Nous avons reçu beaucoup de commentaires suite à l'article : "Etre grosse, ronde, un obstacle à son Zivoug ?"
La plupart allaient dans le sens de notre réponse, mais certains ont exprimé le souhait de recevoir des explications supplémentaires.
Le sujet traitait de l’importance pour une jeune fille juive de faire attention à son paraître, même s’il ne s’agit que d’un problème d’excès de poids, afin de trouver plus facilement son Zivoug. De même, une femme mariée devra faire attention à son aspect, afin de continuer de plaire à son mari. Nous avions étayé notre réponse par un texte du Talmud qui abondait dans ce sens.
1. J’aimerais tout d’abord ouvrir ici une parenthèse, pour vous faire partager mon étonnement face aux réactions de l’article : nous avons reçu énormément de retours de femmes qui étaient d’accord avec les conclusions de l’article, alors que, du côté masculin, il y a eu très peu de commentaires et les quelques hommes qui se sont exprimés montraient une certaine réticence à nos propos.
On aurait pensé obtenir le contraire, à savoir que les hommes auraient dû exprimer leur satisfaction et les femmes leur mécontentement.
La seule explication qui s’impose est celle-ci : nous sommes dans une époque que l’on va appeler de « post féministe », à savoir qu’on a baigné pendant des dizaines d’années dans une atmosphère où la femme revendiquait - à juste titre - ses droits, en refusant de continuer à jouer le rôle ingrat et secondaire dans lequel on la confinait.
Cette révolution est, selon certains des plus grands penseurs contemporains, la plus importante des temps modernes et elle a bouleversé les rapports hommes-femmes dans la société. L’institution du mariage a été ébranlée et les rôles, qui étaient jusque là établis, ont subi des transformations radicales.
L’émancipation de la femme, dans la société et dans son couple, a provoqué parallèlement un malaise chez l’homme. Plus que cela, l’homme d’aujourd’hui a peur : peur d’exprimer son point de vue dans un domaine où il va être perçu comme misogyne, peur de prendre certaines initiatives dans son foyer au risque de déclencher la colère de sa femme, peur même pour un jeune homme de courtiser une jeune fille, car il risque d’être accusé de harcèlement.
En fait, le féminisme, s’il a permis d’un côté à la femme de sortir de sa condition d’être exploitée et « inférieure », a également fragilisé et déstabilisé le positionnement de l’homme. La femme d’aujourd’hui est l’égale de l’homme, en effet, mais elle se trouve devant un homme désemparé et entamé dans son identité. Lorsqu’elle réclame de son mari des comportements « d’homme », elle peut être confrontée à des réactions timorées, sans initiatives, qui ne sont autres que l’expression d’une démission de l’homme de son rôle réel.
Ces comportements quelque peu « dénaturés » de l’homme et de la femme en occident ont amené beaucoup de non-juifs à rechercher leur conjoint au-delà de leurs frontières, vers des civilisations qui n’ont pas subi l’influence de l’occident. Ils cherchent, malgré les différences culturelles et socio économiques, à partager leur vie avec des individus bien positionnés dans leurs identités.
En quoi cela nous concerne-t-il, nous, les juifs, qui avons la Torah comme référence de mode de vie ?
En effet, comme le relève le Rav Chlomo Wolbe dans son « Guide pour les ‘Hatanim » (rapporté dans le Guide de la Techouva éd. Torah-Box, page, 257), le féminisme a pénétré très profondément même dans les milieux les plus protégés et les plus conservateurs du judaïsme.
C’est une donnée que chaque ‘Hatan (fiancé) doit prendre en considération, sans quoi il risque de mal gérer son couple. C’est, de façon générale, toute la problématique de savoir comment « vivre le Judaïsme selon son époque », sur lequel nous reviendrons plus loin.
