Le Midrach attribue le troisième verset de Echet ’Haïl à Rivka Iménou. « Elle lui fait du bien et ne lui fait pas de mal, tous les jours de sa vie ». Pourquoi ajouter qu’elle ne lui fait pas de mal ? Et pourquoi souligner que la Echet ’Haïl fait du bien chaque jour de son existence ?
Pour répondre à ces questions, essayons d’imaginer une mauvaise journée « ordinaire », qui pourrait se produire dans n’importe quel foyer. Dès le réveil, l’un des enfants se lève avec de la fièvre, l’autre a perdu sa dernière chaussette propre et vous devez aller au travail dans un quart d’heure. Votre mari arrive juste à ce moment et vous demande ce qu’il peut prendre avec lui pour le repas de midi.
« Faire le bien et non le mal » s’applique également à cet instant de la journée. Cela signifie que même dans une situation de stress, la Echet ’Haïl fait le bien et répond avec gentillesse.
Jouons la scène différemment. Le mari (pas le vôtre, bien sûr !) rentre et se met à critiquer sa femme pour tout le désordre. Il est tendu et exprime sa frustration dès qu’il trouve la cible la plus facile et la plus proche. Est-ce que la femme qui « fait du bien et qui ne fait pas de mal » doit aussi être de service ce jour-là ? Ne suffirait-il pas de ne pas faire de mal ? Qui espérerait qu’une femme fasse « le bien » même dans ces circonstances ?
Le verset affirme que nous devons viser un idéal différent. La Echet ’Haïl rend le bien – et non le mal – chaque jour de sa vie. Sa bonté envers son mari est constante et ne dépend pas de ses émotions – ni même de la conduite de son époux ! – ; elle ne dépend pas de son humeur, de sa santé ou d’autres contraintes. Si sa bonté peut être régulière et journalière, c’est parce qu’elle s’est travaillée, elle a transformé sa personnalité – est devenue bienveillante, quels que soient les facteurs extérieurs.
Notre Matriarche Rivka eut une existence pleine de défis qu’elle surmonta brillamment. Rappelons qu’elle grandit dans un foyer complètement détaché de toute moralité, entourée de malfaiteurs (les habitants de la ville, mais aussi son père, son frère), dans l’absence totale d’éthique et de conscience.
Mais sa vertu personnelle lui fut récompensée. Arrivée à l'âge des Chiddoukhim (3 ans !), on lui proposa le fils du Gadol Hador (37 ans !). Certes, d’un style très différent ; Its’hak est l’homme de la rigueur tandis qu’elle est l’emblème de la bonté. Par ailleurs, notons la difficulté qui se présenta à elle dès son entrée dans la famille. Sa belle-mère venait de décéder et avait laissé un grand vide. Une nuée (celle de la Présence divine) planait constamment au-dessus de l’entrée de la tente de Sarah ; toutes les portes de sa maison étaient grandes ouvertes (preuve d’un ’Hessed exemplaire et d’une aspiration à être influencée par d’éminents et vertueux visiteurs) ; la ’Halla restait fraîche d’une semaine à l’autre (le pain symbolise la subsistance) ; une bougie restait allumée d’un Chabbath à l’autre. Les bougies de Chabbath sont allumées pour favoriser le Chalom Bayit, l’harmonie au sein du foyer. Chez Sarah, les bougies de Chabbath restaient allumées toute la semaine, en d’autres mots, dans son foyer, la sérénité et le calme suprêmes régnaient en permanence. Le stress et la controverse ne franchirent jamais le seuil de sa maison.
Telle fut la maison dans laquelle Its’hak grandit. Sa mère était spirituelle, généreuse, travailleuse et chaleureuse. Quand elle décéda, toutes les caractéristiques qui transformaient sa tente en foyer disparurent avec elle.
C’est dans ce vide que Rivka se retrouva quand elle commença sa vie de couple avec Its’hak. Il était impossible de ne pas la comparer à sa parfaite belle-mère. Bon nombre de belles-filles auraient insisté pour pouvoir forger leur propre identité. Mais Rivka fit le plus grand bienfait à Its’hak. Elle perpétua l’héritage de Sarah et réinstaura les pratiques qui rendaient la tente sainte. Elle devint l’héritière spirituelle de Sarah, en se montrant, elle aussi, spirituelle, généreuse, travailleuse et chaleureuse, comme sa belle-mère qui l'avait précédée… Elle fit de son foyer une extension de l’héritage de Sarah. Ces bontés, qui imprégnaient son foyer jour après jour, réconfortèrent son mari et lui octroyèrent le titre de deuxième matriarche.
