« Bil’am se leva le matin, il sangla son ânesse, il alla avec les officiers de Moav. La colère de D. s’enflamma parce qu’il allait, un ange d’Hachem se tint dans le chemin pour le déranger… L’ânesse vit l’ange d’Hachem se tenant dans le chemin, et son épée dégainée dans sa main… » (Bamidbar 22,21-23)
Rachi explique, sur les mots « Lésatan Lo » : Il s’agit de l’ange de la miséricorde qui voulait l’empêcher de commettre la faute, afin qu’il ne trébuche pas et qu’il ne soir pas condamné.
Sur sa route pour aller maudire le peuple juif, Bil’am fut bloqué par un ange à l’épée dégainée. Rachi l’identifie comme étant l’ange de la miséricorde. Il explique qu’Hachem tenta d’arrêter Bil’am, précisément par l’intermédiaire de cet ange, car ce projet allait le mener à l’autodestruction, à la mort.
On comprend alors mal pourquoi l’ange en question brandissait une épée. Cette arme ne sied pas à un représentant de la miséricorde. Qu’advint-il du Malakh envoyé par Hachem pour empêcher Bil’am d’exécuter cette odieuse mission ?
Rav Avraham Pam[1] explique que l’ange de la miséricorde peut apparaître de différentes façons, sous différentes formes ; parfois, il prend une allure bienveillante, mais il peut également avoir l’air très effrayant. Son rôle est de véhiculer un message nous empêchant de faire quelque chose de mal – il souhaite donc notre bien – et pour atteindre son but, il mettra tous les moyens en œuvre. Il aura alors peut-être une attitude contraire à la compassion (comme le fait de dégainer une épée). L’aspect « miséricordieux » de cet ange ne se voit pas à son apparence ou à l’expression de son visage, mais au fait qu’il empêche l’individu de se faire du mal.
Cette idée s’applique de deux manières à notre vie. Rav Pam développait l’une d’elles à ses disciples en évoquant les déceptions éprouvées pendant la période des Chidoukhim. Imaginons un jeune homme qui rencontre une jeune fille qu’il pense sincèrement lui être destiné. Il est tout excité à l’idée de se fiancer bientôt, mais un détail fait avorter le projet. Naturellement, le jeune homme et sa famille sont très déçus, complètement décontenancés. Il comprendra certainement plus tard que cette déception fut la meilleure chose pour lui. Hachem « savait mieux » que lui – Il savait que cette fille ne serait pas sa femme et qu’il devait passer par cette période difficile pour se préparer à rencontrer « la vraie ». Dans le même ordre d’idées, le Steipler dit à quelqu’un qui avait rompu des fiançailles de célébrer le fait qu’il était plus proche du bon Chidoukh.
L’ange de la miséricorde nous enseigne une deuxième leçon : parfois, Hachem nous envoie un message très désagréable qui nous mène à analyser un certain comportement. Dans le cas de Bil’am, il allait aveuglément vers la mort et Hachem, dans Son infinie sagesse, décida qu’il était nécessaire de le prévenir en déguisant l’ange avec une épée. Bil’am ignora la leçon, mais il nous sert d’exemple éternel.
Comment savoir quel message Hachem souhaite nous transmettre ? D’autant qu’ils ne viennent pas toujours dans le but de faire changer l’individu d’avis, il arrive que ce soit un piège du Yétser Hara qui cherche à l’empêcher de bien agir. D’ailleurs ’Hazal racontent que le Satan tenta, de diverses façons, de dissuader Avraham Avinou d’effectuer la Akéda, mais Avraham savait que les « messages » envoyés ne provenaient pas de l’ange de la miséricorde, mais du Yétser Hara.
Lorsque l’on reçoit un tel message, il ne faut pas s’imaginer immédiatement devoir modifier son comportement, mais il convient d’analyser à nouveau la situation. Si l’on est certain d’avoir pris la bonne décision, on doit poursuivre dans cette voie.
Un jeune homme qui avait passé quelque temps à la Yéchiva et qui venait de décider de la quitter vint poser au Rav Its’hak Berkovits la question suivante. Il avait acheté un billet d’avion, mais le vol fut inexplicablement annulé. Il demanda au Rav s’il s’agissait d’un message divin le poussant à rester à la Yéchiva. Le Rav répondit qu’il ne faut pas prendre de décision sur la base de signes extérieurs, mais que l’on peut les utiliser pour réfléchir à la situation. Il était donc conseillé de demander à un Rav quel était le Daat Torah à ce sujet. S’il décidait qu’il avait pris la bonne décision, il devait concrétiser son projet.
Puissions-nous tous mériter la clarté d’esprit quand nous traversons des moments difficiles qui semblent faire obstacle à nos projets.
[1] Rapporté par Rav Issakhar Frand.