Pour celui qui s’intéresse à la vertu, et aux qualités que l’homme doit rechercher, la paracha de cette semaine est d’une grande richesse. Pour ne citer que les plus célèbres vertus évoquées par notre sidra, évoquons l’hospitalité, la sollicitude vis-à-vis des malades, l’attention portée à son prochain, ou encore le don de soi pour l’Eternel.
Toutefois, ces vertus fondamentales semblent trouver leur source dans une autre qualité : l’amour de D.ieu. Et de fait, notre patriarche Abraham se caractérise par son amour infini de D.ieu. Il puise dans cet amour également l’amour de son prochain, qui porte le reflet de D.ieu, et il puise dans cet amour la capacité à discerner ce qu’Hashem attend de lui en toutes circonstances.
C’est ainsi qu’il a pu comprendre, au début de notre paracha, qu’il valait mieux suspendre la conversation qu’il avait avec D.ieu pour se préoccuper de trois passants, plutôt que de les ignorer sur l’autel de sa méditation solitaire avec Hachem. Grâce à l’amour qu’il portait pour D.Ieu, il a compris intuitivement ce que l’Eternel attendait de lui.
Mais là où l’amour d’Abraham envers l’Eternel est le plus flagrant, c’est probablement lors de la ligature d’Isaac. Nos Sages nous invitent à méditer la manière dont Abraham s’est préparé à cette mission ô combien difficile. La Torah nous dit ainsi qu’Abraham s’est levé de bonne heure et a préparé son âne lui-même. Or, il aurait pu déléguer ses serviteurs pour se charger des préparatifs comme il est de coutume. A travers l’empressement qu’il manifeste pour accomplir cette mitsva, aussi dure qu’elle soit, Abraham témoigne de sa grande confiance dans la bonté de l’Eternel. Il ne pense pas questionner cet ordre, différer son exécution, ou s’en acquitter péniblement et laborieusement. Il reste égal à lui-même, rassuré par l’amour qu’il porte à Hachem.
Chacun sait combien les doutes, les questionnements sont délétères pour l’équilibre intérieur. Abraham ne connaît pas le doute, car il possède en lui un amour inaltérable pour D.ieu.
Dès lors, nous pouvons nous interroger sur les moyens de renforcer notre amour de l’Eternel, chacun à son niveau. Cette question peut paraître surprenante dans la mesure où l’amour est parfois réputé être un sentiment spontané, qui nait dans le cœur de l’homme naturellement sans aucune préparation ou réflexion préalable.
Or cette idée est bien souvent erronée, et elle conduit les hommes à confondre l’amour authentique avec d’autres sentiments bien souvent passagers et fragiles.
L’amour authentique est un sentiment profond qui mobilise aussi bien l’esprit, le corps et le cœur de l’homme.
Ainsi, un des vecteurs qui conduit directement à l’amour envers D.ieu réside dans la gratitude que nous sommes capables d’exprimer pour tous Ses bienfaits. Nous faisons parfois l’économie de cette reconnaissance, au motif que nous sommes convaincus d’« être reconnaissants » à Hashem, globalement, pour tout ce qu’Il nous donne. Mais cela ne suffit pas. L’amour envers l’Eternel se nourrit du travail intérieur que nous faisons afin de réaliser toutes Ses bontés.
En effet, nous réalisons ainsi à quel point Hachem nous aime, à quel point Il est près de nous, et Il nous comble de bienfaits toute la journée, à chaque instant. Le comprendre intellectuellement n’a rien à voir avec une recherche concrète dans notre vie de tous les petits miracles qui émaillent notre quotidien, tout comme les moments de quiétude que l’Eternel nous donne et que nous pensons « normaux ».
Cette conscience de la providence D.ivine qui accompagne l’homme au quotidien lui apporte un grand sentiment de confiance, d’apaisement et d’amour envers l’Eternel.
Cet amour de D.ieu s’enrichit également de l’accomplissement des mitsvot. En effet, la tradition juive nous enseigne que « les actes entrainent les cœurs ». Cela est vrai dans ma relation à autrui, comme le nous le disions la semaine dernière au nom de Rav E. Dessler, cité souvent par le Rav Sitruk zatsal, « Nous pensons que l’on donne à ceux que l’on aime, alors qu’en réalité nous aimons ceux à qui nous donnons ».
Et il en va de même des mitsvot. Lorsque nous les accomplissons, nous ouvrons notre cœur à la sagesse infinie de la Torah et nous lui permettons d’entrer en nous et de nous orienter vers les chemins porteurs de bénédictions. Le Talmud recommande, par exemle, de réciter cent berakhot par jour, et nos Sages de souligner qu’elles constituent le socle de notre émouna, tout comme le sanctuaire avait 100 socles pour le soutenir. Et, de fait, chaque berakha récitée avec la concentration appropriée, ancre davantage la présence d’Hashem à nos côtés, et renforce ainsi l’amour que nous lui portons.
Cette qualité d’ « aimer D.ieu » et de renforcer l’amour que nous lui portons, à l’image d’Abraham Avinou, nous rappelle que la relation que D.ieu souhaite tisser avec nous n’est pas seulement intellectuelle à travers l’étude de la Torah, ou de l’ordre de l’application d’une norme à travers « la halakha ». Ces dimensions sont nécessaires mais elles ne sont pas suffisantes. « D.ieu désire le cœur » nous disent nos Maîtres, et de fait, bien souvent la Torah parle le langage que les hommes comprennent afin de faire naître en nous des émotions et placer notre relation avec D.ieu sur le plan de l’émotion. Que signifie que D.ieu « descend » pour juger Sodome ? Ou bien que D.ieu se met en colère ? Ou encore qu’une odeur est agréable à D.ieu ? La Torah souhaite ainsi provoquer en nous des émotions afin que nous fassions entrer D.ieu dans nos cœurs.
L’amour que nous ressentons pour l’Eternel est la porte d’accès la plus sûre à l’amour d’autrui, en nous souvenant que chaque homme a été fait à l’image de D.ieu, mais aussi un vecteur efficace pour acquérir la confiance et à la paix intérieure.
Puissions-nous avoir le mérite de faire grandir notre amour de D.ieu et contribuer ainsi à retrouver, le plus vite possible, le Beth Hamikdach et accueillir le Mashia’h !