Je m’appelle Jordana Brami, j’ai fait mon Alyia de Marseille en 2011 avec mes parents et nous sommes installés à 'Hadera depuis. Je suis en Youd Beth, en terminale, à l’école Mévasseret à 'Hadera. Dernière année d’école ! La plus dure ! Après ce sera l’armée ! Je veux tellement rentrer chez les Magav ! Et après, études de médecine si D.ieu veut ! Un beau programme non ?
Le 22 novembre 2020 alors que j’étudiais dans ma chambre, ma mère rentre et me dépose des affaires. Elle remarque que mon cou est un peu gonflé. Je n’ai rien remarqué moi-même mais elle trouve ça bizarre et prend 2 photos de mon cou qu’elle envoie à notre médecin de famille. Il pense aussi qu’il y a quelque chose et nous envoie faire une échographie. Nous avons rendez-vous le dimanche d’après au centre d’imagerie médicale de 'Hadera. La technicienne commence à explorer le cou. Elle est perplexe : elle voit quelque chose d’important mais ne peut pas vraiment se prononcer. Elle nous conseille de venir le lendemain à Assuta, Tel Aviv où elle travaille aussi. Nous pourrons voir un docteur directement sur place. Nous prenons rendez-vous pour le lendemain. Le médecin nous confirme que c’est une tumeur. Il ne dit pas si c’est bénin ou cancéreux. Moi en toute naïveté, je lui dis de m'installer sur la table d’opération et d'extraire la tumeur. Il rigole et me dit que ça ne marche pas comme ça et qu’il faut commencer des examens : scanner, biopsie. Nous prenons rendez-vous également avec un oncologue spécialiste de la tête et du cou. Ma mère reste optimiste, elle pense qu’il pourra enlever cette tumeur et moi aussi. Après son examen, il nous dit que la tumeur est très suspecte mais qu’on ne peut rien dire sans les résultats de la biopsie. Nous sortons de ce rendez-vous très angoissées. Pour l’instant, on doit juste attendre. Seulement, entretemps, la tumeur enfle et c’est de plus en plus visible. En 3 semaines, la tumeur est impressionnante, elle fait le tour de mon cou ! Mes copines commencent à poser des questions. Le mot tumeur les angoisse beaucoup évidemment. Plus ça va, plus je ressens une gêne respiratoire. Assuta ne nous a toujours pas donné les résultats de la biopsie. Le Chabbath du 12 décembre 2020, je dis à mes parents que j’ai du mal à respirer et que je n’arrive pas à avaler. Dès Motsaé Chabbath, nous partons à Tel Achomer, aux urgences enfants. Après les examens de routine et la visite du docteur, ils décident de me garder. Je reste avec ma mère à l’hôpital. À partir de là, les examens n’arrêtent pas : scanner, TEP-scan, IRM, opération biopsie, ponction lombaire. Je dois faire tous ces examens à jeun et je ne passe pas avant 13-14 heures. Je perds 1kg par jour ! La ponction lombaire me laisse avec un mal de tête horrible pendant 3 à 4 jours, je ne peux ni manger ni boire. On me donne de la morphine finalement, ça m’assomme mais je me réveille soulagée ! Je ne savais pas encore que j’allais devoir prendre beaucoup de morphine par la suite. Le diagnostic n’arrive toujours pas !
Tous les examens ont été faits mais toujours pas de diagnostic. On ne comprend pas !?
Ce n’est que le 24 décembre 2020 en fin d’après-midi que le Docteur Yaakobi arrive avec 4 ou 5 autres docteurs, la psy et mon accompagnatrice. Le diagnostic tombe alors, la tumeur au cou c’était un lymphome qui a disparu avec un traitement agressif de stéroïdes mais ma moelle osseuse est touchée elle aussi par la maladie à 50%, c’est donc aussi une leucémie. Un double cancer de type rare qui s’appelle : double hit pre-B high grade lymphome/leucémie. Le docteur nous dit qu’ils ont consulté d’autres hôpitaux aux États-Unis et en Allemagne, pour établir le meilleur protocole et le meilleur traitement. Je commence à pleurer et tout le monde sort de la chambre, je reste seule avec la psychologue… mais je ne veux pas et je ne peux pas lui parler. Je pleure sans cesse et commence à parler avec D.ieu. Et demande pourquoi moi, Hachem ? Pourquoi ?? Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Est-ce que je mérite ça ? Je m’endors en pleurant et le soir même je commence ma première dose de chimio.
