J’ai récemment reçu deux lettres décrivant la souffrance de deux veuves. L’une a été écrite par le fils d’une veuve qui a décidé de prendre sa retraite en Floride, en projetant d’y passer la moitié de son temps et l’autre moitié à New York. Son choix s’est porté sur cette communauté, sachant que de nombreux couples s’y sont installés et qu’elle aurait une chance de trouver de la compagnie et d’être invitée aux repas du Chabbath. Or, non seulement aucun de ces couples ne l’a jamais invitée, mais elle n’a pas non plus été invitée aux nombreux Kiddouchim de la communauté. Comment, s’interroge le fils, ces Juifs peuvent-ils se prétendre pratiquants, alors qu’ils violent l’un des principes fondamentaux de la Torah, le ‘Hessed (bonté) ? La seconde lettre était d’une veuve qui décrivait sa terrible solitude et le manque de considération de certains. Elle relate par exemple qu’elle projetait de se rendre à un mariage et qu’on lui avait promis de l’emmener en voiture. Elle s’habilla pour la circonstance et attendit à la porte, mais en vain. Le couple qui avait promis de la conduire l’avait oubliée. Elle décrit également le manque de considération de ceux qui pensent que parce qu’elle travaille, conduit sa voiture et est indépendante, elle n’a besoin ni de chaleur, ni d’affection. Voici ma réponse.
Mes chers amis,
Nous vivons dans une société où le manque de sensibilité est la norme, et la considération et la gentillesse sont l’exception. Notre culture revendique de nous placer en premier, de vivre pour nous, sans permettre à qui que ce soit de nous imposer des demandes. Au fil des siècles, nous, le peuple juif, n’avons pas fait comme les autres : nous avons toujours incarné le ‘Hessed, la bonté, donc cette dureté de cœur est encore une manifestation des percées de l’assimilation. J’ai compris que les gens dont vous parlez se prétendent religieux, mais malheureusement, il est possible de se prétendre religieux et dans le même temps, d’être influencé par des valeurs morales antithétiques avec la Torah. Notre patriarche Yaakov avait triomphé d’un tel piège, et au bout de vingt ans d’exil dans la maison de Lavan, il a pu proclamer : « J’ai vécu avec Lavan, ai respecté les 613 commandements et n’ai pas imité ses voies perverses. » Mais malheureusement, nous ne pouvons dire la même chose de notre génération.
En effet, vos lettres contiennent des remarques très justes sur la situation des veuves dans la société d’aujourd’hui. C’est triste, car aussi douloureux qu’il soit de souffrir de la perte de son conjoint et de rester seule, il est affligeant de souffrir aussi de l’insensibilité des autres. Une telle conduite, de la part de Juifs, est inadmissible. En tant que Juifs, notre rôle est de ressentir la douleur des autres, de partager leur douleur, d’anticiper leurs besoins et de leur tendre la main avec bonté.
Lorsqu’il s’agit de veuves et d’orphelins, la Torah est encore plus stricte à cet égard en nous enjoignant de nous montrer encore plus prudents, comme il est écrit : « N'humiliez jamais la veuve ni l'orphelin. Si tu l'humiliais, sache que, quand sa plainte s'élèvera vers moi, assurément J'entendrai cette plainte. » (Chémot 22, 23).
Pour comprendre le sens de cet enseignement, il est essentiel de comprendre totalement le texte hébraïque. Le terme hébraïque pour veuve est Almana, qui est lié au terme « Elem » (sourd et muet), nous enseignant qu’une veuve est si brisée qu’elle a même du mal à trouver sa voix. Des veuves m’ont confiée que dans leur solitude, elles sont très souvent incapables de parler…elles se sentent indésirables, manquent de confiance, elles se sentent comme un fardeau. Et si nous imaginons que ceci ne s’applique qu’aux veuves appauvries, malades ou dépendantes, la Torah insiste : « Kol Almana, chaque veuve… même des veuves riches et puissantes doivent être traitées avec sensibilité, car elles souffrent également. On ne peut justifier la conduite décrite par les auteurs des lettres. Permettre à une veuve de se retrouver seule le Chabbath est scandaleux. Hachem nous met en garde : si une veuve s’écrie, de douleur, Son courroux sera allumé, non seulement contre ceux qui l’ont affligée, mais aussi contre ceux qui ont toléré une telle négligence. Une telle conduite, si elle n’est pas remise en question, peut jeter une ombre, que D.ieu préserve, sur toute une communauté.
