Question d'une internaute : Mon mari m'a lâchement quittée il y a quelques années et m'a laissé 3 enfants à charge pendant toutes ces années sans me verser un euro. Aujourd'hui, il veut reprendre contact avec mes enfants, mais eux ne veulent pas entendre parler de leur père... et je les comprends !! Quelle est la bonne attitude à adopter ? Je comprends que mes enfants ne veulent pas reprendre contact avec leur père après la souffrance qu'il nous a fait endurer pendant toutes ces années. En même temps, je pense qu'il est mieux pour eux d'avoir une image positive de leur père pour leur construction personnelle. Qu'en pensez-vous ?
Réponse de Mme Nathalie Seyman
Je voudrais déjà commencer cet article en vous félicitant. Tout d’abord pour votre courage, car ce que vous avez vécu et vivez encore est une épreuve difficile et très traumatisante en tant que femme, en tant qu’épouse et en tant que mère. Mais aussi pour votre question si pertinente et intelligente. Beaucoup n’auraient pas réfléchi ainsi, dominés évidemment par les sentiments négatifs que l’on comprend bien du fait de cette situation. Alors, quelle est pour vous la meilleure marche à suivre ? Penchons-nous sur le sujet.
Couple conjugal VS Couple parental
La première des choses qu’il faut surtout comprendre c’est qu’il y a deux types de relation dans une famille : la relation mari-femme et la relation parents-enfants. L’une et l’autre sont complètement distinctes. Un homme peut être un bon mari, mais pas un bon père, ou le contraire, et idem pour la femme. Lorsque la relation mari-femme se dégrade, elle doit à tout prix se différencier de celle entre parents-enfants et ne pas l’entraîner dans sa chute. Les parents doivent y veiller consciencieusement, main dans la main, malgré leurs différends. Car lorsque l’enfant pense que son père l’a quitté, lui, et non pas juste sa mère, alors cela peut vraiment être destructeur. Faire le deuil de l’amour d’un père est bien plus problématique que faire simplement le deuil du couple parental. C’est pourquoi il faut être particulièrement vigilant face à cela. D’autant plus que, lors d’un divorce, l’enfant peut vouloir exprimer son soutien au parent resté seul, surtout s’il l’a vu ou le voit encore souffrir. Et le parent délaissé pourrait lui-même le vivre un peu comme une revanche. Mais, quoi qu’il arrive, et bien que vous ayez souffert au vu de la façon dont s’est passée votre séparation, cette façon de penser est à bannir pour l’équilibre des enfants, qui portent en eux leur père et leur mère.
La relation père/enfants
Dans votre cas, la relation père-enfants a déjà bien été détériorée par son abandon. Mais autant la relation mari-femme peut atteindre un point de non-retour, autant celle parents-enfants possède la faculté de pouvoir toujours se réparer des erreurs passées et s’améliorer. Car quelles qu’aient été les turpitudes de la vie du couple, le père comme la mère appartiennent à l’enfant. Et l’on ne peut le priver de l’un ou de l’autre sans compromettre sa construction. Aucune mère, malgré toute sa bonne volonté, ne peut remplir la fonction paternelle ; elle ne peut remplir que sa fonction maternelle. Et vice-versa ! Un père participe à la construction de la personnalité de l’enfant, en favorisant l’acquisition de l’autonomie et de l’indépendance nécessaires à une vie affective équilibrée et de la confiance en soi. Il l’aide à se dépasser par l’identification pour le garçon et permet la confiance envers le sexe opposé indispensable à son couple futur pour la fille. Son absence entraînera souvent un déséquilibre chez l’enfant et les efforts de la maman pour assumer les deux rôles (paternel et maternel) sont souvent perturbants pour l’enfant. Ainsi, une bonne image du père, dans l’esprit de l’enfant, lui permettra de jouer son rôle sans opposition. Le processus d’identification à un père dont l’image est dévalorisée sera par contre difficile. Par conséquent, pour sauvegarder l’équilibre psychique de leurs enfants, chaque parent se doit de préserver l’image de l’autre, d’autant que ces messages, positifs ou négatifs, transmis par la mère au sujet du père, participent à la construction de l’image intériorisée par l’enfant.
Conseils
- Tout d’abord, il va falloir que vous ayez une discussion sérieuse avec votre ex-mari sur le rôle qu’il a l’intention de jouer auprès de ses enfants. À savoir s’il est revenu pour de bon, s’il a fait Téchouva et s'’il a décidé de tout faire pour retrouver son statut auprès de ses enfants. Si vous ne vous sentez pas de vous retrouver avec lui, demandez l’aide d’un Rav.
- Gardez bien à l’esprit que si le couple conjugal arrive à son terme, malgré tout le ressentiment que vous pouvez avoir envers votre ex-mari, le couple parental demeure. Maintenir cette réalité en tête permet de rester attentif au bien-être des enfants, en mettant de côté votre propre intérêt.
- Vos enfants ne veulent plus avoir de contact avec leur père, et cela se comprend après ce qu’il s’est passé. Mais il faudra tout de même parler en sa faveur auprès d’eux, même si c’est très difficile, j’en ai conscience ! Mais en faisant cela, vous œuvrez pour leur bien. Il faut permettre à votre ex-mari de reconstruire sa relation avec ses enfants, de rétablir la confiance qu’ils avaient en lui et qui a explosé. Même s’ils ne veulent pas le voir, vous devez les y inciter.
- Par contre, les premiers temps, il faudra être vigilante, car si vous voyez que votre ex-mari n’est toujours pas stable, que ses intentions de retour ne sont pas louables ni constantes, alors il vous faudra protéger vos enfants de l’image négative qu’il pourra leur transmettre.
- Parlez toujours honnêtement à vos enfants, ne leur cachez rien. Si vous utilisez les bons mots, et sans Lachone Hara’ (médisance) sur leur père, ils pourront tout comprendre, vos décisions et réactions, et même plus, ils vous en seront reconnaissants.
- Si vos enfants n’arrivent pas à retrouver une relation sereine avec leur père, n’hésitez pas à participer à une thérapie familiale, cela pourra vraiment vous aider à tous retrouver une place au sein de la famille.
Vous récolterez les fruits de votre courage, et gardez surtout la Émouna (foi en D.ieu) : Hachem n’oublie personne, et encore moins des femmes aussi méritantes que vous.
Béhatsla’ha.
Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essayera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.