Ces dernières années, en France, un livre a eu un succès de librairie, presque sans précédent, et circule parmi les 20 premiers best-sellers, sans interruption depuis près de cinq ans. Il s’agit d’un livre écrit par un professeur israélien d’Histoire de l’Université de Jérusalem (traduit en français). Ce livre s’appelle « Homo sapiens », et veut décrire – avec beaucoup d’imagination, la vie des premiers hommes qui ont utilisé leur intelligence (sapiens = intelligent) pour vivre sur la terre. Avec une imagination fertile, il décrit toutes sortes de modes de vie des premiers hommes. Cela a eu, bien sûr, un succès foudroyant, et l’auteur est devenu très populaire en France. L’expression « sapiens » est un mot latin signifiant « emploi de la pensée », c’est-à-dire utilisation des outils nécessaires à l’homme pour survivre.
Le problème réel est de savoir « dans quel but ? », c’est-à-dire « pourquoi y a-t-il de l’être ? » Cette question hante les philosophes : quel est le but de la création ? Pour qu’il y ait un but, il faut, évidemment, que Quelqu’un exprime ce but. Donc, pour trouver un but, il faut un Créateur. Sans réponse à cette question, le monde ne saurait être expliqué que comme la conséquence d’un hasard, c’est-à-dire sans raison et sans but. Alors que fait sur terre l’homo sapiens ? Pourquoi est-il là ? D’où vient-il ?
Le Netsiv de Volojine écrit dans le « Haémek Davar » que les fils d’Adam HaRichon se partagèrent le monde : Caïn a choisi le monde matériel, il offre à l’Eternel des fruits de la terre. Hével a choisi d’être berger, et offre des animaux à l’Eternel. Selon le Netsiv, Caïn représente l’homme attiré par la matière, alors que Hével représente l’Homme qui veut dépasser le stade matériel pour élever l’homme. Son offrande dépasse celle de Caïn, mais il doit s’éloigner du monde de la matière. S’il ne le fait pas, son existence perd son sens, et il retombe dans le monde de la matière. C’est Caïn qui tue Hével, la matière dominant l’homme s’il ne fait pas d’effort pour dépasser l’animal. Hével, en hébreu, signifie vanité. L’humain, s’il se laisse submergé par la matière, ne peut qu’échouer. Y a-t-il une autre leçon pour l’humanité ? « Sapiens », mais dans quel but ? La réponse doit nous élever vers la Source et vers le BUT final.
Le Gaon de Vilna, rapporte le Rav Moché Chapira, de mémoire bénie, explique le mot « Mitsva » - ordonnance – devrait être normalement « Tsivouy » - « Tsivouy », c’est-à-dire l’ordre net, libéré de toute influence, mais dans le mot « Mitsva », se trouve à la fois le (« Metsavé » - qui ordonne) et le mot (« Metsouvé », celui à qui l’ordre s’adresse). Cela signifie que ce terme « Mitsva » inclut le SUJET (la Transcendance) et l’OBJET (l’homme à qui s’adresse l’ordre). Le but de la création est de rendre le monde « miroir » du Créateur. Celui qui « observe » doit « refléter » Celui qui a créé. L’intelligence de l’homme doit être utilisée dans le sens de la sainteté, c’est-à-dire comme reflet du Créateur. C’est le but du « sapiens » : s’élever vers un but. La Révélation prolonge et donne son sens à la création.
Quand l’Eternel a introduit « Adam HaRichon » dans le jardin d’Eden, c’est-à-dire quand Il leur a signifié le BUT de la création, il est dit : « L’Eternel a pris Adam et l’a mis dans le jardin d’Eden pour le cultiver et pour le garder » (Beréchit 2, 14). Les commentateurs expliquent par ces deux termes l’objectif de la Création : reconnaître dans le monde le Créateur, c’est « cultiver » le jardin, et s’éloigner des obstacles afin de « garder » le jardin. Il ne s’agit pas d’une image éloignée et inadéquate à notre existence. Il nous faut comprendre que le rôle attribué à Adam HaRichon n’est pas celui d’un « homo sapiens » - non guidé, et en quête d’un sens à son existence. Celui-ci comme Sisyphe, symbole de l’absurde, élève le rocher au haut de la montagne, le laisse tomber, pour le relever à nouveau, et cela sans cesse. Le croyant en la Révélation sait qu’il a un rôle à jouer dans ce monde : Le servir, c’est-à-dire faire régner la sainteté sur terre, et protéger cette sainteté. Miroir de la transcendance, il collabore par l’observance de la Mitsva, avec le Créateur pour mener à la Rédemption, but final de la création.