Il y a des années, parents et enfants vivaient à côté les uns des autres, si bien que si une femme devenait veuve, elle pouvait s’appuyer sur ses enfants. Mais de nos jours, en raison de la mobilité croissante, parents et enfants vivent plus loin, parfois dans des pays différents, et chacun est responsable à titre personnel de tendre la main aux veuves avec amour et bonté.
Il y a de longues années, l’une de mes amies proches est soudain devenue veuve. Mon père, l’éminent Rav Avraham Halévi Jungreis, se faisait un point d’honneur de lui téléphoner chaque veille de Chabbath et de fête. Je me souviens d’une fois où elle était partie en week-end, et lorsqu’elle ne répondit pas à son téléphone, mon père s’inquiéta et appela immédiatement ses parents pour prendre de ses nouvelles.
Lorsque mon mari était vivant, nous invitions toujours les veuves de notre communauté chez nous pour les Sédarim de Pessa’h et les Chabbatot. De plus, mon mari leur téléphonait régulièrement et chaque veille de Chabbath, il leur apportait des ‘Halot et autres bonnes choses.
Malheureusement, de nos jours, de tels actes de compassion sont trop rares, de nos jours, chaque quartier, chaque communauté, a son effectif de veuves qui ont besoin de soutien. Je voudrais suggérer d’organiser des comités de ‘Hessed qui seraient responsable de suivre les veuves de leur quartier. Il ne devrait jamais arriver qu’un Chabbath, une veuve se retrouve seule dans l’obscurité. Il ne doit pas passer un Chabbath où l’on oublie d’inviter une veuve aux Kiddouchim de la communauté où elle réside. Le comité devrait s’assurer que les veuves de leur communauté ont une famille où passer le Chabbath, et il faut les inviter chaleureusement. Le peuple juif est Ra’hmanim et Béné Ra’hmanim : compatissants et enfants de compatissants. C’est une question d’éducation et d’habitude. Il faut réaliser que certains ont ce besoin et nous devons comprendre qu’en ouvrant notre foyer, en partageant, en donnant, c’est nous qui nous enrichissons. Il faut également nous habituer à l’idée que la joie du Chabbath augmente lorsque nous avons des invités autour de la table. De plus, la meilleure éducation que nous puissions offrir à nos enfants est de voir leurs parents incarner des modèles de Hakhnassat Or’him, d’accueil des invités.
Quant à une solution pour la veuve qui a été « oubliée » par ceux qui avaient promis de la conduire en voiture à un mariage : j’aimerais vous suggérer que chaque personne qui invite une veuve à une occasion joyeuse s’assure que des dispositions seront prises pour l’y conduire. Aucune veuve ne doit se retrouver en position de devoir implorer qu’on l’emmène en voiture.
Enfin, un dernier mot pour les veuves comme moi. Utilisons notre statut de veuves positivement, en faveur de notre peuple. Puisque Hachem a promis d’entendre nos cris, implorons le Tout-Puissant d’avoir pitié de tous les membres de notre peuple. De nos jours, les souffrances sont si nombreuses, la peur constante du terrorisme dans le monde entier…Tant de familles sont affectées par des maladies graves et des problèmes d’entente conjugale…Tant de célibataires ne trouvent pas leur âme sœur et souffrent de leur solitude. Regardons autour de nous et prions Hachem de leur apporter la guérison et la bénédiction. Prions, et par nos prières, perçons les portes du Ciel et apportons la délivrance à notre génération. Puisse D.ieu écouter nos prières et guérir nos cœurs, et puissions-nous assister à la venue du Machia’h de nos jours.