A l’époque des Juges (Choftim 4:1-24), le peuple juif était entre les mains des Cananéens qui oppressaient le peuple Juif. Leur Général des armées, Sissra, était aussi un homme brutal et cruel qui prenait un malin plaisir à faire souffrir le peuple juif. Au bout de vingt ans de souffrances, la prophétesse Déborah et le Général Barak vainquirent Sissra et toute son armée.
Lorsqu’il fut défait, il chercha refuge et fut attiré par une belle voix émanant d’une tente. Telle une sirène, Yaël avait une très belle voix. Si belle que personne ne pouvait lui résister (Méguila 15a) : "Entre, seigneur, entre chez moi, ne crains rien !”. Sissra ne fut que trop heureux d’accepter cette invitation de Yaël, qui lui permettrait de se mettre en sureté face à l’armée juive lancée à sa poursuite.
Yaël lui donna à boire du lait, puis, Sissra, épuisé par la boisson, tomba dans le sommeil le plus profond. Profitant de cet instant, Yaël alla chercher un des piquets de sa tente et l’enfonça dans sa tempe, mettant fin aux jours de ce tyran qui avait fait subir au peuple juif les pires cruautés. Yaël sortit pour accueillir le Général Barak : "Viens, je vais te faire voir l’homme que tu cherches." Il la suivit et vit Sissra, gisant mort à leurs pieds. Les oppresseurs furent vaincus, et les Juifs, de nouveau libres, connurent des jours heureux, et, surtout, redevinrent fidèles à Hachem au temps de Déborah et Barak, et, ce, grâce à l’acte de bravoure de Yaël.
Quel était le mérite de Yaël pour que la délivrance advienne grâce à elle ?
Yaël est une femme parée de forces incommensurables et gratifiée d’une beauté extraordinaire et d’une voix séduisante, ce qui venait s’ajouter à sa ténacité et son courage. Pourtant, son mérite vient du fait que, malgré ses talents exceptionnels, elle savait faire la part des choses et connaissait ses priorités. Elle est avant tout une épouse et mère de famille. Elle est, à juste titre, présentée comme “l’épouse de Hever le Kénite”, c’est-à-dire que, pour elle, son foyer prime avant tout.
Nos Sages la présentent également comme “une femme parfaitement Cachère, honnête, et discrète, qui se comportait conformément à la volonté de son mari” (Tana Débé Eliahou Rabba 9 et Yalkout Chimoni), et non comme une héroïne bravant tous les dangers. Ce n’est donc pas par hasard qu’elle utilisa le piquet de sa tente, qui est le symbole du foyer dans la Torah, pour commettre l’acte de tuer Sissra.
On pourrait d’ailleurs se demander pourquoi ne pas avoir utilisé un piquet de sa tente et non un pieux. Car bien qu’elle était “dans le feu de l’action”, elle n’a tout de même pas oublié un détail, une Halakha : une femme ne doit pas se servir d’une arme - sauf en cas de force majeure. Pour elle, ce n’était pas un cas de force majeure ! Elle garde la tête froide et va chercher le piquet à l’extérieur de la tente, pendant que Sissra somnole, pour finalement lui transpercer la tête, et tout cela, sans ne commettre aucune entorse à la loi juive…
Le texte nous témoigne que Sissra avait pour habitude, chaque fois que son armée revenait victorieuse, de ramener une femme par soldat en butin, qu’il nomme “Ré’hèm” c’est-à-dire “utérus”. Pour lui, la femme n’est rien d’autre qu’un objet destiné à assouvir les instincts les plus bas de ses soldats. Pas étonnant qu’un homme qui méprise autant les femmes ait mérité d’être mis à mort par une femme !
Bien qu’une analyse superficielle des choses pourrait nous amener à penser que Yaël a fauté en séduisant un homme et en l’invitant dans sa tente, le mot שמיכה, qui figure dans le texte, sous-entend qu'elle est pure de toute faute. En effet, le mot שמיכה peut aussi être lu "כה שמי" : "D.ieu s’est associé à elle dans son nom" afin de témoigner qu’elle est pure et n’a commis aucune faute.
Elle est le symbole du courage et de la bravoure qui, dans toute sa finesse féminine, s’est concrétisée à un moment décisif pour le peuple juif et lui a permis de connaître la délivrance.