Nathanel Barhen a perdu ses parents à l’âge de 9 ans, un âge où l’on est loin d’avoir forgé sa personnalité. Il était chez sa grand-mère quand elle lui annonça la nouvelle : « Il est arrivé quelque chose à tes parents dans l’avion qui devait les transporter du sud au nord de l’Amérique. Je serais toujours là pour toi, mon enfant. »

Nathanel avait compris que cela impacterait sa vie, le voici orphelin, fils unique, sa grand-mère était âgée… Il avait entendu parler de son oncle qu’il connaissait à peine.

Nathanel se jeta dans les bras de sa grand-mère et pleura longtemps. Il ne pouvait même pas appeler son père ou sa mère qui n’étaient plus. Il se sentait seul au monde.

Les services sociaux se présentèrent le jour même, une assistante sociale finit par le contraindre d’intégrer un internat. La grand-mère ne survécut pas à ce drame, elle mourut trois mois plus tard. Nathanel pleura son sort de nouveau… L’assistante sociale lui trouva les coordonnées de son oncle, sa seule famille… Il l’appela :

- Oncle Samuel, c’est Nathanel, on m’a dit que tu étais à l’étranger.

- Oui, en effet.

La voix de Samuel était froide et distante…

- Oncle Samuel, je voulais juste prendre de tes nouvelles…

- Voilà, c’est fait, à bientôt Nathanel, je suis pressé.

Nathanel, 9 ans, scolarisé dans un établissement pas très sûr de par la composition de ses élèves, sans famille, pleure sans savoir à qui il pourrait s’adresser pour demander de l’aide.

Au même moment, sa peine se transforme en haine farouche pour cet oncle qui physiquement lui rappelle son père. Cette haine va s’amplifier. Nathanel décide qu’un jour il se vengera de celui qui l’a abandonné à son triste sort, sans jamais prendre de ses nouvelles.

Le temps passe et Nathanel se dégrade, il devient un véritable petit délinquant… Il vole, il intimide… De temps à autre, il se remémore l’échange téléphonique avec son oncle, pleure et jure de se venger.

À sa majorité, il se retrouve dans la rue avec ses règles qu’il affectionne. Il passe pour être un voleur expérimenté : il arrache des sacs à main, dérobe des biens dans les poches des passants, les appartements, et même les villas.

Il sait depuis toujours que son oncle possède une grande maison dans l’un des quartiers huppés de Kfar Chmaryahou… En réalité, il a toujours rêvé de s’y rendre pour enfin exécuter sa vengeance… Il s’y sent prêt.

Nuit de pleine lune, Nathanel n’a aucune difficulté à localiser la maison, il y pénètre sans encombre. Le jardin semble abandonné, personne n’est là. Il casse une fenêtre et découvre la maison… Tout y est poussiéreux, des toiles d’araignées entravent les passages.

Il repense à cet oncle absent et son cœur se remplit de haine… Il baisse les fenêtres, casse les meubles avant de laisser un petit mot sur une vieille commode : « Pleure Samuel, de la part de quelqu’un qui t’aime ». Nathanel quitta les lieux quelque peu soulagé de sa colère.

Quelques jours plus tard, lors d’un autre vol avec effraction, il fut arrêté par la police et traduit devant un juge, qui fut surpris par son attitude et ses propos :

- Monsieur le juge, je ne mérite qu’une chose, que vous me jetiez en prison. Perdre mes parents ne peut justifier mes actes… Je ne veux pas d’avocat, je mérite de croupir en prison…

Le juge comprit qu’il avait là un cas particulier, fort de sa longue expérience, il décida de soumettre Nathanel à des travaux d’intérêt général dans un Kibboutz du nord d’Israël…

Nathanel joua le jeu, s’impliqua dans les tâches qui lui étaient confiées et de façon probante. Il fut bientôt apprécié de tous, mais préféra la compagnie des animaux dont il avait la charge : « Au moins, eux, sont reconnaissants et inoffensifs », se disait-il souvent.

Un jour, il fit la connaissance d’un jeune rabbin dépêché par le Rabbinat local pour inspecter les lieux à l’approche de la fête de Pessa’h et son cortège d’obligations supplémentaires en matière de Cacheroute.

Le Rav Mordekhaï Zimerman était devenu le confident de Nathanel. Il lui parla souvent de la vision juive des épreuves que l’on peut rencontrer dans sa vie. Il ne fit jamais aucun reproche à Nathanel, au contraire, il lui expliqua que tout est pardonnable et que D.ieu n’attend qu’un geste de nous pour nous prendre dans Ses bras. Nathanel fut sensible aux propos de « son Rav », comme il disait. Il se livra à lui complètement, lui racontant dans le détail ses méfaits, l’épisode de la villa de son oncle, et tout le reste…

Un jour, le Rav Zimerman proposa à Nathanel de l’accompagner pour une bonne action, dans une maison de retraite.

Lorsqu’ils arrivèrent, le Rav fut accueilli par les gens sur place avec beaucoup d’enthousiasme. Il leur rendait souvent visite, leur chantait des airs entraînants, leur offrait des cadeaux…

Il leur présenta Nathanel qui fut applaudi et qui participa bien volontiers à la joie ambiante.

Une heure plus tard, le Rav prit le bras de Nathanel pour le conduire auprès d’un monsieur âgé portant une paire de lunettes aux verres fumés et épais…

Nathanel le salua :

- Bonjour cher monsieur, comment allez-vous ?

- Moyennement bien, je ne vois plus, je ne marche plus… Ma vie a été marquée par des erreurs, pire : des fautes… Me voilà seul au monde…

- Vous n’êtes pas seul, nous serons là pour vous… Puis, vous oubliez le Tout-Puissant, c’est notre Père, Il ne rejette jamais personne !

Nathanel lui conta sa vie, ses drames, avant d’observer qu’il pleurait, sanglotait… il poursuivit :

- Mais pourquoi pleurez-vous ? Je ne pleure plus depuis longtemps grâce à D.ieu. Grâce au Rav, j’ai fini enfin par accepter ma vie…

Le vieil homme leva la main comme pour demander la parole, puis dit : « Mon Nathanel, mon cher Nathanel, je suis ton oncle, l’indigne Samuel… Sauras-tu me pardonner ? »

Nathanel blêmit… et l’oncle poursuivit : « Nathanel, le jour où tu m’avais appelé, j’étais recherché par des personnes peu fréquentables, je devais échapper à leurs griffes… J’ai passé une bonne partie de ma vie à fuir ces gens. J’y ai perdu tout mon argent et aussi ma santé. Regarde Nathaniel ce que je conserve précieusement dans ma poche, c’est un testament, et ton nom y figure, surtout que la mort rôde autour de moi, je garde ce document sur moi qui te lègue la seule chose qui me reste : ma maison de Kfar Chmaryahou. »

Nathanel pleure… Il pleure sa vie, il pleure son oncle, il pleure ses actes…

« Mon oncle, tu es pardonné… Nous allons rattraper le temps perdu, rassure-toi… »

Le Rav Zimerman assiste à la scène, il lève les yeux pour remercier le Tout-Puissant d’avoir provoqué ce miracle.

Le soir même, l’oncle Samuel s’éteint, mais D.ieu a voulu régler un « petit problème » avant.

Aux dernières nouvelles, Nathanel est marié, père de deux enfants, il habite Kfar Chmaryahou, et a enfin trouvé la sérénité.