Les événements se déroulent si rapidement, qu’avant même de pouvoir totalement les intégrer, un autre événement survient, et au bout d’un certain temps, nous en sommes tellement immunisés que nous ne réagissons plus. La « Mère nature » provoque des désastres dans notre environnement. Des Tsunamis, des inondations, des volcans en éruption, des tornades, des tremblements de terre, des marées noires se suivent l’un après l’autre en succession rapide. Ajoutez à cette liste l’effondrement de géants de la finance et de l’industrie, et prenez également en compte les maladies graves touchant non seulement les personnes âgées, mais aussi les jeunes. Et comme si ça ne suffisait pas, nous, le peuple juif, sommes confrontés à une menace supplémentaire : la diabolisation d’Israël et l’escalade de l’antisémitisme.
J’écris ces lignes suite à la lecture des Parachiot de Béhar et Bé’houkotaï. Les paroles de la Paracha résonnent fortement : « Véim Bézot Lo Tichméou…Si vous ne M’obéissez toujours pas et que vous restez indifférents vis-à-vis de Moi (Kéri), Je serai indifférent (Kéri) avec vous violemment… ». Kéri est l’un de ces termes hébraïques dont le sens n’est pas facile à véhiculer dans une autre langue. Il dénote une attitude de désinvolture qui indique une indifférence, la croyance que « les choses surviennent parce qu’il en est ainsi », tout ce qui se produit est le fruit du hasard, et seuls les simples d’esprit pourraient imaginer des messages Divins et des rappels à l’ordre dans les événements qui nous touchent.
Outre cette indifférence, nous aimerions avancer une autre raison pour expliquer les tribulations qui nous affectent. Dans notre société orientée sur la psychologie, nous avons été conditionnées à déplacer les accusations sur autrui. La responsabilité est toujours celle de quelqu’un d’autre, jamais la nôtre.
Souvent, ce raisonnement a une bonne part de vérité. La haine et le mal irrationnels existent réellement, et pour nous les Juifs, c’est encore plus vrai… L’antisémitisme est aussi ancien que notre peuple. Nos Sages nous enseignent que le terme même de Sinaï a une double connotation. Il est lié au terme « Sina », la haine. Dès le moment où nous avons scellé notre alliance avec D.ieu, au Sinaï, la « Sina », la haine des nations, s’est abattue sur nous. Cette haine présentait également un aspect positif, en tant que rappel de l’impossibilité de nous assimiler, nous ne pouvons être protégés qu’en nous abritant chez D.ieu, sous l’aile de Sa Torah. Depuis des temps immémoriaux, nous avons dû affronter nos détracteurs et ceux qui visaient à nous éliminer, nous avons également appris à vivre dans une autre réalité : voir au-delà de ce que l’œil peut percevoir, et l’esprit, appréhender, scruter notre âme et procéder à une introspection. Nous avons appris à poser cette question angoissante et douloureuse : où nous sommes-nous trompés ? Qu’est-ce que D.ieu essaie de nous communiquer ?
On nous a conjurés de bannir cette indifférence, d’attribuer tout à la coïncidence, au hasard. Oui, nous avons été conditionnés à examiner notre âme et à endosser la responsabilité de nos actes, ainsi que nos omissions. Or, devez-vous vous interroger, comment se fait-il que les ancêtres des Juifs ont été exilés et destinés à assister à l’horrible destruction du Temple de Jérusalem ? On n’accusera ni les Babyloniens, ni les Romains, bien que ce soit eux qui ont pillés notre ville sainte et mis le feu à notre Temple.
La réponse est disponible pour toute personne qui veut voir et entendre. Elle est gravée pour toute éternité dans notre livre de prière : « Mipi ‘Hatoténou… En raison de nos fautes, nous avons été exilés de notre terre ». Et de ce fait, à Ticha’ Béav, le jour de notre deuil national, plutôt que de maudire nos ennemis qui nous ont conduit en exil, nous nous tournons vers D.ieu, contrits, et L’implorons d’accepter notre repentir et de reconstruire notre saint sanctuaire.
Nos Sages nous ont appris à ne jamais pointer du doigt des sources extérieures, mais à regarder en nous, aussi angoissante que cette introspection puisse être, car c’est cette volonté d’endosser la responsabilité et de procéder à un Tikoun, une réparation pour nous-mêmes et pour le monde, qui nous a conféré le mérite d’être le troupeau de D.ieu.
