Cette semaine, nous entamons un cycle de Haftarot qui ne sont plus directement liés aux sections hebdomadaires de la Torah que nous lisons, mais qui ont été choisis en relation avec la periode du calendrier.
Aussi, durant dix chabatot, nos Sages ont institué 3 haftarot liées à la destruction du Temple (« Tleta de pouranouta ») puis 7 haftarot de consolations (« sheva de neh’amata »).
En outre, cette semaine, nous ne lirons pas la haftara de Pinhas mais la première de « Ben hametsarim » (3 semaines d’affliction) qui correspond à la paracha Matot.
Ce texte nous est connu car dans la tradition sépharade, il s’agit de la même haftara que celle du chabat Chemot.
Notre texte est ainsi issu du premier chapitre du livre de Jérémie, où nous voyons l’origine de ce prophète. Non seulement, nous apprenons des détails sur sa généalogie, la période où il a vécu, mais aussi, chose rare dans les prophètes, les dates précises où il véhicula la parole d’Hachem. Nos Sages nous ont ainsi dévoilé que Jérémie fut prophète durant 40 années, à l’instar de Moche Rabenou. La comparaison entre ces deux prophètes est très féconde et nos Sages remarquent également qu’ils ont tous deux accompli un rôle complémentaire au sein du peuple : Moché était le prophète de la Rédemption, alors que Jérémie était le prophète de l’Exil ; Moché le prophète d’Israël, Jérémie, un Prophète d’Israël mais aussi des Nations (1. 5).
Les points commun entre la paracha et la Haftara
Comme nous l’avons vu, cette haftara est lue ce chabat non en raison de son lien avec la Haftara mais davantage car elle évoque la destruction du Temple de Jérusalem. Il s’agit en effet d’une des visions de Jérémie qui décrit le « mal venant du Nord », ce verset représentant l’arrivée de Nabuchodonosor arrivant depuis le Nord pour détruire le Temple.
Toutefois, il est possible de relever un point commun entre la Haftara de Pinhas et notre haftara. La paracha s’ouvre sur l’ascendance de Pinhas « fils d’Elazar, fils d’Aharon le Prêtre », et Rachi nous précise la raison de cette mention. Il s’agissait an rappelant sa filiation directe avec Aharon de mettre un terme aux moqueries des autres tribus qui rappelaient l’origine idolâtre de son grand père maternel (Yitro).
Or, Jérémie rencontre une difficulté similaire dans la mesure où il est le descendant de Rahav qui se convertit au judaïsme et épousa Josué, après avoir mené une vie peu recommandable. Cette ascendance était à l’origine de moqueries à l’égard du prophète. Rachi nous rappelle ici un proverbe « que vienne celui dont l’origine était trouble mais qui s’est amendé et élevé et qu’il réprimande celui dont l’origine était pure mais qui a corrompu ses voies ». Ce principe peut ainsi s’appliquer aussi bien à Pinhas qu’à Jérémie.
L’échos de la haftara
Notre haftara nous indique une première vision du prophète Jérémie, celle d’une branche d’amandier. Et, suite à cette vision, Hachem lui confirme qu’il a bien vu et lui en donne le sens « Je m’empresse d’accomplir ma parole ». L’amandier est, en effet, un arbre qui fleurit vite et son terme en hébreu (« chaked ») est proche du verbe « empresser » (« choked »). La destruction du Temple était en effet imminente et allait se produire rapidement.
Nos Sages vont même encore plus loin et nous disent que l’amandier fleurit durant 21 jours. Or 21 jours ce sont précisément les jours qui séparent le 17 Tamouz du 9 Av.
Mais cette prophétie et sombre contient en elle-même les ferments de la consolation et de l’espoir. En effet, lorsque Hachem s’était présenté à Moché Rabenou, Il s’était qualifié comme « Eh.yé acher Eh.yé » et Nos Sages voyaient dans cette répétition de ce « Eh.ye » « Je serai » une indication de la présence d’Hachem dans le premier et le deuxième exil. Or, la valeur numérique de ce verbe s’élève précisément à 21. (Rav Rozenberg)
C’est ainsi qu’à travers l’allusion de l’amandier, Hachem vient indique qu’il reste présent aux côtés du peuple, aussi bien dans la joie et la pureté, que dans la souffrance et l’impureté, « Hashoken itam betor toumotam » « Je réside à vos côtés même dans l’impureté ».
Dans un des psaumes de David, nous lisons « lehaguid baboker hasdeh’a ve-emounatekha baleilot » « il est bon de dire Ta bonté le matin, et Ta foi durant les nuits ». Le Rabbi de Alexander a écrit ainsi durant la Shoa le commentaire suivant de ce verset. Durant les périodes de joie (« le matin » de manière métaphorique), nous sommes prompts à louer D.ieu pour Ses bontés, en revanche, durant les nuits, les périodes sombres de la vie, les hommes sont confrontés à des épreuves de « emouna » plus difficiles. Mais le verset n’évoque pas la foi des hommes, mais celle de D.ieu (« Ta foi »). Le Rabbi de Alexander nous explique que durant les périodes sombres de la vie, D.Ieu a foi en l’homme qu’il ne coupera pas le fil qui le relie à son créateur et qu’il saura trouver en lui les forces de surmonter les épreuves en maintenant sa foi dans son Créateur.
Aussi, quel que soit les circonstances de le vie, y compris les périodes sombres comme celle des trois semaines, l’homme doit se renforcer dans sa Emouna, et savoir que D.Ieu ne l’abandonne jamais. Cette fidélité est décrite de manière poétique et émouvante par Jérémie dans notre Haftara : : « Ainsi parle l'Eternel: je te garde le souvenir de l'affection de ta jeunesse, de ton amour au temps de tes fiançailles, quand tu me suivais dans le désert, dans une région inculte. lsraël est une chose sainte, appartenant à l'Eternel, les prémices de Sa récolte: ceux qui en font leur nourriture sont en faute; il leur arrivera malheur," dit l'Eternel. » (Jérémie, 2, 2-3)