Grace à D.ieu, la communauté juive américaine a été bénie d’une grande richesse, et la Tsédaka qui provient d’Amérique dépasse l’entendement. Pensez aux myriades de causes, d’institutions, de groupes et d’organismes ici, en Israël, et dans le monde entier qui ont été fondées et financées par le judaïsme américain.
Cette volonté de donner est inscrit dans notre ADN de Juif. Hachem en personne nous l’a octroyé : « Véhéyé Brakha - tu seras une bénédiction », a dit D.ieu à notre ancêtre Avraham. Le propos de D.ieu n’est pas : « Sois béni », mais « Sois une bénédiction ».
Il y a une différence subtile entre les deux, et si nous avions le choix, nous choisirions probablement d’être bénis. Dans notre cœur, nous avons tant de désirs, tant d’espoir et de craintes. Nous demandons une Brakha et nous avons tant de problèmes que nous ignorons par où commencer : la santé, l’entente conjugale, la Parnassa, les Chidoukhim, les enfants, de bons enfants - et avant même de nous en rendre compte, on ajoute les petits-enfants à notre liste. En gros : la liste n’est jamais finie.
Nous voulons tous être bénis. Or Hachem a conféré à notre Patriarche ces propos immortels : « Sois une bénédiction ». Mon révéré père, le Rav, Gaon et Tsaddik Avraham Halévi Jungreis l’exprimait ainsi. Il me disait souvent : « Mein lichtig kind, zolst eemer kennen geiben; zolst kein mol nisht darfen beaten - ma précieuse lumière, puisses-tu toujours donner et ne jamais devoir demander. »
Tout au long de notre longue et douloureuse saga, nous les Juifs avons toujours été des donneurs, et je pense que cela nous a aidé à survivre aux attaques sauvages des nations, aux ravages de la pauvreté, et à toutes les autres souffrances que nous avons endurées au fil des millénaires.
C’est assez simple. Si vous êtes une bénédiction pour les autres, la vie prend une autre dimension. Même si vous souffrez, vous savez que vous devez tenter d’aider quelqu’un d’autre. Même si votre corps est fatigué et que vous n’avez pas la force de bouger, d’une manière ou d’une autre vous trouvez la force de vous lever, car vous savez que d’autres sont dépendants de vous.
J’ai appris ce que cela signifiait tôt dans mon enfance. Petite fille de cinq ans, je jouais avec une enfant qui, aujourd’hui, serait nommée « enfant aux besoins spécifiques ». En Hongrie, nous n’avions pas de telles catégorisations. Besoins spécifiques ? Pour nous, cela signifiait que nous devions nous entraider, car nous avions tous des besoins nécessitant d’être comblés. Oui, même à cet âge, nous savions que nous devions être une bénédiction pour nos amis et pour tout le monde.
Ce fut avec cette armure de « Sois une bénédiction » que nous avons réagi au barbarisme des camps de concentration. Je n’oublierai jamais les instructions de mon père : « Essaie de sourire, mon précieux enfant. Et lorsque des adultes verront une petite fille sourire, ils retrouveront du courage et de l’espoir. Sois une bénédiction. »
Lorsque nous arrivâmes en Amérique, ma mission d’être une bénédiction me donna la force de m’adresser à mes frères et sœurs laïcs, et à les inviter à notre table du Chabbath. C’est ainsi que nous avons appris à donner la Tsédaka, et c’est ainsi que notre vie était réglée. Pour nous, la Tsédaka, ce n’était pas simplement écrire un chèque ; c’était donner avec amour et bonté. Le leitmotiv de « Sois une bénédiction » était ancré dans notre cœur, notre esprit et notre âme.
Et à présent le paradoxe.
Les Juifs américains ont été une bénédiction pour nos frères dans le monde entier. Alors comment est-il possible que cette même communauté qui a tant donné, aidé tant d’autres, qui a été une Brakha pour les personnes dans le besoin, a produit également une insolence débridée, une méchanceté, un égoïsme et un égocentrisme ? Où avons-nous échoué ? Où le bât a-t-il blessé ?
