Dans cette série, nous avons vu que de nombreuses actions que l’on pense permises constituent en réalité une forme de vol. Une autre forme de conduite qui entre dans cette catégorie est le fait de dépasser tout le monde qui attend en file. On s’accordera à reconnaitre que cette conduite n’est pas des plus admirables, mais en réalité, c’est vraiment interdit.

Certaines autorités sont d’avis que dépasser tout le monde dans la file revient à voler.[1] Agir ainsi ne revient pas à voler les personnes qui font la queue, mais à voler le propriétaire du magasin ou de l’institution. En effet, nous pouvons supposer que le propriétaire du magasin souhaite que tout soit fait dans l’ordre, pour que les clients soient servis de manière organisée. En conséquence, quelqu’un qui passe devant tout le monde utilise l’espace appartenant au propriétaire contre sa volonté - et cette attitude est considérée comme une sorte de vol.[2] D’autres estiment qu’une autre transgression entre en jeu ici, la Hassagat Gvoul, c’est-à-dire empiéter sur les droits de quelqu’un d’autre à être servi.[3]

Or, le propriétaire d’un magasin ou directeur d’une institution a le droit de servir un client en premier même s’il est au bout de la queue. Par exemple, si le directeur d’une banque aperçoit un client privilégié au bout de la file, il pourra choisir de le faire venir au tout début de la queue.   

On a le droit de garder une place dans la queue pour un ami, mais on ne pourra pas garder deux places, l’une pour soi et l’autre pour un ami.

Certaines personnes ont l’habitude de placer les achats qu’ils ont sélectionnés jusqu’à présent dans la queue puis continuent leurs courses, tout en gardant leur place dans la file. Si le client n’a pas agi ainsi délibérément, mais se trouvait dans la file et s’est soudain rappelé qu’il devait acheter un ou deux autres objets, nous pouvons présumer que les autres clients (et le propriétaire du magasin) n’y verront pas d’objection. Mais si un client laisse délibérément ses achats dans la file, puis achète de nombreux autres objets, les autres clients s’opposeront certainement de devoir attendre bien plus longtemps que prévu lorsqu’ils se sont mis à cette file.[4]

Nous avons vu au cours des derniers mois que prendre des objets ou de l’argent de manière malhonnête constitue au moins une transgression des lois de la Torah.[5]

Outre la gravité de transgresser des lois de la Torah, il existe une autre conséquence grave pour la personne qui vole. Un individu est parfois tenu de témoigner dans les tribunaux juifs,[6]mais pour être un témoin valable, il faut répondre à un certain nombre de critères. L’un d’eux est que si l’on a transgressé délibérément des lois de la Torah liées au vol, et qu’on ne s’est pas repenti pour ses actions, on ne peut servir de témoin valable. 

Ceci s’applique particulièrement à une autre situation - être témoin à un mariage. Pour qu’un couple soit marié conformément à la Loi juive, la signature du contrat de mariage (Kétouba) et la consécration du mariage (Kidouchin) doivent être attestés par deux témoins valides. Quelqu’un qui a volé en connaissance de cause sans se repentir n’est pas apte à être témoin. En conséquence, si on a le moindre doute sur une transaction, ou que l’on a un doute sur des biens acquis qui pourraient être considérés comme du vol, on ne devra pas accepter l’honneur d’être témoin d’une Kétouba et des Kiddouchin.[7] 

Mais quelqu’un qui a volé par ignorance de la loi n’est pas considéré comme illégitime pour servir de témoin. Par exemple, il est malheureusement fréquent que certains pensent qu’il soit permis de voler les non-Juifs. En conséquence, quelqu’un qui aurait agi par ignorance n’est pas invalide pour être témoin.

De plus, comme nous l’avons mentionné plus haut, si la personne coupable s’est repentie de ses actions convenablement, il pourra alors redevenir un témoin légitime. Dans le processus de repentir, il convient de restituer l’argent ou l’objet pris de manière illicite.[8]


[1] Ceci est décrit comme Avak Guézel: la poussière de vol. Cela signifie que cet acte n’est pas exactement identique au vol, mais s’y apparente d’une certaine manière.

[2] Voir Bodner, p.78, note 219.

[3] L’interdit de Hassagat Gvoul sera abordé dans une future série, avec l’aide de Hachem.

[4] Il n’est pas clair si une telle conduite constitue du vol, mais ce n’est certainement pas une manière idéale d’agir.

[5] Voir Tu ne voleras point, première partie, pour une indication des Mitsvot spécifiques que l’on transgresse en volant.

[6]C’est le Beth Din : un tribunal appliquant la Loi juive où les conflits sont résolus conformément à la Loi juive. De manière générale, un Juif est obligé de se tourner vers un Beth Din, plutôt que les tribunaux laïcs, mais il y a de rares exceptions à cette loi : il faut consulter un Rav orthodoxe pour chaque cas spécifique. 

[7] Jusqu’à ce qu’il se repente convenablement : voir plus bas dans le texte.

[8] Les prochaines semaines, nous aborderons les détails spécifiques liés à la manière de restituer des objets perdus.