Question d'une internaute : Si je vous écris aujourd'hui, c'est que je me sens désespérée. Baroukh Hachem, nous avons été comblés d'enfants en bonne santé, mais il y a 3 ans, j'ai perdu mon bébé une semaine avant l'accouchement. Cela a été un moment très difficile, et encore à présent, j'y pense souvent. Il y a 4 mois, j'ai accouché à nouveau d'une petite princesse. Je devrais être une maman heureuse et épanouie, mais ce n'est pas le cas. Je ne me sens pas bien dans ma peau, je vois toujours le négatif, si mon mari m'aide à la maison, je le prends ainsi : "voilà, il m'aide parce que je suis incapable de tenir la maison correctement". Avec mes autres enfants, je suis nerveuse. Pour finir, moi qui étais très proche de mon mari, je n'arrive pas à m'approcher de lui, il y a beaucoup de distance entre nous. Merci de votre aide...
La réponse de Mme Nathalie Seyman
Le deuil périnatal n’est pas un deuil comme les autres. Et pourtant, il est aussi douloureux, aussi traumatisant et nécessite le même travail de deuil. Alors en quoi est-il différent ? En raison de la perception qu’en a la société, en essayant de minimiser ce drame (tu en feras un autre, c’est mieux comme ça, tu ne l’as pas connu…). Comment imaginer qu’un être que l’on n’a pas rencontré puisse autant bouleverser notre existence lors de son départ ? Et pourtant…
Quand se mélangent vie et mort
Une femme enceinte est, littéralement, une femme qui va donner la vie. Tous ses rêves, illusions et représentations fantasmatiques, dès l’annonce de la grossesse, tournent autour de l’enfant qui va naître : comment se passera leur rencontre, à qui il ressemblera, quel caractère il aura, etc. La future maman est tournée entièrement vers la vie. Elle perçoit son corps en entier comme détenteur d’un miracle, et son ventre comme une barrière de protection pour son enfant. Mais lorsque l’origine de la vie côtoie la mort, alors, tout est balayé. Le sentiment de toute-puissance lié à la maternité et celui de protection que ressentait la future mère s’effondrent, son ventre n’est plus un abri, mais il est ressenti comme une tombe symbolique. Elle se sent trahie par son corps, et tous ses rêves et fantasmes n’ont alors plus de raison d’être.
Pour certaines femmes dont le bébé décède à la naissance, il est difficile d’associer l’accouchement à une fin de la vie. Elles traverseront alors souvent un état psychique insupportable si elles ne sont pas accompagnées dès le début. Même si rien n’était prêt matériellement, tout était mis en place dans leur esprit pour accueillir celui qu’elles attendaient. Et lorsque la rencontre ne se réalise pas, on peut deviner leur profonde détresse.
Mais le deuil périnatal est encore généralement mal connu et peut ainsi souffrir d’un manque d’accompagnement. Ce qui causera un traumatisme non intégré et qui ressurgira inévitablement. Et il y a plusieurs causes à cela :
- Dans la plupart des cas, les parents s’entendent dire qu’il n’y a aucune raison médicale à la perte de leur bébé et que “c’est la nature qui a voulu ça”. C’est très dur à accepter pour des personnes qui ont perdu un être cher. Car pour faire son deuil, il faut parvenir à comprendre ce qui s’est passé, et l’absence de réponses peut amener au blocage du travail de deuil.
- Il arrive que le corps médical ne prenne pas toutes les mesures psychologiques pour annoncer la terrible nouvelle aux parents, et cela peut alors leur paraître brutal et sans émotion.
- Il arrive souvent aussi, hélas, que l’entourage minimise le drame vécu. Les : “Tu en feras plein d’autres”, comme si un enfant pouvait en remplacer un autre, ou les : “C’est mieux avant la naissance qu’après”, comme s’il y avait une échelle de la douleur, sont loin de soulager la détresse. Ce n’est pas par mauvaise intention de l’entourage, évidemment, car, tout d’abord, ils sont très mal à l’aise face à cette épreuve. Ils ont félicité la femme à l’annonce de sa grossesse et, à présent, comment se conduire ? Mais ils pensent qu’en procédant de cette manière, ils apporteront la consolation au couple. C’est hélas le contraire qui se produit. Car non seulement les parents peuvent ressentir une illégitimité à leur profond désarroi, puisqu’on leur fait comprendre qu’il ne s’agit pas d’une perte à part entière, mais en plus, cela peut les amener à négliger un véritable travail de deuil qui sera alors dangereux pour leur sérénité psychique.
