Suite à l’horrible massacre de Har Nof (le 18 novembre 2014), je voyageais, comme beaucoup d’autres, à Jérusalem pour rendre visite aux familles directement affectées par cette innommable tragédie.
En marge de ma rencontre avec ces remarquables familles, je partis pour l’hôpital Hadassa pour rendre visite aux blessés. Dans le lobby, je rencontrai un chirurgien plasticien des Etats-Unis venu pour aider à reconstruire les parties du corps de blessés mutilés.
Alors que nous arpentions les couloirs de l’hôpital, mon assistante reçut un appel d’un éminent rabbin nous demandant de rendre visite à un jeune homme de 22 ans blessé par une grenade et qui se trouvait dans un coma profond. Arrivées dans sa chambre, nous vîmes sa mère penchée sur lui, elle l’embrassait, lui tenait les mains et appliquait des compresses sur son front. Mais ses yeux étaient clos et il ne réagissait pas.
Je m’assis à son chevet et murmurai : « Je suis la rabbanite Esther Jungreis. Je viens d’Amérique et je fais de nombreux Chidoukhim. Une jolie jeune fille est venue me voir. Elle a vu votre photographie dans les journaux et a déclaré : "Il ressemble au genre d’homme que j’aimerais épouser". »
« Réveille-toi, Yoni. Réponds-moi. C’est une fille magnifique et douce comme le miel. Que dois-je lui dire ? Donne-moi une réponse. »
Soudain, un miracle eut lieu. Le visage de Yoni s’éclaira d’un beau sourire. Toutes les personnes présentes dans la pièce le regardèrent, incrédules. Sa mère l’appela sur un ton joyeux : « Yoni, Yoni ! » Ses yeux, auparavant assombris par la douleur, rayonnaient à présent de joie et d’espoir.
Quant aux beaux yeux de Yoni, ils étaient emplis de larmes qui coulaient le long de ses joues. Ses larmes et son sourire s’entremêlèrent.
J’eus une pensée à l’esprit. N’est-ce pas l’histoire de notre peuple juif ? Des larmes et de la joie en même temps. Oui, au milieu de la joie, nous n’oublions jamais nos souffrances. Et en proie à la souffrance, nous n’oublions jamais notre foi, l’espoir ne nous quitte pas.
Nous conduisons nos enfants le jour de leur mariage sous la ‘Houppa et notre joie déborde de les voir poser les fondations d’un nouveau foyer juif. Le marié et la mariée sourient, mais leurs yeux sont humides de larmes et leurs lèvres murmurent une prière silencieuse pour qu’Hachem leur permette d’établir un Bayit Nééman Béisraël, un foyer juif fidèle.
Nous entendons ensuite le son de verre brisé qui rappelle notre saint Temple qui n’est plus là. De même que les jeunes mariés prient pour leur propre foyer juif, ils aspirent à la restauration du Temple.
Et c’est ainsi que je vis ce jeune soldat blessé et enveloppé dans un profond coma, rassembler toute son énergie pour répondre à l’appel de créer un nouveau maillon dans cette chaîne éternelle, et fonder un foyer juif. Son visage s’éclaira d’un sourire. Ses larmes murmuraient un message douloureux : cela se fera-t-il ? Cela pourra-t-il se réaliser un jour ?
Tout cela dura un instant et le jeune homme replongea dans le coma. Mais ce moment instilla dans son esprit et son cœur la détermination de combattre et de parvenir à ce but ultime propre à chaque jeune homme et jeune femme juive : un Bayit Nééman BéIsraël.
Mon assistante s’approcha de moi. Elle plaça un objet dans mes mains. C’était notre médaille de Hinéni.
Suite à la Guerre de Yom Kippour, dans laquelle de nombreux soldats israéliens avaient été grièvement blessés, je sus que je devais agir. Je demandai à mon mari, Rav Méchoulem HaLévi Jungreis, qui était non seulement un merveilleux rabbin, mais également un artiste talentueux, de fabriquer une médaille spéciale pour les soldats. Une médaille portant le nom de notre organisation, Hinéni, un terme emprunté à la Torah et qui signifie : « Je suis là, prêt à servir mon D.ieu et mon peuple. »
Mon mari a créé une magnifique médaille et Hachem m’a dirigé vers un merveilleux Juif yéménite, joaillier de profession. Il accepta généreusement de concevoir bénévolement 1000 médailles en argent à distribuer aux soldats blessés en Israël.
