Un jour, des Rabbanim et hommes d’affaires allèrent consulter le Brisker Rov (Rav Itzhak Zéev Soloveitchik) pour une question délicate. Dans la pièce se trouvait le petit-fils du Rav âgé de 2 ans, sans sa maman dans les alentours. Pendant que tous débattaient du sujet complexe, le petit monta sur une chaise puis sur la table, et rampa entre les présents jusqu’à son grand-père. Avec une sérénité totale, le Brisker Rov le réceptionna et le posa par terre. Le manège plut au petit; il retourna au bout de la table, y grimpa de nouveau, rampa entre les rabbanim jusqu’au papy, qui le redescendit, toujours avec la même sérénité. Quand le bout de chou acheva son 3e tour, un des présents étonné du sang froid du Rav l’interrogea: « Rav, n’y a-t-il pas lieu d’éduquer le petit ? »

 

Le Brisker Rov rétorqua qu’il ne comprenait pas la question. Quand le questionneur insista, le Rav lui dit: « As-tu déjà vu un adulte de 30 ans ramper sur une table? Si oui, il y a en effet une question de Hinoukh – éducation. Mais puisque ce n’est pas le cas, il n’y a aucune question de Hinoukh ! »

Quelle est l’étymologie du mot חִינוּךְ [Hinoukh], couramment traduit par éducation / pédagogie? Dans la Torah, Hinoukh signifie initiation/ inauguration.

L’inauguration du Mizbéa’h (l’autel) est appelée Hanoukat haMizbéa’h. Avant de sortir en guerre, le Cohen déclarait מִי הָאִישׁ אֲשֶׁר בָּנָה בַיִת חָדָשׁ וְלֹא חֲנָכוֹ יֵלֵךְ וְיָשֹׁב לְבֵיתוֹ - Que celui qui a bâti une maison neuve et ne l’a pas inaugurée–c.-à-d. qui n’en a pas encore fait usage–, qu’il parte et s’en retourne à sa maison. Lorsqu’Avraham sortit en guerre contre les 4 rois, le verset dit :וַיָּרֶק אֶת חֲנִיכָיו יְלִידֵי בֵיתוֹ - [Avram sut que son parent était prisonnier] il arma ses apprentis, enfants de sa maison. Rashi commente : ‘on appelle ‘Hinoukh touteentrée en fonction d’un homme ou ustensile dans le rôle qu’il devra endosser dans le futur’.

De la même manière, le mot ‘Hinoukh utilisé pour l’éducation signifie initier un enfant à une conduite qu’il poursuivra dans le futur, lorsqu’il sera adulte. Ainsi, Shlomo écrit dans Mishlei : חֲנֹךְ לַנַּעַר עַל פִּי דַרְכּוֹ גַּם כִּי יַזְקִין לֹא יָסוּר מִמֶּנָּה - Eduque le jeune homme dès le début de sa vie, afin qu’il ne s’écarte pas du chemin en vieillissant. Et réciproquement: réprimander un enfant sur une conduite qui cessera naturellement lorsqu’il grandira n’a aucun rapport avec le ‘Hinoukh.

Certains considèrent probablement ces propos évidents.

Et pourtant… Combien de fois par jour 'éduquons-nous' nos enfants à adopter toutes sortes de conduites qui n’auront aucune incidence sur leur avenir ? Quel parent ne corrige-t-il pas son fils de 5 ans qui goûte du sable, mâchouille sa chemise ou découpe la carte-bleu aux ciseaux, blâmant ensuite le comportement indigne par un super-speech ?!

Certes, il est légitime d’éviter certaines de ces scènes; mais au nom du confort des parents uniquement, car elles ne sont pas de l’ordre du ‘Hinoukh ! L’intensité du reproche ne pourra en aucun cas être la même, sous peine de développer chez le petit un sentiment de culpabilité, alors que son action était parfaitement légitime de son point de vue d’enfant.

Il faudra donc discerner ces 2 notions confondues à tort: l’éducation, et la discipline / soumission à un ordre.