Effectuer un vrai travail de deuil
Pour la mère comme pour le père (aucun des deux n’est à négliger), il faut réaliser un travail de deuil complet. Il faut qu’ils se donnent le temps ensemble de ressentir leur douleur et de la partager. Le dialogue dans le couple sera alors indispensable et ils devront se recentrer sur leur bulle familiale pour en sortir plus fort. Lorsqu’un couple traverse une épreuve comme celle-ci, cela le met en instabilité. Il doit alors retrouver ses fondamentaux (ceux qui ont cimenté le couple) pour retrouver son harmonie. Le couple n’ira pas forcément au même rythme dans son travail de deuil. Mais chacun doit savoir que l'autre est là pour en parler et qu'il accepte qu’il soit plus ou moins avancé dans le processus.
Il faut être conscient que si ce travail de deuil n’est pas fait, alors même si le couple avance physiquement, il fera du sur place psychiquement.
En particulier lors d’une nouvelle grossesse. Si le traumatisme de cette perte n’a pas été dépassé, alors le fait d’être à nouveau enceinte pourra le réactiver et empêcher les parents d’être pleinement heureux. Il peut ainsi arriver que la mère se sente moins investie dans cette nouvelle grossesse ou que son attachement affectif au fœtus s'en trouve atténué afin de se protéger d’une nouvelle tristesse, ou, parfois même, par la culpabilité d’avoir pu désirer un autre bébé.
Après le travail de deuil, viendra la reconstruction psychique. Pour la femme, cette reconstruction passera par la réappropriation de son corps. Car c’est à l’intérieur de son corps qu’elle a vécu ce décès et c’est pourquoi elle doit exprimer ses peurs et ses angoisses par rapport à son corps avant de lui “pardonner” et ainsi de lui refaire confiance. Ce processus est important à mettre en place, car lorsque l'on a perdu un bébé, comment se sentir capable de protéger le suivant si l’on n’a pas pris le temps de réinvestir son corps ?
Mes conseils
Vous l’avez compris, selon ce que vous me décrivez, il semble que votre travail de deuil n’ait pas été effectué correctement et que votre nouvelle grossesse ait réactivé un traumatisme plus ou moins enfoui.
- Un traumatisme peut être dépassé même des années après, le tout est d’en avoir conscience et de se faire aider si on ne se sent pas capable de l’aborder seul.
- Pour le travail de deuil, il vous faudra donner une place à l’enfant que vous avez perdu, comme lui allumer une bougie par exemple. Vous avez besoin d’intégrer que la naissance de votre fille ne vous a pas fait oublier le bébé que vous avez perdu.
- Réactiver le dialogue avec votre mari. La parole est libératrice. Votre conjoint est votre meilleur allié dans cette épreuve. Vous devez lui parler de tout ce que vous ressentez pour vous libérer intérieurement, cela vous aidera à aller mieux. Mais pour se parler de manière utile, il faut créer une ambiance propice : il faut se retrouver à deux, dans une ambiance sereine et décontractée, et pouvoir tout se dire dans le calme et la sincérité.
- Vous avez besoin de réinvestir votre corps. Pour cela, n’hésitez pas à vous faire plaisir. Ce n’est pas toujours facile de trouver le temps pour une jeune maman, mais essayez, si possible, de solliciter votre mari, sœur, mère, etc. pour garder vos enfants et vous détendre dans un salon de beauté, avec des massages, ou même un simple bain dans le calme et la tranquillité. Achetez-vous des habits qui vous plaisent et vous font vous sentir belle, maquillez-vous… Pratiquez une activité sportive, le sport participe activement à la réappropriation de son corps, et utilisez les médecines douces telles que la réflexologie ou la sophrologie pour vous apaiser.
- Racontez à votre fille ce qui s’est passé avant sa naissance. Cela peut paraître étrange, et pourtant, c’est bénéfique pour vous, mais aussi pour elle. La communication verbale avec son bébé commence in utéro et les bébés sont des éponges émotionnelles. Ils ressentent toutes les situations, même s’ils ne les comprennent pas. Le fait de lui parler vous aidera toutes les deux à appréhender la situation plus sereinement.
Pour finir, je vous raconterai une histoire vraie d’une femme qui n’avait que des filles et qui était enceinte de garçons jumeaux. À 6 mois de grossesse, hélas, elle les perdit. Elle n’arrivait pas à traverser cette épreuve jusqu’à ce qu’un Rav lui dise de ne pas s’inquiéter, que les Néchamot (âmes) de ses enfants n’étaient pas prêtes à descendre, mais qu’elles reviendraient vers elle le moment venu. Par la suite, elle eut deux autres grossesses, deux garçons, l’un après l’autre, qui se ressemblent aujourd’hui comme deux gouttes d’eau.
Ne vous découragez pas, réhabituez votre esprit à la pensée positive et ressourcez-vous dans la Téfila dès que vous vous sentez angoissée. La sérénité et l’harmonie familiale reviendront, et vous en sortirez plus forte Bé’ézrat Hachem.
Béhatsla’ha !
Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.