J’ai reçu récemment la lettre d’une femme divorcée et désemparée qui avait le sentiment d’avoir été trahie par un homme qu’elle espérait épouser. L’homme, un veuf dont l’épouse avait été son amie, avait commencé à la rencontrer peu de temps après le décès de son épouse. Au départ, ils se rencontraient surtout à des événements familiaux, rejoints par les enfants des deux couples. Puis ils finirent par se rencontrer sérieusement, et l’homme fit sa proposition de mariage. Peu de temps après, il lui téléphona, et dans un accès de colère et d’abus verbal, mit brutalement fin à leur relation. Il lui expliqua en même temps que ce n’était pas personnel, mais que ses enfants s’opposaient au mariage.
Deux mois plus tard, il trouva une autre femme et se fiança le jour même où il avait promis de lui offrir une bague. Pour aggraver encore les choses, il décida également d’épouser cette femme le jour où il avait projeté d’épouser l’auteure de la lettre, lui causant une terrible affliction.
Elle se plaignait surtout que cet homme n’avait même pas pris la peine de lui demander pardon pour la souffrance qu’il lui avait infligée. Elle se demandait comment elle pouvait lui pardonner en cette période où nous sommes tenus de nous pardonner l’un l’autre. Ses amies lui suggérèrent d’oublier et de passer à la suite, mais ce n’est pas ce qu’elle voulait entendre. Voici ma réponse :
Ma chère amie,
Plutôt que de vous demander : « Comment puis-je pardonner ? » demandez-vous : « Comment puis-je ne pas pardonner ? » Nos Sages nous enseignent : « Kol Hamaavir…Toute personne qui pardonne se voit pardonner toutes ses fautes. »
Je trouve que c’est un arrangement extraordinaire : être pardonné de toutes ses fautes ! Quelqu’un peut-il prétendre ne pas avoir besoin de ce cadeau ? De plus, dans cet enseignement de nos Sages, le terme hébraïque du mot « faute » est « Pécha » (les fautes les plus sévères) plutôt que « ‘Het » (fautes involontaires) : la récompense de notre grandeur d’âme est si totale que l’on nous pardonne même les offenses les plus abjectes. Alors je répète : comment ne pas profiter d’une telle occasion et proclamer sans équivoque : « Je pardonne » ?
Le Roi David, dans le psaume 21, proclame : « D.ieu est ton ombre », nous rappelant que notre ombre est un reflet, et quelles que soient nos actions, notre ombre se reflète. Donc si nous pardonnons, D.ieu nous pardonnera. Le pardon nous offre un nouveau départ - peut-il y avoir un meilleur moyen de commencer la nouvelle année ?
Même en-dehors de la période des Grandes fêtes, si vous récitez les prières avant le coucher, vous savez que chaque soir, avant de réciter le Chéma Israël, nous sommes tenus de proclamer ceci : « Maître de l’Univers, je pardonne ici à toute personne qui m’a mise en colère, contrariée, ou a fauté contre moi, que ce soit contre mon corps, mes biens, mon honneur ou autre, qu’il l’ait fait accidentellement, intentionnellement, méchamment ou délibérément ; que ce soit par la parole, l’action, la pensée ; que ce soit dans ce Guilgoul (réincarnation) ou un autre, je pardonne tout Juif. Qu’aucun homme ne soit puni à cause de moi… »
Vous constaterez que même si votre présent dilemme n’avait pas eu lieu en cette période, vous seriez obligée d’accorder votre pardon. Vous êtes appelée à le réciter chaque soir avant de dormir, et si vous vous habituez à le faire avec un cœur sincère, vous découvrirez que vous devenez bien plus saine d’esprit et heureuse. Lorsque nous pardonnons, nous sommes libérés de la colère et de la jalousie qui empoisonnent nos systèmes et sont la racine d’un grand nombre de nos problèmes de santé physique et morale.
En-dehors de ces considérations, vous devez aussi reconnaître au fond de vous que D.ieu dirige le monde, et qu’au final, seul Lui forme les couples. Donc, si pour une certaine raison, un Chiddoukh n’a pas abouti, nous devons faire la paix avec l’idée que ce n’était pas Basherte - destiné. Plaçons notre confiance en Hachem et demandons-Lui de nous guider.
Lorsque des gens discutent de problèmes de Chiddoukhim avec moi, je leur transmets très souvent la sagesse de mon révéré père, le Rav et Gaon Rav Avraham Halévi Jungreis qui disait en Yiddish : « G-t zol fieren auf gittins », lorsqu’il est question d’un Chiddoukh, nous ne devons pas prier pour un individu spécifique, car nous ne savons pas réellement quel est le bon candidat pour nous. Nous devons plutôt implorer D.ieu de nous guider vers la bonne personne et d’ouvrir nos yeux pour reconnaître notre véritable âme sœur. Ainsi, si un Chiddoukh ne marche pas, il ne s’agissait certainement pas du « bon. » Cela ne signifie pas que nous ne devons pas faire de Hichtadlout - déployer tous les efforts possibles pour la recherche d’un conjoint. Mais après avoir fait tout ce qui est en notre pouvoir et que le Chiddoukh ne réussit pas, rassurons-nous en sachant qu’il ne devait pas aboutir.
D’après votre lettre, il est évident que cet homme ne vous était pas destiné, et vous devez remercier D.ieu de vous avoir protégée d’un nouveau divorce. Vous avez-vous-même admis qu’il a crié et employé un langage abusif et s’est conduit aussi cruellement que votre ancien mari. Vous précisez également que ses enfants étaient opposés à votre mariage.
Je vous demande : quelle sorte de Chalom Bayit (entente conjugale) pouviez-vous anticiper, compte tenu de ces données de départ ?
Et s’il a choisi exactement les mêmes dates qu’il vous avait données pour se fiancer et épouser cette femme, il est certainement dénué de toute sensibilité. Une fois de plus, ce n’est pas un homme avec qui vous auriez pu espérer fonder un foyer serein. Alors, plutôt que d’entretenir vos blessures, remerciez D.ieu d’avoir veillé sur vous et de vous avoir protégée d’un autre malheur.
Quant au ressentiment que vous nourrissez vis-à-vis de vos amies qui vous ont recommandé de continuer…vous ne pouvez demander des conseils, puis déclarer : « Ce n’est pas ce que je voulais entendre. »
Enfin, vous n’avez pas besoin que cet homme vous demande de lui pardonner. Vous avez besoin d’une Brakha, d’une bénédiction d’Hachem. Adressez-Lui une prière pour Lui demander de vous aider à trouver votre âme sœur.