C’est le début du premier protocole. Il y en aura six. Je suis restée Chabbath avec mon père et une amie. Motsaé Chabbath, les premiers effets secondaires de la chimio apparaissent : nausées, vomissements… Je devais boire énormément, en plus des poches d’hydratation qui ne me quittent plus, afin que la chimio s’évacue de mon organisme au plus vite. Après avoir fini la semaine, mon système immunitaire est à zéro. Je développe de la mucite puis de l’herpès dans la bouche. La mucite est un effet secondaire courant de la chimio. Les douleurs sont terribles. Je me retrouve au lit pendant une semaine sans parler, manger ni boire. Je suis connectée à une perfusion automatique de morphine pour les douleurs. Je commence à être accro !!! Les trois premiers cycles se passent ainsi, avec beaucoup de douleurs… Je ne suis rentrée que deux fois pour Chabbath à la maison, mais à chaque fois, j’ai eu de la fièvre et on était donc obligés de retourner en urgence à l’hôpital.
Après la première chimio, les cheveux commencent à tomber doucement sur la brosse à cheveux, le coussin… jusqu’à qu’ils se détachent complètement de mon crâne ! Pas le choix : il faut raser. Un coiffeur vient dans la chambre. En quelques secondes, mes cheveux longs et bouclés jusqu’au bas du dos, sont jetés à la poubelle. Le coiffeur me dit : ”ça repoussera ma chérie". Dès qu’il sort de la chambre, je me lève pour me regarder dans le miroir et fonds en larmes. En perdant mes cheveux, je perdais un peu mon identité. Mes cils, sourcils tombent également. Pendant toute cette période je suis en colère, triste. Je ne réalise pas tout ce qui m’arrive, je fais à peine Chabbath, pas de Téfilot non plus. Pratiquement rien de ce qui est lié à la religion. Comment Hachem me fait endurer toute ces souffrances ? Pourquoi je mérite ça ? Je passe d’une fille active et sportive à une fille qui n’a plus de coordination, ne sait pas marcher, ne peut pas se tenir sur ses jambes même pour prendre sa douche. Je reçois une canne de l’association Ezer Mitsion pour m’aider à la maison. C’était la chose la plus embarrassante qui puisse m’arriver, j’avais honte de l’utiliser.
La maison me manque, je pense à mes sœurs pour qui c’est très dur aussi. La maladie a chamboulé toute la maison, mes parents alternent une semaine sur deux à l’hôpital avec moi. Ils travaillent à peine pour s’occuper de moi. Mes parents ne se voient plus. Mon père et moi sommes très proches, il a pris ma maladie très mal et est rentré en dépression ! Il mange à peine, pleure beaucoup et voit le psy de l’hôpital. Ma mère aussi mais elle se montre plus forte dans cette épreuve et avance... Déjà deux cycles de chimio finis ! Ils ont souffert énormément. Mes sœurs se sentent très seules et délaissées et je m’en veux énormément !
Parallèlement, une formidable chaîne de Téhilim se met en place, en Israël, en France et aux États-Unis. Via Facebook et une amie, mon père rentre en contact avec le grand-père d’un jeune homme de mon âge, malade lui aussi. On nous propose le système « Prie pour moi ». Nous ferons des Téhilim, Hafrachot 'Halla et autres cours, pour lui, et lui et sa famille, pour moi. Nous nous tenons au courant l’un de l’autre. Grâce à D.ieu, il a guéri lui aussi !
La famille, les amis, parfois peu pratiquants, se mobilisent aussi : mon oncle a mis un petit papier le 8ème jour 'Hanouka pour ma Réfoua, (et nous l’a montré l’année suivante !), ma grand-mère lisait le Mizmor Létoda tous les jours en phonétique, mon grand-père mettait les Téfilines, ainsi qu’un cousin. La tante de ma mère organise la lecture d’un Séfer Téhilim par jour. Il y en a eu 104 !!
