Une infirmière, employée depuis plus de vingt ans dans la même clinique médicale à Jérusalem, arriva un jour au travail et son apparition suscita des regards étonnés.
Orna se couvrait la tête ?!
Ses collègues étaient suffisamment polies pour éviter de mentionner ce changement visible, mais elles brûlaient de curiosité. Orna était le prototype de la femme du Kibboutz, élevée sans la moindre idée du judaïsme, et son intérêt pour le judaïsme et la tradition était quasi-nul. Qu'est-ce qui avait pu la motiver à commencer à se couvrir les cheveux ?
Les changements se succédèrent les uns à la suite des autres, à un rythme rapide. Des jupes et robes remplacèrent ses pantalons, des hauts à manches courtes étaient remplacés par des tenues pudiques, et elle mentionna un jour qu'elle n'avait pas pu participer à un événement familial, qui avait lieu un Chabbath. Tout le monde était curieux de savoir ce qui avait stimulé ce changement dans la vie d'Orna, mais personne n'osait lui poser de question, craignant de porter atteinte à sa vie privée.
Un jour, alors qu'un calme relatif régnait à la clinique et que plusieurs des membres de l'équipe prenaient leur pause déjeuner ensemble, Ruti, la réceptionniste religieuse, interrogea Orna sur ses projets pour le Chabbath suivant.
Orna répondit qu'elle accueillait sa fille mariée et son mari. Voyant Orna exceptionnellement détendue, Marta, une autre infirmière, osa aborder le sujet de son parcours spirituel. À leur grande surprise, Orna se proposa de raconter son histoire.
« Tout commença lorsque ma seconde fille commença à s'intéresser au judaïsme et devint Ba'alat Téchouva. Au départ, j'étais furieuse, incapable d'accepter sa trahison. Mais comme je l'observais de loin, je remarquais que ce n'était pas seulement son apparence extérieure et son régime alimentaire qui avaient changé, mais toute son attitude avait subi une transformation, et sans aucun doute, c'était un plus ! D'une enfant gâtée qui estimait que tout lui était dû, elle était devenue une travailleuse acharnée et était reconnaissante de ce qu'elle recevait. Son style vestimentaire de type grunge, que j'abhorrais, avait été remplacé par de jolies tenues pudiques, qui rappelaient celles d'une princesse. Elle se conduisait avec respect avec chacun, parlait calmement et avait tant de considération pour tout un chacun que je ne pus m'empêcher d'admirer le changement qu'elle vivait. Ce qui me fit le plus chaud au cœur, c'était l'éclat de joie qui brillait dans son regard, elle était tellement heureuse... Remarquant cet incroyable éclat, symbolique de la présence divine qui régnait en elle, elle m'inspira et je commençai à l'imiter. »
« Mais qu'est-ce qui incita votre fille à introduire ces changement significatifs dans sa vie ? » demandèrent ses collègues. Elles évitèrent, avec tact, d'ajouter que le foyer d'Orna n'avait pas été un modèle de valeurs juives positives.
« C'est une longue histoire, répondit Orna en souriant. Mais je vais vous révéler un secret : dans mon for intérieur, j'avais toujours su qu'un jour, un de mes enfants trouverait la voie pour revenir vers le judaïsme… »
Peu d'entre vous ont travaillé suffisamment de temps ici pour vous en rappeler, mais il y a de longues années, une femme âgée avait l'usage de se rendre ici une fois par semaine pour un examen standard. Alors qu'elle était assise et attendait les résultats, elle tenait en main un petit Sidour en cuir et priait. Ses lèvres bougeaient sans cesse et ses prières étaient inaudibles, mais il était impossible de ne pas être inspiré par ses prières sérieuses et ses supplications qui émanaient du plus profond de son cœur – ainsi que de la joie qui irradiait de son visage lorsqu'elle communiquait avec le Maître de l'univers.
Bien que je fusse, comme vous le savez toutes, une fière membre laïque du Kibboutz, aussi éloignée du judaïsme que possible, cette scène suscitait des émotions profondes en moi chaque semaine. Je n'avais aucun doute dans mon esprit que cette femme était authentique, et que ses prières, émergeant d'un cœur pur et noble, étaient entendues dans le Ciel.
