« J’ai placé Mon arc dans la nuée et il deviendra un signe d’alliance entre Moi et la terre… L’arc sera dans les nuages, Je le regarderai pour rappeler le pacte perpétuel entre D. et toutes les créatures vivantes qui sont sur la terre. » (Béréchit 9,13-16)
Après le déluge, Hachem promit à Noa’h qu’Il ne détruirait plus le monde, quand bien même celui-ci le mériterait. Il ajouta un signe à Sa promesse ; l’arc-en-ciel. Une lecture simpliste indique dès que l’humanité mérite d’être anéantie, l’arc-en-ciel sert de « rappel » à Hachem quant à Sa promesse. Inutile de préciser que cette interprétation n’est pas juste – Hachem n’a aucunement besoin de « rappel » pour quoi que ce soit. Que signifient donc ces versets ?
Le Sforno explique que lorsque les personnes vertueuses voient l’arc-en-ciel, elles sont motivées à prier et à se repentir. Ils font tout pour apaiser la colère divine. Rav Issakhar Frand explique : « Le Tout Puissant prodigue au monde un bienfait exceptionnel. Il envoie à l’humanité un message indiquant Sa colère. Hachem n’a pas besoin de rappel, c’est nous qui en avons besoin. En voyant un arc-en-ciel, nous sommes supposés comprendre qu’Hachem est courroucé, au point que sans cette fameuse promesse, Il aurait à nouveau détruit le monde. C’est pourquoi nous devons nous hâter de nous repentir. »
Cette idée est également développée par Rav Sim’ha Zissel de Kelm[1]. Le Ramban rapporte une Guémara[2] affirmant qu’il ne convient pas de regarder fixement un arc-en-ciel et celui qui agit de la sorte mériterait d’être éradiqué du monde. Qu’y a-t-il de mal à observer un arc-en-ciel ? N’est-ce pas effectivement un magnifique phénomène de la nature ? En outre, dans le Vidouï du Rav Amram Gaon, l’une des fautes sur lesquelles il faut faire Téchouva et réciter le Vidouï (avouer ses fautes) est celle d’avoir « observé l’arc-en-ciel ». Quel problème y a-t-il à le faire ?[3]
Rav Sim’ha Zissel explique que notre réaction naturelle, en voyant un arc-en-ciel, est de trouver cela joli. On en admire les couleurs, la forme, les effets, etc. Or, comme le souligne Rav Frand : « Analysons cette audace ! D. est furieux. Il place un arc dans le ciel pour nous véhiculer un message que nous devons prendre très au sérieux, pour que nous fassions Téchouva et que nous implorions Sa miséricorde. Mais comment réagissons-nous ? En disant : "Oh ! C’est beau !" Quelle insolence ! »
Rav Sim’ha Zissel compare cette situation à un père qui est en colère contre son enfant et lève sa main pour le frapper[4]. Le père est furieux et son mécontentement envers l’enfant est manifeste. Ce dernier le regarde et est amusé par l’expression du visage du parent. Une telle réaction énervera le père davantage. Notre admiration et notre plaisir à regarder la beauté de l’arc-en-ciel ressemblent à la réaction de cet enfant.
Toutefois, Rav Sim’ha Zissel exprime son désaccord avec un commentaire du Michna Béroura[5], estimant que celui qui voit un arc-en-ciel ne doit pas raconter ceci à son prochain, car ce serait considéré comme lui annoncer une mauvaise nouvelle – la colère d’Hachem à notre égard. Rav Sim’ha Zissel ne comprend pas la logique de ce raisonnement – si quelqu’un voit un arc-en-ciel, cela doit l’inciter à se repentir et à entrainer d’autres personnes à en faire de même. Au contraire, il faut avertir le plus de gens possible, pour qu’eux aussi fassent Téchouva.
Pour résumer, l’arc-en-ciel nous montre la nécessité de nous introspecter et de faire Téchouva. Mais il reste à comprendre pourquoi Hachem l’a créé si joli s’il ne faut pas le regarder pour jouir de sa beauté ? Pourquoi n’a-t-il une apparence effrayante, ou au moins neutre ? Bien que l’arc-en-ciel soit une preuve de la Midat Hadin d’Hachem (Son attribut de justice), sa grâce indique que même la sévérité de D. provient de Son amour à notre égard. L’arc-en-ciel nous rappelle donc que par amour envers Son peuple, Hachem souhaite qu’il se repente et qu’il se rapproche de Lui.
Puissions-nous mériter d’intérioriser les messages qu’Hachem nous envoie et réaliser qu’ils proviennent de Son amour infini pour chacun d’entre nous.
[1] Rapporté par Rav Issakhar Frand.
[2] ’Haguiga 16a.
[3] La Guémara explique que cela ressemble au fait de regarder la Chékhina.
[4] À notre époque, il est déconseillé de frapper un enfant.
[5] Siman 229, s.k 1