Il est intéressant de relever, dans la Torah, deux cas d’anarchie et deux cas de désinformation, ces deux maux qui détruisent aujourd’hui le déroulement naturel de l’Histoire. Assurément, ils sont identifiés comme négatifs, et, dans un cas, la désinformation entraîne même des conséquences très graves. Le premier cas d’anarchie – de désordre dans l’accès au juge – est relevé par Yitro, le beau-père de Moché, qui explique à son gendre qu’il faut organiser la justice, et lui enseigne la nécessité d’une hiérarchie dans le domaine judiciaire, avec des juges pour des groupes de mille personnes, d’autres pour des groupes de cent, pour des groupes de cinquante personnes, et même pour des dizaines. Yitro organise la vie judiciaire, en y mettant de l’ordre. Moché accepte cette proposition. Il répète cette acceptation dans le Livre de Dévarim (1,15). Une seconde fois, dans le désert, les enfants d’Israël se sont rassemblés, de façon désordonnée, pour demander d’envoyer des explorateurs en Cana'an. Rachi explique le verset : « Vous êtes venus en foule désordonnée… les jeunes poussant les vieux, les vieux poussant ceux qui les dépassaient » (Dévarim 1, 22). Ils se pressaient, sans ordre, de façon anarchique.
Deux cas de « désinformation » apparaissent aussi et conduisent à des catastrophes : quand Moché était parti pendant 40 jours auprès de l’Éternel, le groupe d’Égyptiens qui s’était infiltré dans le camp des enfants d’Israël a fait croire au peuple que Moché était mort, ce qui a conduit à la fabrication du veau d’or. Le deuxième cas de désinformation fut le rapport fallacieux des explorateurs qui, ayant visité le pays de Cana'an, effrayèrent le peuple, et le découragèrent de venir conquérir Erets Israël. De ce fait, le peuple dut rester 40 ans dans le désert, et ce n’est que la génération suivante qui conquit la Terre Sainte. De plus – conséquence encore plus grave – la date de la révolte du peuple, à la suite du rapport des explorateurs, cette date fut, plus tard, la date de la destruction des deux Temples de Jérusalem, le 9 Av, et donc du départ en exil du peuple juif. Retenons ces avertissements pour comprendre les avatars de l’Histoire, et les aventures de l’histoire juive.
Attention ! Il ne s’agit certes pas de comparer les révoltes contre l’Autorité divine, incarnée par Moché, avec l’anarchie actuelle et les désordres sociaux. Loin de nous pareilles affirmations ! De fait, toute l’histoire contemporaine du nationalisme juif laïque, né surtout en Europe orientale, n’est qu’une immense révolte contre le destin « Galoutique » du peuple juif. Ce n’est, certes, pas notre intention d’établir des parallèles nullement fondés. Il importe pourtant de relever que, précisément, à notre époque, le refus de l’autorité – même basée sur un fondement démocratique – ne cesse de définir l’Histoire. Assurément, aujourd’hui, la globalisation, d’une part, l’extrême utilisation des progrès technologiques, d’autre part, convergent pour créer un climat de désordre et de refus des conventions sociales. Est-ce la proximité de l’époque messianique qui est ainsi annoncée ? On voudrait l’espérer ! L’immense « brouillamini » qui caractérise notre époque ne serait-il pas un précurseur d’une aventure encore inégalée de l’Histoire ? Une chose est certaine : la perte des valeurs est parallèle à l’extinction des idéologies. La démocratie est refusée aussi bien qu’une théocratie inimaginable aujourd’hui, par une population éloignée de toute aspiration transcendante. Heureux sommes-nous de pouvoir éprouver notre lien avec une Force qui dépasse tous les calculs. La Vérité peut être dissimulée sous les refus, mais, en fin de parcours, elle ne pourra que nous éblouir par sa pureté. Ces révoltes, ces fake news, cette intention de cacher, de se voiler la vérité, devraient nous éveiller, être assimilées aux douleurs de l’enfantement, mais par ailleurs être des signes d’une prochaine Rédemption. L’humanité voudrait peut-être l’ignorer, fermer les yeux, mais la puissance de la Vérité nous interdit de nous dérober à ce mouvement irréversible : l’Histoire, qui tourne autour des Trois axes, exprimés par Maïmonide – foi en D.ieu créateur, en la Révélation et en une Rédemption que l’on espère prochaine – cette Histoire, nous la voyons se dérouler aujourd’hui au-delà des mensonges, des désordres anarchiques. La foi en ce déroulement historique nous soutient, et donne le courage de se relier à la Vérité éternelle en observant la Torah divine sans révolte, et avec une profonde reconnaissance envers le Créateur qui ne cesse d’exercer Sa Providence sur l’Histoire !