Les cycles de chimio avancent, les effets secondaires évoluent !
Je suis rentrée à la maison après le 3ème cycle, mais je n’allais pas en profiter longtemps ! Du jour au lendemain, je n’arrive plus à ouvrir l’œil, je ne supporte pas la lumière ! Qu’est ce qu’il se passe encore ? Mon médecin de famille pense que l’herpès que j’ai eu dans la bouche pendant les deux premiers cycles, est monté à l’œil. On court aux urgences à l’hôpital de 'Hadera. Ils confirment le diagnostic. Je devais retourner à Tel Hachomer le lendemain de toute façon pour le contrôle, et ils m’ont évidemment gardée et traitée. L’herpès à l’œil peut rendre aveugle ! Merci Hachem pour Ta Hachga'ha !
Un matin, après la 4ème chimio, je vais à l’hôpital pour une visite de contrôle avec mon père pour la prise de sang, changer le pansement, recevoir sang et plaquette au besoin. Lorsque le docteur arrive, mon père lui demande où l'on en est au niveau du cancer - si c’était mieux ou pas ? Elle nous regarde et nous dit : "Oui bien sûr, il n’y a plus de cancer ; les examens sont complétement normaux". On se regarde et on fond en larme. Mon père commence à appeler tout le monde, à écrire sur Facebook et les larmes de joie ne font que couler. À ce moment-là, tout change et ma vision sur la religion change avec. Je prends sur moi des Mitsvot que je ne faisais pas avant comme Acher Yatsar, Nétilat Yadaïm, prière du matin, Téhilim pour remercier Hachem du miracle. Il faut bien sûr finir les deux derniers cycles de chimio, mais ils sont plus « soft », les effets secondaires sont moins durs et je suis plus souvent à la maison.
J’ai fini mes 6 cycles de chimio Baroukh Hachem le 6 juin 2021, une semaine et demi avant ma cérémonie de fin de terminale, après avoir fini tous mes examens du Bac pendant les traitements.
L’association Ezer Mitsion m’a organisé une soirée pour fêter la fin des traitements. Ce sont des gens extraordinaires, ainsi que toutes les autres associations présentes à l’hôpital, les Bnot Chérout, les bénévoles, qui soutiennent moralement et financièrement les malades et leurs familles.
Ces six mois de maladie ont été très durs physiquement et moralement, mais ils ont apporté aussi beaucoup de Brakhot à moi et à ma famille.
Je disais au début que je me rêvais en uniforme de Magav, je suis sûre qu’Hachem m’a envoyé la maladie pour me sauver la vie.
En septembre 2021, j’ai commencé mon année de Chérout Léumi à l’école où j’ai passé mon Bac, Mévasseret. Mon rôle était d’aider les filles françaises et israéliennes qui avaient des difficultés. Je faisais ce que la professeur faisait en cours mais plus lentement, à leur rythme pour les aider à avancer.
J’ai eu le Zekhout de dire la bénédiction de Hagomel à la synagogue et de faire une Séoudat Hodaya. Baroukh Hachem, j’ai célébré 1 an et demi depuis la fin des traitements. Je continue à faire des visites de contrôle tous les 2 mois, Baroukh Hachem, tout va bien. Merci à notre communauté de 'Hadera qui n’a pas failli une seconde dans son soutien, dans ses Téfilot et ses cours pour ma guérison. Et merci mon D.ieu pour cette épreuve qui ma rendue plus forte physiquement, mentalement et dans ma Émouna.
La maladie m’a appris à prendre beaucoup de recul sur la vie et l’importance que l’on donne aux évènements. Il ne faut rien prendre pour acquis et chaque nouveau jour est un cadeau d’Hachem ! Aujourd’hui, je continue à dire merci chaque jour. Mizmor Létoda, Pérek Chira ou Téhilim en plus de mes Téfilot et des cours avec la Rabbanite Mikhal une fois par semaine. J’apprends et j’avance ! Merci mon D.ieu pour ce miracle !