Mazal Tov !

Le couscous a reçu mercredi 16 décembre 2020 ses lettres de noblesse et est entré au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture).

Cette inscription reconnaît la valeur exceptionnelle du couscous, comme une référence non seulement culinaire, mais également culturelle.

L’histoire de ce plat est non seulement très ancienne - certains pensent même biblique, comme on le verra plus loin -, mais aussi complexe et très variée. On lui prête une origine berbère et on en retrouve des traces au Moyen Age. S’il est difficile d’être définitif sur son histoire, tout le monde est en revanche tombé d’accord sur cette vérité concernant ce plat : « Le meilleur couscous, c’est celui de ma mère ! ».

L’esprit du couscous 

Le couscous est un plat qui jalonne la vie des populations de l’Algérie, de la Mauritanie, du Maroc et de la Tunisie, et bien au-delà. Les juifs qui habitaient ces régions l’ont complètement adopté et il n’y a pas un mariage, une fête ou une réunion familiale sans couscous.

C’est donc à la fois un plat de l’ordinaire et de l’exceptionnel, associé tant aux joies qu’aux peines, consommé tant chez soi qu’en dehors. Le couscous accompagne nos fêtes jusqu’à 120 ans et il est bien plus qu’un plat, c’est un moment de souvenirs, de traditions, de gestes qui se transmettent de génération en génération.

C’est la Madeleine de Proust orientale, qui, quand on le goûte, fait ressurgir une émotion intense, celle de l’enfance, d’un pays souvent perdu, et d’une grande nostalgie.

Il y a ainsi autant de recettes de couscous que de familles et une variété infinie de nuances entre les régions, la composition changeant selon le milieu géographique, selon que l’on se trouve en plaine, dans les montagnes, dans des oasis, près du littoral, ou dans des îles - faisant du couscous un véritable plat miroir des sociétés où il est cuisiné.

Au-delà d’un plat : une chaîne de savoir-faire et de traditions

La préparation de la graine du couscous était un cérémonial et suivait traditionnellement un certain nombre d’étapes : la semoule était d’abord moulue à l'aide de meules ou de moulins, ensuite roulée, selon la tradition, par les mains de femmes dans des écuelles en terre cuite, en bois, en vannerie, et, plus récemment, en métal. Le calibre de la graine variait selon le maillage d’un tamis en bois.

Le couscous est ainsi une somme de savoir-faire, dans lequel les femmes jouent un rôle fondamental, non seulement en ce qui concerne la préparation, mais aussi en ce qui concerne la transmission du « tour de main » à leurs filles et petites-filles.

Mais même sans le couronnement du couscous par l’UNESCO, avec lequel nous entretenons des relations mitigées*, si ce plat est le symbole culinaire des juifs d’Afrique du Nord, il est aussi dans le top ten des plats préférés des Français. 

La Manne a la saveur du couscous ?

Mais le coup de maître du couscous, c’est un commentateur de la Torah du 16ème siècle, Harav Hagaon Rabbénou Eli’ézer Achkénazi (1512 - 1585), qui l’avance du verset : “... Si seulement nous étions morts en Egypte, alors que nous étions assis sur la casserole de viande en mangeant du pain à satiété” (Béchala’h 16/3).

Le Rav pense qu'à cet instant où le peuple exprime son regret « des délices » de l’Egypte, en fait, il se languit… oui, de couscous !

Pour le Rav Achkénazi, les juifs en esclavage mangeaient ce plat, et la tournure « assis sur les récipients de viande » fait allusion au couscous qu’on déposait sur un récipient de viande et qui gonflait des vapeurs du plat. Non, le Rav Achkénazi n’était pas tunisien, il avait été Rav en Egypte.... 

Bien sûr, on ne parle pas ici de couscoussier, cet instrument n’existait pas, mais d’une serviette dans laquelle on mettait la graine. 

Concluons par un autre « pavé dans le couscous », celui de l’avis du Rav de la ville Tlemcen en Algérie, Rabbi Yossef Messas (1892-1974), qui compare la consistance et l’aspect du couscous à la Manne. 

D’après lui, comme les Hébreux étaient habitués à cette nourriture en Egypte, D.ieu leur envoya donc, dans le désert, un aliment semblable, pour ne pas les « dépayser » de leurs coutumes alimentaires. 

Et si en Egypte ils devaient se suffire d’une graine de mauvaise qualité, dont la couleur était grise et terne, et bien, lors de leur périple, D.ieu allait les choyer avec une graine blanche, brillante, à l'aspect de cristal étincelant.

Les racines du couscous remonteraient donc très haut dans notre histoire et dans notre conscience juive. Est-ce cela qui le rendrait si cher à nos cœurs et à nos palais ? Très possible.

En tous cas, “Bétéavone” à tous, et régalons-nous… 

 

*Rappelons qu’en juillet 2017, une décision de l’UNESCO demande de classer la vieille ville d'Hébron en Judée Samarie (site d'une "valeur universelle exceptionnelle") en tant que site palestinien. Israël réagira alors en parlant d'une "réécriture de l'histoire niant les liens millénaires des juifs avec Hébron". Et le Premier ministre israélien, Binyamin Netanyahou, parlera d’une "décision délirante".