Après son mariage, Rivka passa 20 ans à prier et à pleurer pour avoir le mérite de devenir mère. Quand la nouvelle de la grossesse s’annonça enfin, elle souffrit de douleurs bizarres, inquiétantes : l’embryon semblait tantôt attiré par la sainteté et tantôt par l’idolâtrie. Quelle angoisse ! Mais non… elle pouvait être détendue ! En effet, on lui dit, par prophétie que c’était des jumeaux : un grand Tsadik et un grand Racha !
Elle rentra chez elle, après avoir pris connaissance de cette prophétie. Pouvait-elle partager cette information avec son mari ? Rivka pensait que Its’hak était un plus grand prophète qu’elle, et que s’il devait être au courant, Hachem l’informerait directement. Donc, elle garda la nouvelle pour elle.
Quand les enfants naquirent, et plus tard, quand ils grandirent, ce secret changea la façon dont Its’hak et Rivka considérèrent et traitèrent leurs enfants. Its’hak aimait Essav. Hachem fit en sorte que Its’hak soit dupé et qu’il croie qu’Essav fût vertueux et bon. Rivka remarqua la ruse de son aîné et aima farouchement Ya'acov, du fait de sa bonté et de son intégrité. Cinquante ans plus tard, Rivka orchestra les événements de façon à ce que Ya'acov reçoive la bénédiction de son père au lieu que celle-ci soit donnée à Essav. Le voile divin fut soulevé et Its’hak vit enfin qui était véritablement Essav. Il admit et reconnut la véracité et la justesse de l'opinion de Rivka pendant toutes les années antérieures.
Rivka eut alors une prophétie. Cette fois, Essav planifiait de tuer Ya'acov, dès lors que son père mourrait. Réalisant que la vie de Its’hak était sur le point de s’achever, elle dit à Ya'acov de s’enfuir et d’échapper au désir meurtrier de son frère. Ya'acov voulait partir, mais il se trouva devant un dilemme. Disparaître sans informer Its’hak aurait été un châtiment cruel pour ce dernier. Et informer son père qu’Essav voulait le tuer aurait également affligé Its’hak. Selon le Or Ha’haïm, si Rivka (ou Ya'acov) avait raconté à Its’hak le projet maléfique d’Essav, cela aurait été considéré comme de la Rékhilout, une violation de la Loi interdisant la médisance, quand une personne génère un conflit entre deux autres personnes.
Rivka chercha un plan pour mener son projet (d’épargner à son mari une peine et une colère injustifiées) à bien. Elle proposa que Ya'acov quitte Canaan pour éviter qu’il ne se marie avec une idolâtre, idée à laquelle Its’hak consentit.
Imaginez un peu la scène. Pendant des décennies, Its’hak fut en désaccord avec l’opinion de Rivka à propos de l’éducation des enfants. Il comprit finalement son amour à l’égard de Ya'acov, et pourtant, Rivka n’utilisa pas le projet d’Essav pour prouver à son mari qu’elle avait toujours eu raison. Rivka aurait pu se montrer moralisatrice, mais elle était guidée par la crainte du Ciel et non par ses émotions. Il lui était primordial de ne pas blesser son mari – ni d’enfreindre la Loi. La Torah ne raconte pas si le couple discuta de leur différence d’opinions à propos de leurs enfants. Mais le Midrach nous informe que dans la maison de Rivka, les bougies de Chabbath restaient allumées d’une semaine à l’autre, ce qui est un signe que la paix régnait dans le foyer. Donc, en dépit de son désaccord sur un sujet tellement fondamental, Rivka fut capable de ne faire que du bien et de ne jamais faire de mal à son mari, tout au long de leur vie commune. Elle resta gentille, aimante et d’un grand soutien, dans les circonstances les plus éprouvantes.
Puissions-nous mériter d’émuler Rivka et d’être dignes du titre de Echet ’Haïl, constamment bienveillantes, en nous focalisant sur l’accomplissement de la volonté d’Hachem et en nous engageant à respecter la Halakha.
Adapté d'un extrait du livre "Echet 'Haïl aujourd'hui"