La Haftara de cette semaine est bien connue et fait partie des rares Haftarot qui sont lues plusieurs fois dans l’année. En l’occurrence, notre texte, qui évoque notamment la symbolique de la Ménora, est également lu lors du Chabbath de la semaine de ‘Hanouka.
Ce texte est issu du livre du prophète Zacharie qui contient 14 chapitres, et dont les Sages ont extrait deux Haftarot. Zacharie fait partie des derniers prophètes de la tradition juive, comme le dit le Talmud : « Après la mort des derniers prophètes ‘Haggaï, Zacharie et Malakhi, l’Esprit Saint s’est retiré d’Israël, seule la Bat Kol (une voix céleste) a subsisté » (Yoma 9b).
Le livre de Zacharie est réputé être difficile à comprendre, et Rachi écrit ainsi : « Les prophéties de Zacharie sont très obscures car elles sont des visions à l’image des rêves, nécessitant une interprétation. Leur sens véritable ne pourra être compris que lors de la venue du Messie. »
Le livre décrit sur plusieurs chapitres des visions allégoriques du prophète et se conclut sur une exhortation à reconstruire le Temple, ainsi que sur des prophéties relatives aux temps messianiques. Notre Haftara, qui recoupe les chapitres trois et quatre, décrit précisément deux visions du prophète Zacharie.
La première évoque une accusation lancée contre le Grand Prêtre, Yéhochoua, par le Satan qui se tient à ses côtés. Le Grand Prêtre apparaît revêtu de vêtements tachés qui vont lui être retirés et échangés entre des vêtements neufs, il pourra également revêtir les attributs du Grand Prêtre.
La deuxième vision est celle d’un chandelier tout en or, et de part et d’autre, se tiennent deux oliviers qui alimentent deux conduits en or qui transmettent l’huile d’olive en permanence à la Ménora.
Comme nous l’avons dit, notre Haftara est particulièrement riche et appelle des interprétations à différents niveaux.
Tout d’abord, lorsque notre texte évoque l’accusation lancée par le Satan à l’encontre du Grand Prêtre, le prophète nous dit qu’il voit l’ange de D.ieu se tenir devant Yéhochoua, alors que le Satan se tient à sa droite. Le ‘Hafets ‘Haïm avait l’habitude d’expliquer ce verset de la manière suivante : le Satan, le mauvais penchant, peut se tenir à la gauche de l’homme. Cela signifie qu’il ne prend pas de masque pour agir, il attire l’homme délibérément vers la mauvaise voie, vers de mauvaises passions afin de le faire chuter. Lorsqu’il est à la gauche, il n’essaie pas de se cacher, il avance à visage découvert.
Toutefois, note le ‘Hafets ‘Haïm, le Satan se tient parfois à la droite de l’homme. Cela signifie que le Satan essaie de séduire l’homme en lui faisant croire qu’il recherche le bien. Le mauvais penchant utilise alors le langage que sa cible affectionne, il va se draper derrière les valeurs qu’il chérit le plus, et échafaude des raisonnements fallacieux pour amener finalement l’homme à fauter. Il peut ainsi convaincre l’homme de critiquer son prochain car c’est « nécessaire », le conduire à se mettre en colère pour « inculquer de bonnes valeurs » à ses enfants etc.
Cette remarque du ‘Hafets ‘Haïm nous encourage à prendre conscience de la nécessité de bien peser et soupeser nos réflexions, nos paroles et nos actions. Seules l’étude régulière de la Torah et la fréquentation d’un maître peuvent nous aider à ne pas nous égarer.
Nous pouvons également essayer de réfléchir à l’image que nous suggère notre Haftara du Grand Prêtre Yéhochoua, revêtu dans un premier temps d’habits souillés, puis, à la demande de l’ange de D.ieu, ses vêtements sales lui sont retirés et remplacés par de nouveaux vêtements immaculés ainsi que par la couronne du Cohen Gadol.
Les « vêtements sales » de Yéhochoua désignent, selon notre tradition, les fautes commises par les enfants du Grand Prêtre qui avaient contracté des mariages réprouvés, et leur père s’était abstenu de les condamner sévèrement pour cette entorse à la loi juive. Il est significatif que ces vêtements sales soient revêtus par le père et non par les enfants. Cela nous rappelle la responsabilité éminente des parents sur la conduite de leurs enfants et l’impossibilité d’échapper à leur responsabilité.
Toutefois, le repentir sincère du Grand Prêtre, sa volonté authentique de s’amender et de servir D.ieu lui valurent une aide providentielle afin de retrouver à nouveau des « habits propres ». Une condition lui est fixée, ainsi qu’à ses descendants : « Si tu marches dans mes voies, et respectes mes commandements, toi et tes descendants gouvernerez Ma maison. » C’est là un grand ‘Hessed d’Hachem d’ouvrir à chaque homme la voie du repentir et la possibilité de retrouver des « habits » immaculés.
La tradition ‘hassidique donne également une interprétation allégorique des « vêtements souillés » du Grand Prêtre. Elle nous propose d’y voir la nécessité pour les leaders spirituels de ne pas s’enfermer dans une tour d’ivoire spirituelle, confortables certes, mais coupé des réalités de leurs frères. Plus un homme est grand spirituellement, plus il a une responsabilité vis-à-vis d’autrui, il peut (doit) ainsi être amené à aider ses frères au cœur de leurs difficultés, et à leur tendre la main pour les extirper de leurs fautes. Cette proximité avec les difficultés de chacun peut amener l’homme à percevoir une réalité peu reluisante, mais il doit alors savoir que ces saletés ne s’incrusteront pas en lui, elles resteront à l’extérieur, « sur ses vêtements », puis seront lavées par D.ieu en reconnaissance du travail qu’il accomplit pour le peuple.
Enfin, nous voyons que les accusations du Satan ne tiennent pas face au Grand Prêtre qui nous est présenté comme un survivant miraculeux, « un tison sorti du feu » (« Oud Moutsal Mé-èch »). Et, de fait, nos Sages nous enseignent qu’il avait été mis dans une fournaise ardente par Nabuchodonosor mais qu’il en sortit indemne (sauf les taches sur ses vêtements). Cette épreuve terrible que le Grand Prêtre a subie et le miracle dont il a fait l’objet comme survivant lui permettent d’échapper aux accusations du Satan. Le Rabbi de Loubavitch nous propose une lecture contemporaine de ce verset, en soulignant que les Juifs de notre époque peuvent tous être considérés comme des survivants des persécutions nombreuses de l’histoire, et notamment de la Shoah. Nous serions ainsi tous des « tisons sortis du feu », face auxquels aucun de nos accusateurs n’ont de prise.
Puisse Hachem nous permettre d’échapper aux mauvais calculs de nos ennemis et nous permettre d’assister très prochainement à la construction du Temple et à la venue du Machia’h. Comme le dit plus tard le prophète Zacharie : « En ce temps, l’Eternel sera un et son nom sera un. »