Je voudrais me concentrer dans cet article sur la crise qui touche de nombreuses familles dont les enfants mariés rentrent à la maison pour les fêtes avec leur famille. Nos lectrices ont exprimés leur frustration devant l’attitude de leurs filles et belles-filles qui se sentent en vacances lorsqu’elles rentrent à la maison pour le Yom Tov. Elles ont en particulier évoqué le manque de sensibilité de leurs enfants qui agissent comme s’ils se trouvaient dans une station balnéaire qui propose des services de nettoyage, de repas et de baby-sitting. La question était posée en ces termes : « Comment faire part de notre mécontentement sans porter atteinte à nos relations ? ». J’espère à présent répondre à ce défi.
Mes chères amies,
En premier lieu, je peux vous assurer que votre question ne touche pas uniquement votre famille. Je ne vous le dis pas pour vous réconforter, car je ne crois pas qu’une personne sensée puisse se consoler de savoir que d’autres souffrent de la même difficulté qu’elle. Ma mère, la Rabbanite Miriam Jungreis, de mémoire bénie, était toujours embarrassée lorsqu’on tentait de réconforter une personne souffrante en mentionnant les épreuves encore plus pénibles traversées par d’autres individus. « Est-ce que je suis heureuse de savoir que quelqu’un d’autre a encore plus de problèmes que moi ! », s’exclamait-elle avec irritation.
Je n’ai jamais oublié ses paroles et j’essaie soigneusement d’éviter ce genre de réponses faciles lorsque les gens me confient leurs souffrances. Alors pourquoi le mentionner ? La réponse est simple. Les parents ont l’habitude de se flageller : ça doit être de ma faute, je ne les ai pas élevés convenablement, etc. ! Ce genre d’auto-condamnation peut se poursuivre à l’infini, alors j’aimerais assurer à tous ces parents qui s’accusent de l’insolence de leurs enfants qu’ils n’en sont pas nécessairement responsables, la racine du problème peut se trouver dans des aberrations culturelles, symptomatiques de notre époque.
De nos jours, les gens (il y a toujours des exceptions à la règle) ont une attitude qu’une expression en Yiddish exprime bien : « Es kumpt mir, Cela me revient. J’y ai droit ! ». On a tous les droits et jamais de devoirs.
La gratitude est un concept étranger pour cette génération et des « merci » sincères et authentiques sont rarement entendus. Ajoutez à cela la colossale ‘Houtspa (insolence) qui se manifeste par l’absence de Kiboud Av Vaèm (honorer son père et sa mère).
Ceci dit, essayons de traiter le problème. Certains voudraient recommander aux mères de garder le silence et de s’estimer heureuses que leurs enfants souhaitent rentrer chez eux. « Gardez le silence et ouvrez votre carnet de chèques, recommandent-ils, en citant un proverbe en Yiddish. Il y a des années, les parents enseignaient à leurs enfants à parler. Aujourd’hui, les rôles se sont inversés : les enfants apprennent à leurs parents à se taire. Ils disent : si vous voulez garder votre famille intacte, acceptez-le ! »
Je ne crois pas que nous, le peuple juif, qui avons entendu D.ieu proclamer : « Kavèd… honore ton père et ta mère… » puissions accepter une telle perfidie et un tel compromis à notre héritage au profit d’une société vide et décadente. Au lieu que les parents « ferment la bouche », ils ont la responsabilité de parler et d’enseigner. Bien entendu, il faut prendre des précautions pour s’exprimer de manière positive et constructive, et non de manière destructrice et nuisible.
Suggestions pratiques :
Lorsque vous invitez vos enfants ou qu’ils appellent et annoncent leur intention de passer le Yom Tov avec vous, exprimez-vous avec enthousiasme et joie : « Papa et moi serons très heureux de vous avoir avec nous pour la fête ». De nos jours, les relations parents/enfants ne sont plus, c’est le moins qu’on puisse dire, ce qu’elles étaient il y a des années, de sorte que tout en exprimant votre plaisir de leur visite à venir, il faut aussi souvent énoncer les règles de base… Mais le défi consiste à les énoncer sans offenser vos interlocuteurs.