Je sais que nous avons tendance à accuser les nouveaux joujoux technologiques qui dominent notre culture : les iPads, les smartphones, les ordinateurs. Mais il doit y avoir quelque chose de plus profond. Je réitère ma question : comment deux traits aussi diamétralement opposés peuvent-ils émerger de la même communauté ? Comment une telle générosité peut-elle côtoyer une telle méchanceté ?
Interrogez-vous : qu’est-ce que nos enfants voient à la maison? Qui sont leurs modèles de Tsédaka ? Découvrez ce qui se passe dans nos foyers.
Maman est dans la cuisine affairée à préparer le dîner. Le téléphone portable de Benny, onze ans, sonne : « Ok, je te maile les infos directement », l’entend sa maman répondre.
« A qui envoies-tu cet e-mail ?, demande sa mère. De quoi s’agit-il ? »
« Michaël a besoin de mes notes pour le contrôle de demain », répond Benny.
« Attends un instant, réplique sa mère. Est-ce que c’est le même Michaël qui a refusé de t’aider lorsque tu le lui as demandé ? Et maintenant, il ose s’adresser à toi ? Laisse tomber ! Ne sois pas idiot! Dis-lui simplement que tu ne les as pas ! »
Au fil des ans, les enjeux sont plus importants. Il ne s’agit plus que de devoirs - il est désormais question d’un travail, d’un Chidoukh, d’une recommandation, d’un peu d’aide… mais les graines ont été plantées. Benny demandera toujours : « Pourquoi devrais-je aider ? C’est un prêté pour un rendu. »
C’est en vain que les parents de Benny donnent de la Tsédaka. L’image qui reste dans l’esprit de Benny ne donne aucune valeur aux chèques de ses parents, et l’héritage d’être une bénédiction est perdu pour lui. Il ne l’a jamais ni vu ni vécu.
Prenons un autre exemple.
« Ce Jonathan est toujours dans ta classe ? », demande la mère de Benny.
« Ouais », répond Benny.
En maugréant, sa mère prend le téléphone. « Je leur ai déjà dit cent fois, murmure-t-elle, cet enfant n’appartient pas à cette classe. Il est lent, il est bizarre. Je ne veux pas que mon Benny s’associe avec lui. »
« M. Adler, dit-elle d’une voix où perce l’agacement. Combien de fois vous ai-je appelée ! Combien de fois vous ai-je demandé de retirer cet enfant de la classe ? Mon Benny est un excellent élève, et j’ai le droit de demander que des élèves aussi excellents soient dans sa classe ! Sa place n’est pas là ! »
Exaspérée, elle raccroche et demande à Benny de ne pas jouer avec cet enfant ni de l’inviter à la maison.
La mère de Benny est connue dans la communauté pour son travail de bénévolat. Mais tout son bénévolat n’ira nulle part, car elle n’a jamais enseigné à Benny à être une bénédiction.
En bref, c’est simple, et si nous voulons être de bons Juifs, nous devons graver cet enseignement de ‘Hessed sur notre cœur et celui de nos enfants.
Chaque jour, lorsque nous récitons la ‘Amida, nous commençons notre prière par : « D.ieu d’Avraham, D.ieu d’Its’hak et D.ieu de Ya’acov. » Mais nous concluons la Brakha par : « Maguen Avraham - le bouclier d’Avraham. » En quoi consiste ce bouclier ? Oui, nous avons un Maguen David - bouclier de David - mais quelqu’un a-t-il déjà vu le bouclier d’Avraham ? La réponse est un oui retentissant. Ce bouclier d’Avraham est le bouclier de ‘Hessed.
Où en sommes-nous ? Portons-nous le bouclier d’Avraham ?
Je voudrais recommander que nos fils et nos filles nous voient, leurs parents, donner la Tsédaka avec chaleur et affection. Laissons-les nous observer donner avec bonté, et puissent-ils s’inspirer de nous.
Soyez une bénédiction. Ce n’est pas un concept ; c’est notre vie même.