Dans la Paracha de 'Houkat, la Torah nous informe du décès de la vertueuse Myriam. Immédiatement après sa mort, on nous annonce que plus personne n’avait d’eau à boire. La Guémara en déduit que le puits qui approvisionnait le peuple juif en eau durant leur périple dans le désert se maintenait par le mérite de Myriam [1].
Quel lien existe-t-il entre Myriam et l’eau qui fit vivre les Bné Israël pendant quarante ans ? [2]
Le Kli Yakar explique que Myriam excellait dans la Guémilout ‘Hassadim (procurer des bienfaits), comme nous le développerons plus tard. Grâce à cette qualité, Myriam mérita d’être à l’origine du puits (appelé d’ailleurs Béer Myriam), qui alimenta le peuple en eau, l’élément le plus indispensable à la survie de l’homme [3].
Développons l’explication du Kli Yakar : la bonté de Myriam était particulièrement axée sur le sauvetage et le maintien des vies juives. Cette qualité s’exprima chez Myriam dès son plus jeune âge. Par exemple, le Midrach nous raconte qu’à la suite du décret de Pharaon qui voulait tuer tout nouveau-né mâle, le père de Myriam, Amram, décida de se séparer de sa femme, Yokhéved, afin d’éviter la mort inévitable d’un futur fils. Amram était le chef du peuple juif ; les autres hommes suivirent donc son exemple et se séparèrent de leurs femmes.
En voyant cela, la jeune Myriam, âgée de cinq ans, réprimanda son père : « Ton décret est plus sévère que celui de Pharaon, car ce dernier concerne les garçons tandis que le tien s’applique aux garçons et aux filles » [4]. Amram accepta le reproche, se remaria avec Yokhéved et là aussi, tous les hommes en firent de même. Ainsi, Myriam fut la plus grande « génératrice » de vie.
Sans elle, de nombreux enfants juifs ne seraient jamais nés ; Moché Rabbénou n’aurait certainement pas existé. Myriam porte d’ailleurs un autre nom dans Divré Hayamim [5], celui d’Efrat (dont la racine est פרו qui signifie fructueux, productif), parce que « le peuple d’Israël se multiplia grâce à elle » [6].
Prenons pour autre exemple de ses efforts remarquables pour sauver des vies, son refus courageux d’obéir à Pharaon qui lui avait ordonné de tuer les nouveau-nés mâles. Elle et sa mère ne tuaient pas les bébés, mais aidaient les femmes juives à accoucher et leur donnaient à manger et à boire. La Torah lui donne un autre nom, celui de Pou’a (פועה, en regard de ses sauvetages exceptionnels ; ce nom est apparenté au mot נופעת, « car elle donnait du vin et faisait revivre (מפיעה) les bébés que l’on croyait morts [7] ».
Nous avons donc vu que la grandeur de Myriam résidait dans son incroyable bonté, en particulier concernant le cadeau le plus élémentaire, la vie. C'est pourquoi le Béer Myriam (le puits de Myriam) ravivait le peuple juif par son mérite. Elle risqua sa vie pour donner vie aux autres, et elle en fut récompensée par l’eau miraculeuse qui fit vivre le peuple juif dans le désert pendant quarante ans.
L’appréciation de la vie qu’avait Myriam est d’autant plus remarquable, compte tenu du milieu dans lequel elle naquit. Le Yalkout Chimoni nous informe que son nom est apparenté au mot « Mar », qui signifie amer, parce qu’au moment de sa naissance, les Égyptiens envenimèrent la vie des Bné Israël [8].
Nous savons que, dans le judaïsme, le nom d’une personne ou d’une chose est très évocateur quant à son essence. Évidemment, le fait que Myriam naquit à une époque si difficile de l’histoire joua un rôle central sur son avenir. Elle aurait pu devenir amère, triste et insatisfaite du contexte de sa naissance. On aurait pu comprendre un manque d’enthousiasme et d’amour de la vie, étant donné la douleur et les souffrances que cette dernière semblait offrir.
Pourtant, la réaction opposée qu’elle eut nous montre un autre aspect de sa grandeur. Elle reconnut la valeur intrinsèque de la vie et resta confiante en Hachem qui allait sauver le peuple juif de cette misérable situation. C’est cet optimisme continu qui lui permit de convaincre ses parents de se remarier, et qui permit la naissance du sauveur du peuple juif, Moché Rabbénou.
Nous pouvons tirer une leçon très importante du comportement de Myriam, dans la société actuelle. De plus en plus de personnes pensent qu’il est mauvais de mettre « trop » d’enfants au monde, vu les difficultés et les souffrances qui nous entourent.
Selon les adeptes de cette conception, la vie n’a pas de valeur en soi, mais elle dépend de la « satisfaction » que l’on en tire. Étant donné les nombreux défis rencontrés dans ce monde, comme la situation économique difficile, ces personnes pensent qu’il ne convient pas d’avoir une bouche supplémentaire à nourrir.
Inutile de dire que cette façon de penser est diamétralement opposée à l’approche de la Torah, personnifiée par Myriam. Pour cette dernière, la vie a une valeur inestimable. Ainsi, les situations les plus horribles ne justifiaient pas la limitation des naissances.
Puissions-nous apprendre de l’appréciation de la vie qu’avait Myriam et émuler ses accomplissements en insufflant la vie dans le monde.
[1] Ta'anit, 9a. La Guémara nous affirme aussi que la Manne tomba par le mérite de Moché Rabbénou et que les Nuées de Gloire protégeaient le peuple par le mérite d’Aharon.
[2] Pour d’autres points de vue sur le sujet, voir Bamidbar Rabba, 1:2 et Rabbénou Bé’hayé, Bamidbar.
[3] Kli Yakar, cité par le Anaf Yossef, Taanit, 9a. Bien entendu, la manne et les nuées de Gloire subvinrent aussi aux besoins du peuple, mais le Kli Yakar explique que l’eau est l’élément le plus fondamental. L’individu peut survivre sans manger pendant plusieurs semaines, mais ne peut tenir sans eau plus de quelques jours.
[4] Sota, 12a ; Chemot Rabba, 1:17.
[5] Divré Hayamim I, 2:19.
[6] Chemot Rabba, 1:13.
[7] Chemot Rabba, 1:17.
[8] Yalkout Chimoni, Chemot, 165.