issue d’un Yom Tov indiquerait que ce n’est pas le cas[5]. Le Rachbam[6] estime cependant que la Néchama Yétéra nous accompagne aussi durant les fêtes, mais il nous faut alors comprendre pourquoi il n’est pas nécessaire de sentir les Bessamim quand elles se terminent, tandis qu’à la sortie du Chabbath, l’âme en a besoin. Pourquoi la Néchama Yétéra nous quitte-t-elle après Chabbath, mais reste-t-elle en nous après Yom Tov ?
Pour répondre à cette question, il nous faut analyser une différence fondamentale qui existe entre Chabbath et Yom Tov. Les Livres saints évoquent le concept de « l’élévation d’en Haut » et « l’élévation d’en bas ». Dans le premier cas, on parle d’un moment où une inspiration particulière nous est accordée du Ciel, en cadeau. En revanche, « l’élévation d’en bas » fait référence aux temps où cette inspiration prend racine dans ce monde et où la participation humaine est nécessaire pour l’activer. Chabbath est caractérisé par « l’élévation d’en Haut », sa sainteté nous vient sans que nous y prenions part, c’est un « cadeau merveilleux » qu’Hachem nous donne. Quand on offre un objet à quelqu’un, le destinataire ne le mérite pas forcément.
Par contre, en ce qui concerne Yom Tov, il faut se préparer pour atteindre le niveau de sainteté du jour. C’est une « élévation d’en bas ». D’ailleurs, c’est l’homme qui détermine la date du Yom Tov, en fixant celle de Roch ’Hodech, alors que l’entrée du Chabbat n’est pas déterminée par l’être humain. Yom Tov n’est pas un cadeau, mais doit plutôt être mérité.
Le Kédouchat Lévi[7] et le Sfat Émet[8] expliquent pourquoi, selon l’avis du Ramban, la Néchama Yétéra ne nous quitte pas après Yom Tov. Puisqu’elle est acquise grâce aux préparations de la personne en vue de la fête, le mérite lui reste à jamais. Tandis que la Néchama Yétéra de Chabbath étant un présent, on ne peut la garder éternellement.
Ainsi, la Néchama Yétéra de Chabbath est accordée, peu importe l’effort de l’homme. Toutefois, si ce dernier ne ressent pas la sainteté particulière du Chabbath, c’est qu’il n’a pas « exploité » sa Néchama Yétéra. Il ne s’est certainement pas suffisamment préparé au Chabbath, il ne le considère peut-être pas avec la sainteté qui lui est due. Si le Chabbath représente uniquement une opportunité de dormir, de manger et de bavarder davantage, on risque de ne pas sentir son caractère saint. Mais si on lui voue le respect dû et que l’on s’efforce d’étudier plus, de discourir de Torah durant les repas, de passer plus de temps en famille, alors on ressentira sa sainteté à un degré bien plus élevé. C’est d’autant plus le cas pour Yom Tov, quand la Néchama Yétéra dépend des préparatifs (autant matériels que spirituels – étudier les lois et la Hachkafa de la fête) de la personne.
Puissions-nous mériter de ressentir la sainteté de chaque Chabbath et Yom Tov.
[1] Betsa 16a.
[2] Tossefot Betsa 33b.
[3] Betsa 16a, s.v Néchama Yétéra.
[4] Ibid. (s.v Natan).
[5] Pessa’him 102b.
[6] Ibid.
[7] Darouch Lépessa’h.
[8] Rapporté par le Dvar Chmouël Al Tossefot, Pessa’him, 102b.