Mais pour conclure notre analyse, nous observons qu’après l’ère du féminisme, de l’acquisition d’égalité et de liberté par la femme, cette dernière aspire aujourd’hui à retrouver sa féminité perdue et revenir à sa nature profonde, délicate, raffinée, soucieuse de son paraître et même parfois… vulnérable. Le problème auquel elle va être confrontée est qu’elle ne trouve plus de partenaire à son évolution, souvent l’homme étant resté figé dans sa position défensive et empêchant la possibilité d’un retour à une relation que l’on va appeler normale.
C’est ainsi que je perçois la réaction de nos internautes.
2. Rav Chlomo Wolbe écrit dans son livre « ‘Alé Chour » (chap. 2, p. 54 / Guide de la Techouva éd. Torah-Box p. 483) :
« Il faut savoir reconnaître que l’époque dans laquelle la personne vit fait partie de son essence. La génération où l’on est né constitue notre réalité et c’est là que se trouvent notre tâche et notre réussite. Chaque génération a des qualités et des défauts. Nous devons combattre les imperfections de la génération dont nous savons atteints, mais rester néanmoins membres de notre génération… Notre génération représente le cadre de notre vie au plan spirituel également, et il ne fait pas de doute que D. ieu a accordé à chaque génération la capacité d’atteindre sa propre perfection. »
Il est clair qu’au niveau de la loi juive (la Halakha), les changements d’époque n’ont aucun impact et la Torah reste immuable.
Par contre, au niveau du vécu, il faut bien définir « l’air du temps » et de quoi est constituée notre époque : ses défis, ses pièges, ses attraits et ses dangers. On trouvera dans ce même livre précité (Guide de la Techouva p. 483 et suivantes) les conséquences pratiques de cette prise de conscience dans le cadre du couple.
3. Cette analyse va également nous servir à justifier nos propos dans l’article « Etre grosse… ». Les intervenants étaient en général d’accord sur l’importance du paraître chez une femme, comme le relevait dans son commentaire Mme Elyssia B. : « …Une femme s’attarde moins sur le physique lorsqu’elle recherche un conjoint. Elle privilégiera ses qualités plus que son aspect physique... Ce qui n’est pas le cas en sens inverse : les hommes sont faits ainsi, ils ont absolument besoin qu’une fille soit jolie à leurs yeux pour l’épouser. C’est quelque chose de difficile à comprendre pour une jeune fille mais elle doit le savoir. »
La question va être de savoir si le fait d’avoir un excès de poids est considéré comme disgracieux ou non. La réponse est que cela reste une appréciation subjective dépendante des modes et des critères d’esthétisme du lieu et de l’époque.
Pour illustrer mes propos, replaçons-nous il y a 150 ans en Afrique du Nord, où le mot d’ordre et la bienséance demandaient à une jeune fille d’être bien (et même très bien) enveloppée, pour trouver un parti. Les témoignages écrits de l’époque rapportent qu’à partir de l’âge de 14, 15 ans, on commençait à gaver les jeunes filles comme des oies pour qu’elles grossissent.
Aujourd’hui, l’occident impose la minceur comme critère de beauté et la communauté juive est influencée par ce fait. Ensemble, éducateurs et Rabbanim de jeunes gens le savent bien : 90% des jeunes, même s’ils ont grandi dans les valeurs juives et dans des établissements toraniques, exigent ce critère pour leur future promise. De même, des maris se plaignent auprès de nous de l’excédent de poids de leur femme (et de façon générale du changement drastique de leur attrait après quelques années de mariage). Ces maris ne l’expriment pas toujours ouvertement à leur épouse, mais nous, nous le savons.
Doit-on se taire devant cette situation ou au contraire en parler afin de tenter d’arranger les choses, quitte à entamer une polémique ? Devant ce dilemme, la raison demande d’ouvrir le débat et d’en parler.
Comme nous l’avons vu dans leurs commentaires et leurs réactions, les femmes, de par leurs qualités d’introspection, de recherche du Emet (vérité), et de remise en question, savent déceler le vrai du faux, et sont prêtes à repenser leur position dans l’intérêt du Klal Israël.
Est-ce que les hommes sont prêts eux aussi à relever les défis de l’époque ?
A bon entendeur…