Chère amie,
Je l’avoue. Tant d’interdits (365) m’ont complètement bousculée lors de ma Téchouva : ne mange pas ceci, ne t’habille pas comme cela, ne parle pas comme ceci, ne regarde plus cela, etc.
Je me disais alors : mais si tout dans notre vie est régi par tant de règles, que je ne choisis pas de surcroît, où est notre liberté d’être humain ?!?
Il s’agit donc de comprendre en quoi ces interdits sont plutôt nos plus grands atouts pour être des individus psychologiquement équilibrés, autonomes et libres, au vrai sens du terme.
Sommes-nous enfermés par 613 barrières ?
Ne nous voilons pas la face. Il est parfaitement légitime que cette pensée nous ait traversé l’esprit un jour, voire plusieurs…
Il est vrai que, compte tenu du refus successif des nations face à la proposition d’Hachem de leur offrir la Torah, nous pourrions avoir mal pris, une fois notre tour arrivé, de voir le mont Sinaï sur le point de nous écraser, en cas de refus… !
Or, cette vision - une Torah imposée - est extrêmement réductionniste, limitée. Si ses 613 commandements ne nous avaient pas été imposés, il serait intéressant d’imaginer ce que nous serions devenus exactement. Des êtres libres ?
Parfaitement, ma chère :
- Libres d’être assimilables à un corps-objet, et non plus à une partie d’Hachem, une Néchama (âme) ?
- Libres de nous assujettir à toute dérive ou débordement du corps (abstinence, homosexualité, transsexualisme, « au nom du droit à chacun à une vie harmonieuse », conformément au verdict de la Cour Européenne) ?
- Libres de transformer son corps à sa guise, plutôt que de respecter et garder ce dépôt inestimable tel qu’il nous l’a été confié (chirurgie à tout-va, tatouages, etc.) ?
- Libres de disposer de la vie même, au lieu de l’exploiter au maximum pour grandir (euthanasie, suicide, etc.) ?
Très bizarrement (pas tant que ça), depuis les décennies où la répression, la discipline, la rigidité morale ont cédé le pas à la levée de toutes sortes d’interdits moraux (corps idolâtré et mis à disposition), l’inflation cancéreuse de la consommation d’antidépresseurs, des agressions et délits physiques n’a jamais été aussi élevée.
Et pourquoi donc ? Parce que, contrairement à ce que nous pourrions penser, l’interdit, les barrières, structurent l’être humain, lui économisent tant de culpabilité : ils nous permettent de nous sentir « en règle » avec Hachem, et avec nous-même, bien entendu.
Ce qui correspond parfaitement à l’injonction de la Torah, qui nous recommande d’agir, face à notre Yétser Hara’, comme suit : « Nourris-le, il sera affamé ; affame-le, il sera rassasié ».
Où est notre libre arbitre alors ?
Nous sommes tous les jours confrontés à des choix, des prises de décision. Sont-elles réellement le fruit de notre réflexion ? Victor Frankl(2) nous explique que non, elles sont le résultat de notre éducation, de tout ce que nous avons enregistré précédemment ; en effet, dans la majorité des cas, si mes parents étaient violents envers moi étant jeune, je le serai envers mes enfants.
Ainsi, si nos comportements sont déjà « prévus d’avance », où est notre libre arbitre au juste ?!?
Il se situe tout simplement dans la prise de conscience d’abord, puis le choix, la décision d’établir nos propres barrières, afin de ne pas tomber dans ces « comportements réflexes ». Ce qui s’appelle, en d’autres termes, le Choul’han 'Aroukh, notre code de lois juives.
Et Rav Benchetrit(3) de surenchérir qu’en plus de toutes ces règles pour tous, nous gagnerions à en établir un propre à nous-même, un Choul’han 'Aroukh personnel.
Par exemple, si je sais que je résiste faiblement au Fast Food, m’imposer de ne pas passer devant et de changer de chemin ;-)
Dès lors, il paraît beaucoup plus clair que, tout être humain étant régi par des pulsions permanentes, celui qui s’y laisse aller est tout le contraire d’un homme libre. C’est un homme aliéné.
Citons, pour finir, quelques interdits parmi tant… qui libèrent :
- « Il est interdit de vivre dans une ville où il n’y a aucun médecin » (P. Kid, 66).
- « Il est interdit de vivre dans une ville dépourvue de bain ».
- « Ne sois pas debout trop longtemps, car c’est mauvais pour le cœur ; ne marche pas trop, car c’est mauvais pour les yeux ; reste un tiers de ton temps assis, un tiers debout, et un tiers en marche » (Keth III, a).
- Les interdits relatifs aux relations conjugales hors des périodes permises par le Mikvé.
- Etc., etc.
En définitive, l’homme n’est pas libre, il le devient grâce à nos lois qui, elles seules, nous offrent l’immense privilège de goûter aux vrais plaisirs de la vie.
EXERCICE PRATIQUE :
- Étudier deux lois le matin, et deux le soir, ce qui équivaut à l’accomplissement de toute la Torah chaque jour !
- Commencer à établir son Choul’han 'Aroukh personnel, ce qui nous permettrait d’éviter bien des écueils.
À très bientôt,
Naomie Hadida
(1) D’après le titre et quelques réflexions de l’ouvrage du psychanalyste Moussa Nabati.
(2) « Donner du sens à sa vie ».
(3) « La vie, une invitation à être».