Au vingt-et-unième siècle, nous sommes mis au défi par des événements qui, à première vue, justifient notre indignation ; la diabolisation d’Israël et l’escalade de l’antisémitisme. Sans doute, nous avons le droit de protester contre cette terrible injustice… les mensonges flagrants, et le principe de deux poids, deux mesures qui s’appliquent à Israël. Peu importe à quel point Israël fait preuve de compassion et de justice, tous les maux de la terre lui sont attribués… les démagogues pervers, les terroristes, les assassins, tous sont blanchis tandis qu’Israël est ostracisé et condamné. Oui, nous avons le droit de lancer un cri de protestation. Mais cela ne signifie pas que nous devons fermer les yeux et oublier notre mission, scruter notre âme et nous interroger : où nous sommes-nous trompés ?... Qu’est-il advenu du rêve sioniste ?...
Il y a plus d’un siècle, les fondateurs du sionisme laïc avaient une vision, ils nourrissaient l’espoir que si le peuple juif devenait une nation ordinaire, avec une terre, il serait mis sur un pied d’égalité par les nations du monde et l’antisémitisme cesserait une bonne fois pour toutes. Leur vision appelait à la création d’un Etat démocratique laïc dont les racines se trouvaient dans le nationalisme plutôt que dans la Torah - la source de vie du Juif.
Dans une certaine mesure, leur vision est devenue réalité. Le peuple juif a miraculeusement retrouvé son ancienne terre, et, après presque 2000 ans, ils ont transformé des déserts, des marécages où régnait la malaria, des chardons et des pierres, en magnifiques jardins. Ils ont créé une armée puissante, ont fait d’exceptionnelles découvertes dans le domaine des sciences, de la technologie, et de la médecine. Leurs réalisations occupent une des premières places dans le monde. En toute logique, tout ceci aurait dû forcer l’admiration et le respect des nations. Or, paradoxalement, c’est l’inverse qui s’est produit. Au lieu d’être accepté, Israël a été calomnié… et l’Etat même qui devait l’immuniser contre l’antisémitisme est devenu un objet de dérision et de haine, une cause nouvelle d’antisémitisme.
De toute évidence, dans notre culture égalitaire, politiquement correcte, le racisme envers les Juifs n’est plus toléré, de sorte que l’antisémite d’aujourd’hui doit trouver une nouvelle formule pour diffuser son venin et la diabolisation d’Israël est devenue une couverture. Ce nouvel antisémitisme est si insidieux que même certains Juifs sont tombés dans le piège et ont rejoint le chœur des « diabolisants ».
Comment l’interpréter ?
Le temps n’est-il pas venu pour nous de suivre la voie de nos ancêtres, de procéder à une introspection et de nous interroger : « Où avons-nous fait erreur ? Quel est le message que nous devons extraire ? »
Nous, le peuple juif, ne pourrons jamais être « un pays ordinaire » si cette normalité équivaut à ressembler à tous les peuples de la terre. Nous ne sommes pas retournés sur notre ancienne terre après près de 2000 ans pour transformer ses villes en New York ou Paris. Nous ne sommes une nation que par vertu de notre Torah, et ce n’est que par la Torah que nous pouvons fleurir sur cette terre.
Ce n’est que lorsque nous aurons intégré l’idée que la Torah est ce qui nous accorde le droit de résider ici… et que ce droit vient de D.ieu Lui-même, que les nations du monde le comprendront. Alors seulement, l’antisémitisme cessera d’exister.
Quelle tristesse… c’est terriblement triste que cette simple vérité nous échappe. Que c’est triste, terriblement affligeant d’avoir omis de mentionner D.ieu dans l’hymne national israélien.
Combien de temps allons-nous marcher avec D.ieu dans l’indifférence ? Quand allons-nous nous réveiller ? Quand allons-nous comprendre les termes de notre prophète : « Vihaola Al Rou’hakhem… et ce qui entre dans votre esprit - vous ne serez jamais semblable aux autres peuples… Tant que Je vis, proclame D.ieu, Je règnerai sur vous d’une main forte ».
D.ieu nous aime pour l’éternité, et ne nous laissera jamais tomber. Que faudra-t-il pour que nous le saisissions ?