Il y a quelques semaines, nous parlions mon mari et moi de certains choix que nous aurions à faire concernant l’avenir de nos enfants. On évaluait les pour et les contre et réfléchissions aux meilleures méthodes pour parvenir à nos objectifs.
“On dirige une start up” a alors lancé mon mari. J'ai ri mais cette phrase a résonné en moi toute la nuit et a été finalement la clef pour résoudre toutes mes frustrations.
Sur les rails de Techouva
Il y a dix ans, j'ai eu le mérite de faire Techouva. Lorsque j'ai pris conscience de la grandeur d'Hachem et de la véracité de la Torah, j ai tout quitté et je me suis entièrement plongée dans une nouvelle vie “Froum”. Cette vie n'était rythmée que par les cours auxquels j'assistais, mon nouvel emploi dans un cadre Cachère, mes nouveaux amis et surtout ma famille d’adoption, mon Rav, son épouse et leurs huit magnifiques enfants. Ils m’invitaient chaque Chabbath et, petit à petit, presque tous les jours. Ils me qualifiaient affectueusement de leur neuvième enfant. J'avais tout à apprendre et avec beaucoup de patience, en voyant mon envie de me rapprocher d'Hachem, ils m'ont tout appris.
L’exemple des Tsadikim que j'ai pu rencontrer à cette période a enraciné en moi une vision juive de la vie pure et vraie. Après plusieurs mois, j’ai pris la décision de partir en séminaire pour apprendre encore davantage et être immergée complètement dans un environnement de Torah. “Allez-y”, m’avait encouragé mon Rav, “ce sera vous par la suite qui enseignerez à des femmes captivées par votre amour de la Torah”. J'étais encore tellement ignorante mais ces mots ont éveillé en moi l'envie et l'espoir de transmettre ce que moi-même j'avais reçu.
Il faut savoir que j ai toujours voulu changer le monde, j'étais une jeune fille passionnée, toujours pleine d'idées et de projets. Cette nature, réorientée vers une vie de Torah, ferait certainement de moi une brillante conférencière, une directrice de séminaire ou alors une auteure à succès !
De la théorie à la réalité
J’ai intégré un séminaire en Israël et je me suis mariée très vite après à un étudiant en Torah. Hachem nous a confié notre premier enfant puis très rapidement un deuxième. Vous pouvez l’imaginer, ma vie a changé du tout au tout. Envolés les cours de Torah, terminés les offices à la synagogue, oubliées les longues heures d'études avec mes camarades. Ma vie ne tournait désormais qu’autour des enfants, de mon travail et des tâches ménagères. Malgré l'immense bonheur de ma vie d'épouse et de mère, je sentais que la flamme spirituelle qui m’animait s'éteignait petit à petit. J'avais appris que la femme transcende le matériel en spirituel, que sa place est à la maison, que son intérieur est son royaume, mais je l'avais appris justement de Rabbaniot qui parvenaient à donner cours malgré leur vie de famille. Pourquoi ce ne serait pas possible pour moi ?
Notre famille a continué de s'agrandir Baroukh Hachem et malgré ma grande reconnaissance envers Hachem, ma frustration grandissait encore davantage. Le peu d’espoir qui me restait de mener à bien mes rêves tombait à l'eau, moi qui n’avais le temps pour rien d’autre que mes tâches journalières. Je ressentais un tel gâchis de ne pouvoir exploiter ce que j’avais en moi et qui ne demandait qu'à être exprimé. Au lieu de cela, je changeais les couches, jouais aux legos, enchainais les douches, nettoyais mon sol et ainsi de suite, jour après jour…
La famille ? Tout un projet !
Lorsque mon mari a dit “on dirige une start up”, j’ai compris que ce que je vivais n'était pas un stand by en attendant que les enfants grandissent mais un réel projet en soi, le projet de ma vie ! Ce sont eux, finalement, mes “élèves idéaux”, ceux à qui je transmets à chaque instant de la journée. Certes pas de la manière que j’imaginais mais d’une manière qui les influencera et les accompagnera tout au long de leur vie Be’ezrat Hachem.
L’investissement total dans leur éducation permettra si D.ieu veut de faire grandir de grands Tsadikim qui seront à leur tour à la tête Be’ezrat Hachem d’une grande famille. Et si nous avons bien fait notre travail, ils s'évertueront à leur tour à transmettre ce qu'ils ont reçu. Quelle responsabilité et quelle chance d'être à la tête d’un futur empire ! Je me rappelle avoir été chez un grand Rav et avoir vu une photo de son épouse et lui, entourés de leurs enfants, petit-enfants et quelques arrières petits-enfants. Sa femme m’a dit qu’ils étaient 250 !
Suite à cette prise de conscience, le puzzle s’assemblait enfin dans ma tête. Je me rappelais de la directrice d'un séminaire à qui j'avais demandé comment elle faisait pour tout gérer et qui m'avait répondu : “Chaque chose en son temps, ne brûle pas les étapes”. Je me rappelais également de la Rabbanite Jungreis (célèbre conférencière américaine en Torah) qui disait que lorsqu’elle avait des enfants en bas âge, elle donnait cours chez elle dans sa cuisine. Et je me rappelais enfin d’une conversation avec ma Rabbanite, je lui avais demandé ce qu'elle préférait faire entre telle et telle chose. “Ce qu’Hakadoch Baroukh Hou préfère que je fasse !” avait-elle répondu. Elle était dans une telle proximité avec Hachem qu’elle ne se souciait pas de ses propres goûts et préférences, juste d'accomplir sa mission !
Il en est de même pour moi. Si je suis dans cette situation, c'est évidemment la volonté d'Hachem et c'est dans ma vie de famille que je dois investir tous mes efforts. Si je dois ensuite concrétiser tel ou tel désir, Hachem m'en enverra la possibilité, j'en suis persuadée. Lorsque l'on parle de mission à accomplir sur terre, on s'imagine un objectif de super-héros, alors qu’il peut s’agir de choses communes, mais essentielles.
Le meilleur investissement
En cette période de confinement, exploitons tout notre potentiel pour investir, chacune, dans notre start up. Donnons a nos enfants notre temps enfin disponible, notre amour, des mots gentils, des encouragements, des sourires, de l’attention. C’est notre meilleur investissement !
Je demandais à mes deux aînés s’ils voulaient retourner à l'école, ils m’ont répondu : “C’est mieux a la maison !”. Poursuivons nos efforts pour que nos enfants ne gardent de cette période que le souvenir d’une famille aimante et unie.
Témoignage de Batya Berdugo