Dans la paracha Vayéchev, le commentateur Rachi nous explique pourquoi Tamar choisit d’annoncer à Yéhouda qu’elle était enceinte de lui de manière indirecte :
« Elle ne voulait pas lui faire honte et lui dire : "C’est de toi que j’ai conçu !", mais elle a dit : "c’est de l’homme à qui ces objets-ci appartiennent." Elle s’est dit : "S’il le reconnaît, qu’il le reconnaisse de lui-même ! Sinon, qu’ils me condamnent à être brûlée, mais je ne lui ferai pas honte publiquement !" D’où Rabbi Chimon bar Yo’haï apprend qu’il vaut mieux se laisser jeter dans une fournaise ardente que faire honte publiquement à son prochain. »
Dans ce sillage, Rabbi Néhoraï enseigne : « Tout celui qui fait honte à son prochain finira par être lui-même humilié. Plus encore, les anges de la destruction le poussent et le renvoient du monde et ils montrent son déshonneur à tous les hommes. » (Kala).
Et dans le traité Baba Metsia (p.58), nous lisons : « Quiconque fait honte publiquement à son prochain est considéré comme s’il avait fait couler du sang, car la honte provoque le drainage du sang du visage de la personne humiliée qui devient livide. »Nous lisons aussi : « Trois personnes descendent en enfer et n’en réchappent jamais (s’ils ne s’en repentent pas) :
1. Celui qui s’unit à une femme mariée.
2. Celui qui fait honte publiquement à son prochain.
3. Celui qui affuble son prochain d’un surnom. »
Le Talmud regorge de récits prouvant à quel point les Sages d’Israël veillaient à ne pas enfreindre cet interdit gravissime. En voici un :
Mar Oukva avait dans son voisinage un pauvre à qui il avait coutume de glisser quatre zouz par la fente de la porte. Un jour, le voisin se dit : « Je veux aller voir qui me fait cette bonté. » Cette fois-là, la nuit surprit Mar Oukva au beth haMidrach. Sa femme était venue à sa rencontre. Or quand le pauvre vit que Mar Oukva s’éloignait de sa porte, il sortit derrière eux. Ils se mirent à courir et rentrèrent dans un four encore chaud. Comme les pieds de Mar Oukva brûlaient, sa femme lui dit : « Mets tes pieds sur les miens car mes pieds ne brûlent pas ». Comme Mar Oukva s’attrista du fait que la chaleur touchait ses pieds et pas ceux de sa femme, cette dernière lui dit : « Moi je côtoie des pauvres tous les jours et je leur prodigue plus de bonté que toi parce que je leur offre des aliments prêts à la consommation, tandis que toi, tu leur donnes des pièces. »
Rav ’Haïm de Sanz consacra toute sa vie à la pratique de la charité, et des milliers de pauvres et d’indigents eurent le mérite de bénéficier de son soutien généreux. Il se souciait également de marier les orphelins nécessiteux, leur procurant une dot et des vêtements. Un jour, alors qu’il échangeait des paroles de Torah avec son fils Rabbi Yé’hezkel de Chinov et l’un des Rabbanim d’une ville voisine, le maître d’école de Sanz fit irruption dans la pièce. Rav ’Haïm lui demanda la date du mariage de sa fille et ce dernier répondit qu’il l’ignorait encore, vu qu’il n’avait pas encore rassemblé les fonds nécessaires à l’achat d’un talith et d’un shtreimel pour le marié, comme le voulait la coutume.
Se tournant vers son père, Rav Yé’hezkel exprima son étonnement face à la réaction de l’enseignant puisque, quelques jours plus tôt, il l’avait vu acheter un talith et un chapeau de fourrure.
En entendant cela, l’enseignant éprouva une grande honte, et il quitta la maison sans dire mot. Rav ’Haïm tança vertement son fils pour avoir humilié publiquement cet homme et ajouta qu’il se pouvait fort bien qu’il n’eût pas encore payé son achat, ou que sa femme eût besoin d’une robe mais étant gêné de l’avouer, il avait prétexté l’achat des cadeaux du fiancé. En entendant ces reproches, Rav Yé’hezkel courut à la recherche du maître d’école pour obtenir son pardon. Mais l’homme l’assigna à un din Torah sous l’arbitrage de son illustre père. Les deux hommes se présentèrent devant Rav ’Haïm qui déclara à l’adresse du plaignant : « Ecoute mon conseil, n’accorde pas ton pardon à mon fils avant qu’il ne s’engage non seulement à financer lui-même l’achat du talith et du shtreimel, mais également à couvrir la totalité des frais du mariage »…
Rav Yé’hezkel se plia à la sentence et ce n’est qu’après cela qu’il obtint le pardon du maître d’école offensé (Torat Haparacha).