Je n'ai jamais voulu faire mon Alya. Enfin, si, le temps d'un été après avoir profité de la plage séparée, mangé un énorme hamburger, revu mes amies d'enfance ou prié au Kotel. Mais une fois de retour en France, cette idée fut vite reléguée au second plan.
Après tout, pourquoi abandonner Paris alors que tout m’y rattache ? Ma famille, mes amis, mon travail, un confort matériel, ma communauté, mon quartier et l'ambiance qui y règne. Finalement, toute ma vie.
Sauf qu'avant le mariage, mon mari m'avait clairement annoncé que son rêve était d'habiter en Israël, ce à quoi j'avais répondu : « Où tu iras, j'irai... Mais laisse-moi 5 ans pour me faire à l'idée ».
Même si cette envie d'Alya était toujours en musique de fond, on ne peut pas dire que je faisais mon maximum pour hâter notre départ, d'autant plus qu'à chaque fois que l’on demandait conseil à des Olé ‘Hadach (nouveaux immigrants), ils nous disaient tous la même chose : « Ne partez pas en Israël tant que vous n'avez pas résolu ces trois points : votre lieu d’habitation, le système scolaire dans lequel vous placerez vos enfants, et d’où proviendront vos revenus ».
Quartier, Scolarité et Parnassa
Les deux premières questions semblent surprenantes, mais il faut savoir qu'en Israël, les gens choisissent leur lieu d'habitation et l'école de leurs enfants en fonction de leur niveau religieux que l’on peut classer en quatre grandes catégories : laïcs, traditionalistes, sionistes religieux et ‘Harédim (orthodoxes). L'école se terminant à 13h, les enfants sont souvent dehors l'après-midi et fréquentent les enfants de leur quartier, d'où l'importance de se définir et de choisir un endroit dans lequel on partage les même valeurs que nos voisins.
De notre côté, dans l'attente de trouver les réponses aux trois questions, la date de départ pour Israël prévue après le mariage est passée de 5 à 10 ans…
Etape n°1 : déterminer à quelle mouvance nous voulions appartenir. Vu notre désir de progresser religieusement, il nous semblait évident que nous habiterions dans un quartier orthodoxe (même si, je l’avoue, j'avais un peu peur d'étouffer en étant entourée de personnes qui vivaient et étaient habillées de la même manière).
Étape n°2 : le choix des écoles. Pour les filles, la décision fut plutôt simple car jusqu'à 14 ans, il n'existe qu'un système scolaire ‘Harédi sur Jérusalem : le Beth Yaakov, sectorisé en fonction du lieu d'habitation. Mais, détail important, avant de se présenter devant la directrice, il faut se faire briefer par quelqu'un qui habite ici depuis longtemps et qui maîtrise les codes du quartier, car un faux pas et les choses se compliquent. Surtout que la réputation des français n'est pas des plus reluisantes…
Pour les garçons, chaque école est indépendante. Heureusement que nous nous sommes renseignés auprès de l'association Ner Yaalé ([email protected]) pour y voir plus clair [Torah-Box peut également vous orienter].
Étape n°3 : la Parnassa. Il est plus qu'essentiel de partir avec une source de revenu existante car les économies et l'aide de l'agence juive, c'est sympa, mais ça file aussi vite que les bus israéliens ! Et bizarrement, le mot « Tachloumim » (paiement par mensualités) fait très vite parti de ton vocabulaire...
Étape n°4 : celle que l'on nous dit jamais (ou que l’on fait semblant de ne pas avoir entendu) : faire son Alya, c'est difficile ! Certes, Israël est notre pays, mais du jour au lendemain, tu te retrouves sans repère, avec tes enfants en larmes qui n'ont plus d'amis et qui ne veulent pas aller à l'école, et avec un hébreu approximatif pour te faire comprendre…
C'est à ce moment-là que tu repenses à ta femme de ménage roumaine qui essayait de te parler français, en te disant que désormais, la roumaine, c'est toi… C'est à ce moment-là qu'un choix s'offre à toi : soit tu passes les 20 prochaines années de ta vie entourée de français à te plaindre des israéliens et à te remémorer le bon vieux temps, soit tu fonces à l'Oulpan (cours d’hébreu) et tu cherches à comprendre ce qui fait d'Israël un si beau pays...
La raison principale : la Torah
Peu avant notre Alya, j'avais entendu un très beau cours du Rav de l'école de mes enfants sur les dangers de l'environnement et des nouvelles technologies pour leur développement spirituel. Pour illustrer son Dvar Torah, il avait donné cet exemple : pour cuire une grenouille, il faut la laisser dans de l'eau fraîche et augmenter progressivement le feu. La montée de la température se faisant lentement, elle ne sera pas vigilante, ne prendra pas conscience du danger puis mourra.
En tant que juifs, il nous comparait à cette grenouille qui, petit à petit, baisse sa garde face aux mauvaises mœurs locales qui entrent insidieusement dans nos foyers.
Lorsqu’on habite en Israël dans un quartier religieux, l'eau qui nous réchauffe à petit feu, c'est la Torah. Sauf qu'au lieu d'entraîner la mort, elle nous ramène à la vie… Car ici, tout tourne effectivement autour du service divin : quelques semaines avant Roch Hachana, chacun s'entraîne à sonner du Chofar ; à Souccot, les cabanes bourgeonnent sur les balcons ; dès le 25 Kislev à la sortie des étoiles, les bougies de ‘Hanouka scintillent à chaque fenêtre ; ou encore à Chavouot où à 4h du matin, les rues de Jérusalem se remplissent de ses habitants qui, après la veillée, se dirigent vers le Kotel afin d’y prier.
Sans parler du bonheur d'entendre ses enfants, les yeux brillants, rapporter des histoires de Tsadikim ou de voir avec quel amour ils prient Hachem. Car finalement, sans s'en rendre compte, la Torah n'est plus une partie de ta vie mais son essentiel.
Et si la Alya permet de vivre ça… Que demander de plus ?