Les faits sont têtus, et le retour du balancier est inévitable ! À une époque totalement vidée de toute référence spirituelle, ou de repère idéologique, il était évident qu’il faudrait trouver une solution. En particulier, un évènement cosmique, comme une pandémie mondiale, interroge. Un élément supplémentaire s’ajoute à cette constatation : la seule idéologie qui reste apparemment vivante, aujourd’hui, en France assurément mais dans d’autres pays aussi, c’est une religion dynamique, et bien souvent dominante : l’islamisme attire, aux dépens du christianisme. D’après les statistiques, « chaque année, en France, 5 000 personnes se convertissent à l’islam » (L’Express, n° 3649, p. 64). Il n’est nullement question dans notre lecture de faits, de préconiser un retour à la foi chrétienne, ou de démontrer que l’islam reste peut-être plus semblable au judaïsme. Il n’est, certes, pas notre intention de nous immiscer dans une polémique, bref d’accepter une rivalité interne, qui n’est pas notre fait. D’ailleurs, le judaïsme n’a jamais cherché à convertir des non-juifs. Ce ne fut jamais, dans l’Histoire, l’intention du judaïsme. Proclamer la vérité de la Torah, oui ! Rapprocher de l’observance les brebis égarées, certainement ! Mais il ne s’est jamais agi d’attirer vers la Torah les Gentils. Il nous incombe de proclamer haut et fort les valeurs permanentes du judaïsme, mais sans jamais pousser à la conversion. Le cas du rabbin de Livourne, au début du 20ème siècle, le Rabbin Elie Benamozegh est connu : un non-juif, Aimé Pallière, avait décidé de se convertir au judaïsme, et il se rendit chez le rabbin de Livourne, reconnu comme une grande autorité rabbinique, pour lui demander de se convertir, et le rabbin lui répondit : « Devenez Noa’hide (observant les 7 Mitsvot des enfants de Noa’h) mais ne vous convertissez pas ! » En toute hypothèse, ce n’est pas, dans notre chronique, le thème important. Ce qu’il faut remarquer ici, c’est la prise de conscience d’une époque inquiète face à un athéisme ambiant. C’est un problème essentiel d’une part, et d’autre part, ce doit être un sujet de réflexion pour un Juif croyant.
Inquiétude d’un vide spirituel d’abord : les idéologies, mortes et enterrées, n’ont plus de charme pour nos contemporains. Il ne s’agit pas seulement d’une crainte – qui serait justifiée – devant un avenir incertain, dont on ne peut deviner les contours. Il y a, malheureusement, une augmentation du nombre de suicides dans la jeunesse, qui ne voit pas apparaître un avenir encourageant. De plus, une société, non liée par des valeurs positives, risque de devenir la proie de toutes sortes de démons. C’est peut-être ce vide idéologique qui pousse à chercher des satisfactions hors planète, c’est-à-dire dans l’espace ! À défaut de remplir les terres vides de la planète, allons chercher dans le ciel ! Il y a déjà des candidats en tant que passagers pour des vols dans l’espace !
Mais au-delà de cette angoisse existentielle, pour le Juif religieux apparaît ici un objectif qui doit être actif et encourageant mais qui peut présenter un certain danger ! C’est notre perspective « anachronique » de l’Histoire qu’il nous faut lire, malgré tous les avatars, tous les détours étranges utilisés. Or, peu d’époques, dans l’Histoire, sont aussi déconcertantes que la nôtre, et c’est ici qu’il importe de ne pas faire fausse route, et de se tromper de chemin. L’absence de repères se traduit, dans le monde chrétien, par un désir de retrouver les sources de la civilisation actuelle. La Torah, elle, nous enseigne que le peuple juif ne saurait jamais se trouver « à sa place », ou à l’inverse, dans n’importe quelle situation, il se trouvera toujours « à sa place ». L’aspiration prophétique d’Israël reste l’épine dorsale du judaïsme. C’est ici le danger et, parallèlement, l’espoir de notre époque. L’universalisme – comme on l’appelle aujourd’hui – ou la laïcité ne sont que des atouts destinés à remplacer les valeurs transcendantes. L’absence de foi en un D.ieu, en un Être infini, est, sans contestation possible, l’antithèse absolue de la croyance en une Direction de l’Histoire. C’est ici le danger qui guette l’humanité : la perte de la foi. Croire en un D.ieu transcendant n’est plus nécessaire au 21ème siècle. L’exemple des sociétés scandinaves, heureuses dans leur matérialisme béat, qui donne une certaine cohérence au monde, est aujourd’hui l’obstacle le plus « sophistiqué » à une FOI éthérée en un Maître du monde. Il est plus séduisant de se laisser attirer par un bonheur de pacotille dans ce monde. « Il faut imaginer Sisyphe (symbole du travailleur absurde qui refait chaque jour le même travail) heureux » dit le philosophe. C’est là le danger le plus grave pour le croyant. C’est maintenant la séduction réelle : pourquoi croire en une réalité inaccessible, quand on peut vivre heureux dans ce monde matériel ? Ici est notre tâche : convaincre que le message du Sinaï n’est pas caduc, et que l’Histoire a un sens. C’est ici le combat réel et absolu entre un Sisyphe qui veut être – à bon droit – heureux, et un Rabbi 'Akiva qui, torturé par les Romains, remercie l’Éternel de pouvoir Lui exprimer son amour, comme le rapporte le Talmud. Il ne s’agit pas de chercher à souffrir, de se complaire dans le malheur – ce qu’à D.ieu ne plaise – mais de se rattacher à une Transcendance, de s’intégrer dans un devenir messianique, d’être les héros d’une Histoire qui dépasse l’instant présent apparent pour s’inscrire dans un devenir transcendant. C’est la réponse de la Torah à tous les nihilismes : l’étude, l’observance est la réponse à la Révélation. La foi en un D.ieu Tout-Puissant – affirmée par Avraham, confirmée par les enfants d’Israël après le passage de la Mer Rouge, maintient Israël, soutient l’Histoire et apportera le vrai bonheur à l’humanité.