Sa voix grave et son accent israélien inimitables résonneront à jamais dans nos cœurs. En écrivant ces lignes, je ne réalise pas encore que notre cher Rav Haim Tzvi Rozenberg a rejoint son Créateur après un énième problème médical.
Il nous quitte donc en Adar Alef, ce mois rajouté, hors norme comme lui, ce personnage d’une autre époque aux connaissances inépuisables et à l’amour infini de son prochain. Il sera enterré le 7 Adar, accueilli par Moche Rabbénou en personne.
Toujours collé aux Grands de la génération, il finit logiquement son immense Tikoun (réparation), et certainement une partie de celui des juifs de France, en cette ultime semaine de Chovavim Tat.
Rav Rozenberg était avant tout le symbole ultime de la Messirout Néfech, de l’abnégation, héritée de ses illustres ancêtres. Il y a 64 ans, la Rabbanite Sarah, en sentant ses premières vraies contractions, avait contraint son mari à faire la route depuis Tel Aviv vers Jérusalem, afin que son fils naisse in extremis dans la ville sainte.
Doué d’une mémoire exceptionnelle et d’une Hatmada (assiduité) phénoménale, il a vite été repéré par Rav Chlomo Zalman Auerbach comme un génie, alors qu’il terminait pour la première fois le Talmud à tout juste 16 ans. Lion indomptable, il se plaisait à nous raconter les remontrances de ce grand maître à son égard : « J’ai connu beaucoup de génies qui n’ont rien fait de leur vie car ils ne voulaient pas se plier aux règles ! ».
Comme il aimait ces recadrages de ses maîtres ! Comme il vénérait chaque remarque de son maître par excellence, Rav Moché Soloveitchik de Zurich. Depuis tout jeune, il avait appris à aimer la Torah des Admourim, puis, plus tard, il s’est amouraché de la Kabbala des Séfarades et du Rav Sofer en particulier. Dès qu’il était impressionné par la conduite d’un Rav dans les histoires rapportées par ses élèves, il cherchait à rencontrer ce « vrai serviteur d’Hachem ».
Rav Rozenberg ne quittait jamais sa Guémara et ne pouvait concevoir donner son célèbre cours de Daf Hayomi sans y avoir passé au moins 4 heures. « Sans ça, on raconte des bêtises aux gens. Il faut être sérieux », aimait-il à répéter, lui qui connaissait le Talmud Babli et Yérouchalmi dans ses moindres recoins. « Il faut bosser », était sa devise permanente, lui qui révisait sans cesse pour ne pas oublier, ne jamais rien oublier. Jusqu’à son dernier souffle, sa vivacité d’esprit était unique. Il se souvenait aussi bien de tous les cours qu’il donnait - en faisant bien attention à ne jamais répéter la même chose d’une année sur l’autre dans son célèbre cours de Paracha du vendredi - que des questions de chaque élève. « Nabet, cette question vous me l’avez posé il y a 7 ans. »
En le repérant au Collel ‘Hazon Ich et en trouvant les arguments de poids pour le convaincre, le Grand-Rabbin de France, le Rav Yossef ‘Haïm Sitruck zal, a réalisé certainement le plus beau transfert de l’histoire de France. Le jeune Avrekh serait le premier Roch Yéchiva de la Yéchiva Ketana de Marseille. Ne maîtrisant ni la langue et découvrant la fonction, Rav Rozenberg fait ses grades avec humilité et découvre le bonheur de s’occuper des autres en continu. Avec le Dayan Shimon Bitton, il apprend l’art de donner cours, tout en répondant aux questions du public, en reprenant exactement là où il s’est arrêté.
Il ne s’arrêtera plus jamais de jouer ce rôle : Gma’h (caisse de bienfaisance) pour les pauvres, Chalom Bayit, accompagnement complet des malades et, bien sûr, des milliers de cours sur la Torah écrite et orale. Comme le disait Rav Théo Cahen avec justesse : « Rav Rozenberg, c’est une institution à lui tout seul ».
Avec les années, sa crinière a poussé et le Rav a appris a limé ses griffes pour réchauffer le plus grand nombre. Les mots de Rav Auerbach ont fait du chemin depuis les années à Kol Torah et sa vie fut gigantesque.
Rav Rozenberg était avant tout une adresse, celle du Da’at Torah (vision selon la Torah), celui qui savait écouter votre problème en quelques minutes et vous donner une solution pertinente. Libre à vous d’accepter son conseil, mais, en fin de compte, il avait vu juste. Le Rav par excellence capable de changer votre vie du tout au tout en quelques phrases bien placées.
