« Celles-là sont les étapes des enfants d’Israël, qui sont sortis du pays d’Égypte, selon leurs armées, par la main de Moché et d’Aharon. » (Bamidbar 33,1)
Rachi explique ce verset en rapportant l’analogie de Rabbi Tan’houma ; un roi dont le fils était malade dut voyager avec lui dans un endroit lointain pour qu’il y soit soigné. Sur le chemin de leur retour, le père se mit à énumérer toutes les étapes de leur périple : « Ici, nous avons dormi. Là, nous avons eu froid. À cet endroit, tu as eu mal à la tête… »…
La Torah énumère les quarante-deux campements du peuple juif durant les quarante années de traversée du désert, depuis leur sortie d’Égypte jusqu’à leur entrée en Erets Israël. Cette information ne semble pas d’une importance majeure et pourtant, la Torah consacre de nombreux versets à la description de chaque escale. Quelle en est la raison ?
Le Midrach rapporté par Rachi compare ensuite le roi et son fils avec le peuple juif et D. « Ainsi dit Hakadoch Baroukh Hou à Moché : "Énumère tous les endroits où ils se plaignirent." C’est pourquoi il est dit : "Celles-là sont les étapes des enfants d’Israël" ». Ce récit a donc pour principale raison de se focaliser sur les incidents désagréables et de rappeler au peuple ses erreurs.
On peut tirer deux leçons de la liste que nous fait la Torah, quant à la façon de considérer le passé. Tout d’abord, il ne faut pas avoir honte de ses erreurs. De plus, il convient de se souvenir des périodes difficiles, même une fois traversées.
En effet, la personne qui a commis des erreurs ne doit pas simplement se repentir et aller de l’avant, mais elle doit apprendre à ne pas récidiver. « Ceux qui ne tirent pas leçon de l’histoire sont voués à la revivre. » Hachem nous enseigne qu’il ne faut pas oublier nos fautes et ce qui nous a poussés à les commettre, afin de ne pas les reproduire.
Rav Issakhar Frand explique différemment l’importance de se souvenir des fautes commises. « Si la Torah énumère les quarante-deux campements, c’est pour nous enseigner que certes, nous avons connu des moments difficiles, certes, nous avons trébuché, mais nous fumes capables de nous en remettre. Notre comportement fut parfois mauvais, mais nous nous sommes améliorés, grâce à notre force de caractère. Il s’agit d’enseignements importants que l’individu doit prendre en considération. Celui-ci vit en fonction de ses expériences – bonnes et mauvaises. Le fait de se dire "je souhaite oublier le passé" entrainera inévitablement la personne à trébucher à nouveau. »
Quand l’homme voit qu’il a fait de grosses erreurs, mais qu’il a changé, qu’il en a grandi, cela l’encourage à persévérer dans ses efforts.
Rav Frand raconte une histoire illustrant bien cette idée. Le fils de l’une de ses connaissances avait eu beaucoup de mal à trouver un bon parti. Il s’agit là d’une expérience particulièrement éprouvante. Durant les années précédant le mariage de cet enfant, ses parents gardèrent à l’écrit – dans un cahier – les différentes propositions qui lui avaient été faites. Ce cahier était très épais. Quand l’enfant se fiança enfin, le père souhaita brûler le cahier en question.
Rav Frand lui déconseilla d’agir ainsi ; cette attitude ne lui semblait pas conforme à l’approche de la Torah. Celle-ci, au lieu de raconter longuement le voyage des enfants d’Israël, aurait pu nous informer simplement : « Ils quittèrent l’Égypte et arrivèrent en Erets Israël ; leur périple dura trente-neuf ans, au terme desquels ils entrèrent en Terre Sainte. » Mais, elle détaille chaque escale et parle de ce qui s’y est passé ; les tribulations, les défaites, leur attitude. Ces événements formèrent le peuple juif, et, au niveau individuel, l’histoire de chaque homme façonne sa vie.
Ainsi, Rav Frand conseilla à ce parent de garder le cahier, en dépit des douloureux souvenirs qu’il éveillait. De ce fait, il pourrait – lui ou son enfant – le consulter de temps en temps et se dire : « Regarde ce que nous avons enduré et regarde où nous en sommes arrivés, ce que nous en avons gagné… »
En outre, on comprend souvent ultérieurement pourquoi il nous fallut traverser ces épreuves. Par exemple, un Chidoukh qui n’a pas abouti et qui semblait alors être une tragédie, fera réaliser (aux deux partis) que le prétendant (ou la prétendante) n’aurait pas été le conjoint idéal et cela permet alors d’apprécier davantage celui (ou celle) avec qui le foyer fut fondé.
Ainsi, le fait de revoir les événements passés a un aspect positif : cela aide à s’élever et à intérioriser l’idée que tout ce qui survient est pour notre bien.