Un jour assez calme à la clinique, Mme Meisels était assise dans la salle d'attente, patientant avant son examen avec son fidèle Sidour en main. Une fois son tour arrivé, je ne pus me retenir de l'interroger sur ses prières. Avec un sourire chaleureux, elle ouvrit le Sidour et commença patiemment et passionnément à décrire le concept et l'essence de la prière, ainsi que les lois principales liées aux prières journalières.
« Trois fois par jour, dit-elle, les Juifs sont debout en prière devant leur Père céleste, ils Le louent et L'implorent pour tous leurs besoins et expriment leur reconnaissance pour les miracles constants qu'Il opère à chaque moment de la journée. »
Elle expliqua également que le Chabbath, les jours de fête et Roch 'Hodèch, nous récitons des prières différentes qui correspondent à ces moments-là. J'avais de nombreuses questions, auxquelles elle répondit patiemment une après l'autre, expliquant qu'au fil des époques, les Juifs se sont tournés vers la prière, comme un recours naturel, que ce soit en période de joie ou de tristesse, de danger ou de maladie. D.ieu entend les prières de chaque Juif, où qu'il se trouve. Elle me fit découvrir l'un des ouvrages les plus sacrés, les plus aimés et les plus utilisés de la littérature juive au fil des générations : le Sidour.
Ses propos pénétrèrent profondément en moi, et je ressentis un attachement avec ce livre sacré, qui, d'après Mme Meisels, était mon héritage tout autant que le sien. Nous continuâmes la conversation jusqu'au moment de l'examen. Tout au long de la journée, mes pensées se focalisèrent sur Mme Meisels et son Sidour en cuir, et le souvenir de notre conversation refusait de passer au second plan ; au fur et à mesure de la semaine, j'y pensais sans relâche.
Vers la fin de la semaine, j'attendis avec impatience sa venue pour son rendez-vous hebdomadaire. Malheureusement, elle ne se sentit pas bien cette semaine-là et ne vint pas à la clinique, et je fus contrainte d'attendre une longue semaine interminable jusqu'au rendez-vous suivant.
En entrant dans la salle d'attente, je luttai pour maintenir mon calme alors que je déclarai aussi nonchalamment que possible – sachant que j'étais encore une fière Kibboutsnikit : « J'ai été très inspirée après notre discussion d'il y a deux semaines et j'ai décidé que j'aimerais aussi prier. »
Le regard de Mme Meisel s'illumina, mais je me hâtai de tempérer son enthousiasme. « Je ne vais pas prier comme vous, mais j'ai pensé m'engager à réciter une page de prière par jour. Seriez-vous en mesure de choisir la page que vous pensez la plus adaptée ? »
Ma tentative de tempérer sa joie fut un flop, et enchantée par cette opportunité, elle me demanda de l'accompagner dans le bureau, où elle photocopia une page de son Sidour, en agrandissant la page afin que je puisse facilement lire les mots et prier chaque jour.
L'un des passages sur cette page était une prière pour la réussite des enfants dans la Torah : « Puissions-nous, ainsi que nos enfants, et les enfants de nos enfants, et les descendants de Ta nation la maison d'Israël, connaître tous Ton Nom et étudier Ta Torah Lichma… »
Aujourd'hui, je sais qu'il s'agit d'un passage de la Birkat Hatorah, mais à cette époque, j'avais le sentiment qu'il s'agissait d'une prière rédigée spécialement pour moi, qui libéra une prière logée au plus profond de mon cœur. En récitant les mots, je savais qu'ils monteraient droit vers le trône céleste et qu'un jour, ils atteindraient leur but, et que mes enfants suivraient la voie vers la Téchouva.
C'est pourquoi je ne fus pas du tout surprise lorsque ma fille devint religieuse et épousa un élève de Yéchiva, un Ba'al Téchouva comme elle, et qu'ils fondèrent un foyer imprégné de Torah. En observant la joie et l'énergie spirituelle émanant de son foyer, qui rappelle la joie de Mme Meisels, je ne pus rester indifférente. Doucement mais sûrement, je commençai à suivre leur voie vertueuse et désormais, à l'âge de soixante-trois ans, je suis également revenue vers mon héritage…