« Il y aura une grande clameur dans tout le pays d’Égypte, comme il n’y en a jamais eu et comme il n’y en aura plus jamais. Mais contre tous les Enfants d’Israël, aucun chien n’aiguisera sa langue, ni contre l’homme ni contre la bête, afin que vous sachiez qu’Hachem aura distingué entre l’Égypte et Israël. » (Chémot 11,6-7)

« Et des hommes de sainteté, vous serez pour Moi ; et vous ne mangerez pas la chair d’une bête déchirée dans le champ, vous la jetterez au chien. » (Chémot 22,30)

Le Midrach (Chémot Raba 31,9) commente : « Il vous est interdit de manger une Tréfa, comme il est dit : "Vous ne mangerez pas la chair d’une bête déchirée dans le champ, vous la jetterez au chien." Pourquoi précisément aux chiens ? Le Saint-béni soit-Il dit : "Vous êtes redevables aux chiens, parce qu’au moment où J’ai tué les premiers-nés d’Égypte et que les Égyptiens s’endeuillèrent toute la nuit et enterraient leurs morts, les chiens aboyèrent devant eux, mais pas devant les Bné Israël, comme il est écrit : ‘Aucun chien n’aiguisera sa langue’." Par conséquent, vous êtes redevables aux chiens, comme il est dit : "Vous la jetterez aux chiens." »

La Torah raconte que pendant le fléau tuant les premiers-nés égyptiens, les chiens qui se trouvaient à proximité du peuple juif n’aboyèrent pas du tout. Les commentateurs expliquent que c’était prodigieux, car en général, les chiens aboient sauvagement lorsque l’Ange de la mort est présent. D’autant que les chiens qui se trouvaient du côté égyptien aboyaient constamment. Le Midrach enseigne qu’en récompense pour ce silence, durant toutes les générations à venir, si un Juif possède un morceau de viande non Cachère, il doit le donner à un chien, plutôt qu’à un autre animal.

Ce n’est pas la seule récompense que les chiens reçurent pour leur silence. Dans le Pérek Chira, où tous les animaux chantent des louanges à Hachem, le verset récité par les chiens est : « Venez, prosternons-nous et inclinons-nous, agenouillons-nous devant Hachem notre Créateur. » [1] Le Midrach rapporte que Rav Yéchaya, l’élève de Rabbi ’Hanina Ben Dossa jeûna pendant quatre-vingt-cinq jours pour parvenir à comprendre comment les chiens eurent le mérite de chanter une louange à Hachem. En effet, les chiens sont qualifiés d’effrontés[2]. Or, l’effronterie est l’antithèse de la soumission à Hachem. Le Midrach ajoute qu’un ange apparut à Rav Yéchaya ; il avait été envoyé du Ciel pour l’informer que les chiens méritent de chanter une Chira en vertu de leur comportement méritoire à l’époque de Makat Békhorot.

Le Midrach ajoute encore une autre récompense au silence des chiens – leurs excréments sont utilisés pour tanner les peaux des animaux en préparation de la fabrication du parchemin utilisé pour écrire des Sifré Torah, des Mézouzot et des Téfilines. Rav Issakhar Frand note que l’auteur du fer Darach Mordékhaï a demandé aux Sofrim modernes si c’était toujours le cas, et ils ont confirmé que les produits utilisés pour préparer les peaux d’animaux à la fabrication du parchemin (utilisé pour des Écritures saintes) proviennent en effet des excréments de chien.

Un certain nombre de questions se posent. Premièrement, quel était le grand bénéfice au fait que les chiens n’aboyèrent pas – s’ils avaient aboyé, en quoi cela aurait-il été si problématique ? Deuxièmement, pourquoi les chiens ont-ils reçu une récompense tellement grande pour leur silence, et quelle était la nature des récompenses spécifiques qu’Hachem leur a données ?

Les chiens accomplirent quelque chose de grand ; en effet, leur agissement fut contre-nature.[3]  Rav Issakhar Frand précise : « Rien n’est plus cher au Ribono Chel 'Olam qu’une personne, un animal ou une créature qui brise sa nature. C’est l’essence du service divin. Une personne qui surmonte ses instincts et ses traits de caractère innés est plus aimée et plus chère au Tout-Puissant que toute autre chose. Les chiens aboient ! La Guémara affirme (Brakhot) que lorsque les chiens ressentent la présence de l’Ange de la Mort, ils aboient. Ainsi, en Égypte, ils ne cédèrent pas à leur tendance naturelle. »

Étant donné leur agissement surnaturel, les chiens reçurent un certain nombre de récompenses. Tout d’abord, ils recevront de la viande (non Cachère) pour l’éternité – ils dominèrent leur désir d’aboyer et en récompense leur désir pour la viande sera assouvi lorsque les Juifs iront, eux aussi, contre leur nature et ne mangeront pas de viande (qui semble pourtant délicieuse), parce qu’elle n’est pas Cachère.

Les chiens méritent également de chanter des louanges à Hachem, parce qu’ils restèrent silencieux quand cela fut nécessaire. Donc en récompense, ils ont l’occasion de s’exprimer de la bonne façon – en louant le Créateur. Enfin, ils méritent également de participer à la création de Sifré Kodech, parce que le fait de se contrôler et de surmonter sa nature est le paroxysme de la Kédoucha.

Nous pouvons donc comprendre la signification du silence des chiens. D’après une compréhension simple du Texte, les commentateurs estiment que cela aurait effrayé le peuple juif et leur silence permit donc aux Juifs de passer cette nuit sereinement.[4]  À un niveau plus profond, le silence des chiens était un événement si inhabituel qu’il contribua au caractère surnaturel de cette nuit fatidique et montra au peuple juif à quel point Hachem était maître de la nature.

Bien évidemment, les enseignements de nos Sages sur les chiens ne sont pas uniquement des informations intéressantes, mais ils doivent être utilisés pour nous apprendre une leçon de vie. Tout d’abord, réaliser à quel point il est grandiose de surmonter ses instincts naturels en général et celui de vouloir parler de façon inappropriée (ou à un moment inapproprié), en particulier. Comme l’enseigne le Gaon de Vilna, la récompense qu’une personne reçoit pour la maîtrise du Lachone Hara' dépasse l’entendement des Malakhim (Anges).

Puissions-nous tous mériter de surmonter nos inclinations naturelles et de nous maîtriser dans tous les domaines.

 

[1] Téhillim 95,6.

[2] “Azé Néfech" Yéchaya 56,11.

[3] Bien entendu, les chiens n’ont pas de libre arbitre, mais comme souvent, nos Sages nous enseignent des leçons sur les traits de caractère, en prenant l’exemple des animaux.

[4] Voir Ibn Ezra, Chémot 11,7.