Qui sera maintenant cette main de fer dans un gant de velours, toujours un cigarillo à la bouche, comme pour vous rappeler qu’il était bien humain. Ses proches ont connu la force de ses Brakhot, toujours accompagnées d’un « si ça fonctionne, merci de n’en parler à personne, on ne sait jamais ».
Combien il aimait sa communauté de Rashi Schule qui « continuait à lui faire confiance depuis tant d’années, des gens vraiment courageux ». Combien il pouvait être extrême si quelqu’un avait le malheur de mépriser un avis dans la Guémara !
Son association de soutien a aidé des milliers de juifs, grâce notamment à l’abnégation de sa fille Esther. Il gérait en temps réel des dizaines de cas : du malade en fin de vie, au ‘Hatan qui avait besoin d’une dernière enveloppe pour finaliser son mariage, en passant par la chaise roulante électrique qu’il fallait acquérir en urgence pour un jeune paraplégique. Lorsque vous entendiez au bout du fil : « Chalom, Rozenberg à l’appareil », vous saviez que vous auriez le mérite d’être de la prochaine mission. Et, plus que ça, si vous avez été efficace, vous ferez partie de plusieurs autres missions toujours urgentes, tel Ariel Dehan, membre permanent des équipes d’intervention.
Une vie de Mitsvot… Des milliers de témoignages afflueront bientôt de toute part, car avec Rav Rozenberg, tout le monde se sentait unique, on ne le dérangeait jamais « ‘Hass Véchalom » et les meilleures heures pour l’appeler démarraient après minuit.
Suite à un cancer très dur il y a plus de 20 ans, il s’est lié d’amitié avec le Rav Firer de Ezra Lamarpé et est devenu officieusement son émissaire pour la France, pour ne pas dire pour l’Europe. Missions particulières, équipe particulière, avec en tête le Tsadik Docteur Calitchi. A la tête d’un vrai réseau de spécialistes, Rav Rozenberg a épaulé des centaines de malades et leurs familles. On rappellera le regretté Moché Atlani, qui transformait souvent son hôtel gratuitement en hospice, à la demande du Rav.
Le plus fort, c’est que le Rav utilisait des soutiens logistiques, mais qu’il ne déléguait totalement aucun de ses dossiers dans quelque domaine que ce soit. Rien n’était laissé au hasard. Le lithuanien dans sa plus pure essence, « on fait parce que l’on doit faire ». Il s’imposait un rythme infernal, car « il fallait servir le public. Sinon pourquoi devenir Rav ? ». Il m’a avoué n’avoir jamais raté aucun office tout le temps de ses séances de chimiothérapie : « On était en plein ‘Omer, comment un Rav peut-il rater la Brakha du ‘Omer ? »
C’était un véritable homme d’action qui honorait ceux qui aimaient Hachem et Son peuple. Il était impressionné, par exemple, par le doigté du Rav Steinman pour gérer les crises, par les réalisations du Rabbi de Loubavitch, par le souci véritable de son gendre, le Rav Weinberg, pour ses défunts (‘Hévra Kadicha et Zaka) et par la capacité du Rav Ovadia Yossef à avoir élevé le public Séfarade. Toutefois, ce qui l’interpelait par-dessus tout, c’était l’incroyable réussite de Rav Ovadia avec ses enfants, tous des sages et grands serviteurs d’Hachem. Pour ceux qui l’ont bien connu, le Rav était un expert du juste dosage et de la gestion des priorités. Aucune exagération, l’important c’est de grandir dans la durée. Naturellement, son souci le plus fort allait toujours à sa femme et ses enfants. Il était parfaitement fusionnel avec sa femme et ses filles et très fier que son fils unique, Yossef, perpétue la tradition familiale rabbinique.
A Pourim, c’était le branle-bas de combat et toute la famille était sur le pont pour le grand rendez-vous annuel lors duquel le Rav réalisait sans concession la Mitsva de « Lébassoumé » (s'enivrer pour la Mitsva), en laissant échapper son faible éternel pour la vodka.
Avec tout cela, le Rav n’a jamais eu le temps de laisser une œuvre écrite, il a préféré investir dans chacun de ses élèves, dans des Torah vivantes. Il a d’ailleurs toujours eu un vrai goût pour les bonnes affaires. Son plus fidèle lieutenant, Pessah Birnbaum, se chargera à coup sûr de développer les écrits du Rav et de leur donner la place qu’ils méritent.
Rabbi, vous nous avez tant remplis de votre amour infini d’Hakadoch Baroukh Hou et pourtant, aujourd’hui, nous nous sentons tous tellement vides.
Roi Machia’h, viens vite sécher nos larmes qui coulent à flots.
P.S : pour les informations quant à son enterrement, cliquez-ici : https://torahbox.com/GHX4