Lors de ma visite en Israël après la guerre de Yom Kippour, l’infirmière en chef de l’hôpital me demanda si je voulais rendre visite à un jeune homme aux urgences. Il avait été grièvement blessé dans un tank dans le Golan. Il était difficile de le regarder, il souffrait d’horribles blessures. Je me rendis à son chevet et lui annonçai que j’avais un cadeau témoignant de l’appréciation du peuple juif pour son incroyable sacrifice en faveur de notre terre et notre pays.
Je plaçai la médaille sur la table de nuit à côté de son lit.
« Reprenez-la », répondit-il d’un air abattu.
« Non, rétorquai-je, je ne la reprends pas. Je la laisse ici car un jour tu rencontreras une jeune fille et tu lui offriras en tant que cadeau de fiançailles. »
Il s’effondra et se mit à pleurer. « Ne jouez pas avec moi, Rabbanite. Personne ne voudra m’épouser. Je ne suis plus un homme. »
« Tu as raison, répondis-je, tu n’es pas un homme, mais un Malakh Hachem - un ange de D.ieu. »
« Evitons les sarcasmes », répondit-il.
« Non, je le pense vraiment, rétorquai-je. Sais-tu pourquoi tu es un ange d’Hachem ? Car il est écrit que lorsqu’Hachem a promis la terre à Avraham Avinou en tant qu’héritage éternel, Avraham a demandé : "Comment le saurais-je ?"
Notre première réaction à la lecture de tels propos est celle d’une profonde surprise. Comment était-ce possible ? Comment Avraham, le paradigme même de la foi, pouvait-il interroger D.ieu ?
D’après nos sages, Avraham n’a jamais douté de la promesse d’Hachem. Ce qu’il demandait, c’était une garantie que, même si ses descendants oubliaient et abandonnaient l’alliance, la terre leur appartiendrait encore à perpétuité. En bref, il implorait une promesse inconditionnelle que la terre serait pour toujours l’héritage et le patrimoine du peuple juif.
La réponse donnée par D.ieu a été les Korbanot, les sacrifices. »
A ce moment-là, je plongeai mon regard dans le sien et déclarai : « Tu as fait le sacrifice ultime. Tu es vraiment un ange de D.ieu. Je te laisse ici cette médaille, et, un jour, tu trouveras une jeune fille à qui la donner. Tu lui diras ce que je t’ai dit. Tu promettras de partager avec elle ta portion dans le monde à venir. Et cette médaille est symbolique de cela. »
Et sur ces mots, je partis.
Un an plus tard, je revins en Erets Israël et ma première intervention était prévue dans un centre de réhabilitation pour les soldats blessés. A la fin de mon discours, on poussa un jeune homme en fauteuil roulant vers la scène pour m’offrir des fleurs.
« Me reconnaissez-vous, Rabbanite ? », me demanda-t-il. Il montra du doigt une douce jeune fille derrière son fauteuil roulant. « Je vous présente ma fiancée », me dit-il avec un large sourire.
Je la regardai et vis la médaille - la médaille de Hinéni. J’eus du mal à y croire. Je pris une profonde inspiration et remerciai Hachem.
Retour sur notre visite en Israël après le massacre de Har Nof. Nous étions dans la chambre de Yoni et mon assistante me rappelait l’histoire du soldat de la guerre de Yom Kippour en me tendant la médaille. Je la donnai à Yoni avec une Brakha et lui demandai de m’inviter à son mariage.
Nous avons récemment reçu un e-mail du rabbin qui avait établi le contact à l’origine entre nous. « Baroukh Hachem, écrivait-il, notre Yoni est sorti du coma ! » Et quelques jours plus tard, nous avons reçu des photos de Yoni à sa Sé’oudat Hodaya, le repas de remerciements offert à D.ieu par les personnes ayant échappé à un danger.
J’observai les photographies et vis Yoni sur l’estrade remerciant Hachem pour Ses nombreux miracles et bontés.
J’examinai les clichés et repensai à ce que j’avais dit à Yoni sur une jeune fille qui l’épouserait un jour. Et je sus que, très bientôt, je recevrais une invitation au mariage de Yoni et que nous assisterions tous à l’accomplissement de la remarquable prophétie : « Od Yichama Béharé Yéhouda - qu’on entende bientôt les sons de l’exaltation et de l’allégresse retentir dans les villes de Yéhouda et les ruelles de Jérusalem, les voix du ‘Hatan et de la Kalla. »
Yoni, prépare-toi, j’invite tout le peuple juif à ton mariage.