Dans la parachat Matot (31, 8), il est écrit : "וְאֵת בִּלְעָם בֶּן בְּעוֹר הָרְגוּ בֶּחָרֶב" (Et Bilaam, fils de Béor, ils le firent périr par le glaive)
Rabbi Yossef ’Haïm, l’auteur du Ben Ich ’Haï, demande : pourquoi la Torah juge-t-elle bon de nous raconter le sort final de ce mécréant ? En outre, si pour avoir prononcé une prophétie de bonne augure sur le peuple d’Israël, il a mérité de voir ses paroles consignées pour l’éternité dans la Torah, pourquoi fut-il condamné à une mort aussi douloureuse ? Le maître de Bagdad d’y répondre au moyen de la parabole suivante :
Un homme rustre et ignorant décida de se rendre à la synagogue un Chabbat. Dans cette maison de prière, chaque fidèle possédait sa place attitrée avec une plaque à son nom tandis que les deux dernières rangées étaient réservées aux invités.
Quand il arriva à la synagogue, l’assemblée était sur le point de proclamer Hachem Mélekh (« L’Éternel est Roi », passage au cours duquel tous se lèvent pour proclamer la royauté divine), aussi se levèrent-ils tous au même instant. Notre homme, s’imaginant qu’on se levait pour lui, fut tout ému de faire l’objet d’un tel honneur. Sans hésiter, il se dirigea alors droit vers le mur de l’est où il prit place sur le siège réservé au chef de la communauté ! Au moment où il s’assit, l’assemblée venait de terminer la lecture des versets, et tous s’assirent en conséquence. A présent, notre homme n’eut plus aucun doute, l’assemblée nourrissait à son égard un profond respect, puisque tous avaient attendu qu’il s’asseye à la place d’honneur pour s’asseoir à leur tour ! C’est alors que le bedeau de la communauté s’approcha de lui et l’invita avec délicatesse à prendre place sur le dernier banc, réservé aux invités…
Quelques instants plus tard, le chef de la communauté fit son entrée et se dirigea vers son siège. En fin observateur, l’homme constata que le chef de la communauté ne faisait pas l’objet des grandes marques de respect qu’on lui avait manifestées. Si, pour lui, tous s’étaient levés comme un seul homme, les fidèles se contentaient en revanche de se lever hâtivement au passage du chef de la communauté… Quand il revint chez lui, il fit à sa femme le récit des grands honneurs qu’on lui avait manifesté à la synagogue. « Seul le stupide bedeau, dit-il, ne m’a pas honoré comme il se doit ! » Sa femme qui était plus intelligente que lui, comprit immédiatement ce qui était arrivé à son époux, et elle lui expliqua qu’il était sans doute entré au moment précis où l’assemblée devait se lever pour les besoins de la liturgie. « J’en veux pour preuve, dit-elle, que quand le bedeau t’a pris pour t’asseoir au fond de la salle, nul n’a pris la peine de se lever en ton honneur !… »
De la même manière, nous dit le Ben Ich Haï, Bilam s’imaginait qu’il avait atteint par son mérite le niveau de la prophétie et qu’en son honneur, ses paroles étaient inscrites dans la Torah aux cotés de la prophétie de notre maître Moché… Pour mettre en évidence son erreur, le Tout-Puissant fit en sorte que ce qu’il avait prédit sur lui-même ne se réalise pas. Il avait dit « que ma fin soit comme la sienne » (c’està- dire comme celle d’Israël, sur qui les ennemis n’ont pas de prise), mais il mourut par l’épée. Sa fin lamentable prouve que ses prophéties n’ont guère été inscrites dans la Torah du fait de son importance, mais uniquement en l’honneur d’Israël.