Que l’on nous comprenne d’emblée : il n’est pas dans notre intention d’expliquer – assurément – les évènements extérieurs. Ce qu’il faut faire pour « voir plus clair », c’est essayer d’analyser les faits et d’en tirer des conclusions sur la conduite de l’humanité. Ce que nous croyons, c’est que l’Histoire n’est pas le fruit du hasard, et qu’une Main dirige, oriente l’Histoire vers un but ultime. Notre foi est ferme, qu’il y a une direction, qui doit mener vers un objectif. Il ne nous appartient pas – puisque nous ne sommes pas doués de prophétie, d’affirmer : « Nous y sommes, c’est la guerre de Gog et Magog ! » Expression inexacte, d’ailleurs, car selon Rachi, Gog est le roi d’une nation nommée Magog (Voir Yé'hezkel 30,1 – Rachi). Si le Gaon de Vilna, ou le 'Hafets Haïm, parlent de l’ère messianique, il est évident que, pour ces « piliers du monde », il s’agit de remarques importantes et l'on peut s’y référer sans doute. Mais qui peut s’arroger le droit de s’exprimer de la sorte, en dehors de ces Sages exceptionnels ? Rappelons ici la remarque du 'Hafets Haïm, en Novembre 1917, en entendant la déclaration du Ministre anglais des Affaires Etrangères, Balfour, promettant un Foyer National pour les Juifs : « Peut-être est-ce une marque de faveur de la Providence – étape positive sur la voie de l’histoire messianique d’Israël, mais il faut éviter que les incroyants créent des obstacles ». Certes, l’évènement Balfour était une étape exceptionnelle et le 'Hafets Haïm avait le « Roua’h Hakodech », la puissance de sainteté, qui lui permettait d’exprimer un avis de ce genre (v. 'Hafets Haïm sur la Torah, p. 101).
Cependant, pour notre part, nos yeux n’ont pas la même perspective assurément, mais sans affirmation trop bruyante, ou trop absolue, il nous est permis de faire quelques remarques, à la lueur de la réalité. Tout d’abord, on a cru, en 1989, qu’à la suite de l’implosion de l’Union soviétique, un tournant s’étant imposé dans l’Histoire : il n’y aurait plus d’affrontement international. Deuxième remarque : le conflit russo-ukrainien est à nouveau une opposition entre l’Orient et l’Occident. C’est là une des données permanentes de l’Histoire. L’épée (la bombe) et le pain (l’économie de l’humanité) apparaissent clairement – sinon honnêtement – impliqués. Un accord russo-ukrainien sur le blé, signé à Kiev, pour permettre à l’univers de manger, a bien été accepté par les deux belligérants, mais quelques heures après la signature, l’aéroport de Kiev d’où les avions devaient exporter le blé, a été bombardé. Ce sont déjà trois données essentielles de ce conflit. De plus, relevons que – last but not least – le peuple juif n’apparaît guère engagé dans cette tourmente, et pourtant Poutine semble bien soutenir l’Iran qui veut une bombe atomique pour détruire Israël. Les ingrédients d’une guerre nucléaire mondiale sont-ils en train de se rassembler quelque part du côté de l’Oural ? La réponse n’est pas nécessairement positive, mais elle mérite d’être posée. Un des Sages dit : « Je veux bien voir la Guéoula (délivrance finale), mais j’ai PEUR de voir ce qui va la précéder ! » (Sota 48a). Savons-nous où nous sommes ? Au lendemain (apparent) d’une épidémie mondiale, sommes-nous à la veille d’une catastrophe mondiale économique, financière, nucléaire ? Nous ne le savons pas, et nous ne l’affirmons certes pas ! Remarquons cependant que les progrès technologiques, obtenus ces 50 dernières années, n’ont guère changé l’humanité. Des progrès peuvent être enregistrés dans tous les domaines, mais l’instinct agressif n’a guère changé !
Depuis Amrafel et Kedarlaomer (Beréchit 14), l’ambition des peuples, les jalousies, les guerres n’ont cessé d’infester l’humanité. Vers quel but ? Il apparaît bien que, dans son genre, Poutine continue l’Histoire, à son époque. Ici, sans conteste, il importe de voir la Main Qui dirige, le Maître qui a créé, et Qui ne cesse de créer l’univers. Il ne peut être question de s’assurer que tel ou tel événement signifie ceci ou cela, mais ce qu’il importe de savoir, c’est qu’il y a une direction et que le désordre actuel apparent n'est pas la conséquence d’un hasard aveugle. Quand Moché Rabbénou a voulu comprendre clairement l’intervention divine dans l’Histoire, l’Éternel lui a répondu : « Nul ne peut Me voir et vivre », et ce qu’Il a montré à Moché, c’est le nœud de derrière des Téfilines. Les Sages expliquent que cela veut dire : « Tu Me verras par derrière, mais Ma face ne peut être vue » (Chémot 33, 23). On ne peut comprendre les évènements, c’est-à-dire les actes du Tout-Puissant, que par leurs conséquences (« après » les actes). C’est le sens du nœud arrière des Téfilines.
Reconnaissons l’influence, l’action du Créateur, que le libre arbitre de l’homme ne contredit nullement ; au contraire, il l’explique. On croyait que la Russie voudrait s’intégrer dans le giron mondial de la démocratie, et voilà qu’un nouveau démon le pique : Poutine, avatar de Staline, sans le marxisme. Le peuple d’Israël sait assurément qu’une Providence dirige le monde, pour notre bien. Reconnaissons cette action, remercions-Le, et, quelque difficile que soit la voie, nous savons que nous sommes sur le bon chemin, le chemin de la sainteté, de la spiritualité. Les méandres de l’Histoire nous échappent – c’est la face divine qui ne peut être vue – mais, en lisant bien, on « voit plus clair » et l’on rapproche la Guéoula, annoncée par la voix des Prophètes d’Israël.