Après avoir exprimé votre joie à l’idée de leur prochaine venue, demandez-leur ce qui leur ferait particulièrement plaisir pour cette visite. Par exemple, aimeraient-ils que vous leur prépariez un plat particulier ? Quel jouet pourriez-vous acheter aux enfants ? En réalité, ça peut être une question piège, car il se peut qu’ils vous demandent un cadeau qui soit au-dessus de vos moyens. Dans ce cas, ne soyez pas embarrassés de leur dire qu’en cette période de difficultés économiques, vous devez être plus prudents dans vos dépenses. Ainsi, rassurés que vous êtes prêts à tout pour leur assurer un séjour des plus confortables, vous pouvez commencer à les informer des règles de la maison.
Vous pouvez vous exprimer ainsi (bien entendu, chaque famille doit emprunter un langage qui lui convient), par exemple : « Nous n’avons pas de personnel pour nous aider dans les tâches ménagères, nous ne sommes pas non plus dans une station balnéaire où ces services sont facilement disponibles, alors je vais devoir vous demander de l’aide, que ce soit au niveau du ménage, de la cuisine ou du baby-sitting, je fais le maximum, mais je ne peux pas tout assumer toute seule ».
Si votre fille et votre belle-fille séjournent les mêmes jours de fête, avertissez votre fille de s’abstenir de critiquer sa belle-sœur si elle estime qu’elle ne fait pas sa part. De telles remarques peuvent conduire à de graves perturbations familiales qui, que D.ieu préserve, peuvent diviser une famille.
Si, en dépit de votre mise au point, votre fille ou belle-fille ne suit pas les règles fixées, veillez à ne pas la critiquer en présence d’autres personnes ou de vous plaindre à l’une de la conduite de l’autre, car de tels échanges peuvent provoquer de terribles dégâts, avec des ramifications à long terme.
Voici ce que vous devez faire : prenez à part la personne concernée et d’une voix chaleureuse, aimante, avec des mots gentils (ma chérie, ma très chère,…), dites-lui que vous lui seriez reconnaissante de nettoyer lorsque ses enfants font des saletés, de ne pas laisser de couches sales traîner, ou qu’elle s’abstienne d’aller voir des amies pendant qu’elle compte sur vous pour surveiller ses enfants et préparer le dîner… La manière dont vous formulez vos propos, le langage corporel que vous employez, et l’amour que vous diffusez feront toute la différence.
J’ai souvent donné ce conseil à des grands-parents, dont une grande partie était hésitante, craignant de s’aliéner ses enfants. Or, si cette demande est formulée de manière bienveillante et affectueuse, alors enfants et petits-enfants vont apprendre à se conduire avec les grands-parents avec respect plutôt qu’avec un sentiment arrogant d’exigence.
Au final, tous les grands-parents doivent réaliser que c’est leur rôle de mettre en place des limites, et s’ils craignent de le faire, ils doivent être prêts à en assumer les conséquences.
En cette époque pré-messianique dans laquelle l’insolence est très présente, les familles sont divisées, et souvent enfants et parents ne communiquent pas, nous avons tous besoin de l’aide de D.ieu pour recréer nos familles sur les piliers du Chalom Bayit, de l’harmonie familiale.
Avant de conclure, j’aimerais souligner qu’aucune solution miracle ne garantit de bons enfants. Malheureusement, même les meilleures familles qui ne s’épargnent aucun effort pour tout faire le mieux possible peuvent avoir des enfants problématiques, et l’inverse est également vrai. Alors, au bout du compte, en plus de tous les conseils, nous devons prier et demander à Hachem de nous aider à obtenir de la satisfaction de nos enfants.