Dans notre paracha Vayéra, Hachem dit : "Vais-je cacher à Avraham ce que Je fais ? Avraham va devenir une nation grande et puissante, par laquelle tous les peuples de la terre seront bénis. Je l’ai aimé, parce qu’il a ordonné à ses enfants et à sa maison après lui d’observer la voie d’Hachem, de pratiquer la charité et la justice ; afin qu’Hachem apporte sur Avraham ce qu’Il avait déclaré à son égard." » (Béréchit, 18:17-19)
Avant de détruire la ville de Sodome, Hachem « décide » d’informer Avraham Avinou de Ses projets. La Torah explique la raison de cette démarche – Avraham avait énormément œuvré pour enseigner à ses enfants et à sa maisonnée les voies d’Hachem. Cependant, la fin du verset est très énigmatique ; que signifient les mots « Afin qu’Hachem apporte sur Avraham ce qu’Il avait déclaré à son égard » ?
Le Maharil Diskin[1] nous éclaircit sur cet épisode de la Torah. Il pose d’abord une autre question – nous savons qu’Avraham réagit au projet d’Hachem en priant avec insistance pour qu’Il annule Son décret de détruire Sodome, avec l’espoir qu’il y ait au moins dix personnes vertueuses dans la ville. Nous savons également que ces prières furent infructueuses : Sodome fut finalement décimée. D’où l’interrogation concernant les invocations d’Avraham : ont-elles toutes été infertiles ? Le Maharil Diskin répond que les Téfilot d’Avraham n’ont bien sûr pas été perdues, mais elles furent mises de côté pour servir de mérite à ses descendants.
Et dès lors que le peuple juif faute, Hachem se « souvient » (si l’on peut s’exprimer de la sorte) des prières d’Avraham et fait preuve de clémence envers ses descendants – et ce, à jamais.
Il explique ensuite que c’est pour cette raison qu’Hachem prévint Avraham – Il désirait qu’Avraham s’épanche en supplications, même s’Il savait que cela n’aiderait pas à sauver Sodome. En effet, grâce aux prières d’Avraham, une quantité incroyable de mérites va « planer » sur ses enfants, et ils assureront leur survie future, même quand de graves fautes seront commises.
Ainsi, le Maharil Diskin clarifie les termes expliquant pourquoi Hachem informe Avraham de Son projet concernant Sodome. Il voulait qu’Avraham prie pour la miséricorde, afin que cette bienveillance soit accordée à ses descendants et non aux habitants de Sodome. Les mots « ce qu’Il avait déclaré » font référence aux prières d’Avraham pour la clémence et « à son égard » indique que les Téfilot reviendront sur lui.
C’est une leçon fondamentale sur la prière. Aucune Téfila n’est perdue, même si l’objectif spécifique de cette prière n’a pas été atteint.
Prenons pour exemple la dernière guerre à Gaza durant laquelle cette idée fut mise en relief. la guerre fut déclenchée à la suite de l’enlèvement des trois jeunes hommes – qui suscita une intensification incroyable de prières de la part de tout le peuple juif pour le retour en paix des disparus. Quand on les trouva assassinés, un sentiment de grande peine et de déception envahit le cœur de chacun. Rav Steinman chlita dit alors que les prières n’avaient pas été vaines et qu’elles permirent à d’autres terribles décrets de ne pas s’abattre sur le peuple juif. Évidemment, on ne peut jamais savoir avec exactitude quels décrets furent ou seront annulés, mais peu après, durant la guerre, on découvrit que le mouvement terroriste « ’Hamas », yima’h chémam[2], avait programmé pendant plusieurs années une attaque dévastatrice, à plusieurs endroits d’Israël, par leurs tunnels. Son intention était de tuer et de kidnapper des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants. Ce projet devait se concrétiser pendant Roch Hachana 5775. Les autorités qui découvrirent ce complot affirmèrent qu’il aurait pu être plus désastreux que la Guerre de Kippour, durant laquelle plus de 2000 personnes succombèrent !
D’un point de vue naturel et logique, cette découverte fut possible uniquement « grâce » à l’enlèvement des trois jeunes hommes, qui provoqua tous les événements menant à la guerre. Et si l’on considère les faits avec un regard plus spirituel, Méal Dérékh Hatéva (de façon surnaturelle), les prières qui furent prononcées depuis le kidnapping jouèrent certainement aussi un rôle dans la découverte de ce terrible décret.
Pour résumer, Hachem valorisa énormément les prières d’Avraham Avinou – ceci nous apprend une leçon fondamentale, à savoir que nos prières ne sont jamais inutiles. Ceci nous enseigne également que peu importe nos mérites, ils ne pourront nous aider ou être utiles à nos descendants si l’on ne prie pas pour la miséricorde divine.
Puissions-nous tous mériter d’épancher nos cœurs et d’invoquer Hachem sincèrement.
[1] Parachat Vayéra, p. 46 le Maharil Diskin s’appelait Rav Yéhochoua Leib Diskin zatsal. Il était un Gaon (un génie en Torah), fut le Rav de Brisk puis à la fin de sa vie, il devint le Rav de Yérouchalaïm.
[2] Littéralement « Que leur nom et leur mémoire soient effacés ».