La vision de nos Guedolim est remarquable. Ils savent voir plus loin, plus profondément et même au-delà du temps, répondant ainsi au critère de nos Sages qui disent : « Qui est l’homme intelligent ? Celui qui voit l’à-venir » (Haroé Ete Hanolad).
Eux seuls savent, forts de l’immense connaissance des lois juives qu’ils ont amassée, et de l’intelligence de cœur et d’esprit qu’une étude intensive de la Torah leur a donnée, comment répondre à des questions complexes en prenant en compte toutes les données de celui qui vient les interroger.
Ils sont l’incarnation de la Torah, elle palpite dans leur cœur, elle respire par leurs poumons et elle répond par leur bouche. Ils en sont le conduit le plus parfait et le plus épuré en ce monde. Les voir se comporter, c’est lire dans le livre ouvert de la Sagesse.
A l’occasion du grand rassemblement annuel de Lev Léa’him (organisme de rapprochement des juifs éloignés à la Torah, dirigé par le Rav Sorotzkin, qui réunit des centaines d’Avrekhim qui parcourent le pays pour rapprocher leurs frères de la tradition), le Rav Hagaon, Rav Zylberstein, invité d’honneur, répond à des questions de Kirouv actuelles, étonnantes, s’appuyant sur l’énorme connaissance et expérience qu’il possède dans ce domaine. Il est lui-même le beau-frère du Gadol Hador, Rav 'Haïm Kanievsky.
Écouter, c’est se délecter :
Question :
Durant la longue période de confinement due au Corona, où des Minyanim (groupes de prière de 10 hommes) se créent à l'extérieur, il arrive que des jeunes en processus de rapprochement de la religion montent sur l’estrade pour diriger la prière de Min’ha (prière de l’après-midi) mais leurs vêtements ne sont pas conformes à la loi : sandales ouvertes, shorts, etc. Peut-on leur permettre, vu leur statut de Mitkarvim, de diriger l’office ?
Réponse du Rav Zylberstein :
« Je voudrais rapporter ici une histoire à ce sujet.
Juste après la Deuxième Guerre mondiale, l’Admour Rabbi Chlomo de Babov se rendit un Chabbath à la synagogue et en chemin, il croisa un juif rescapé de l’enfer, assis sur un banc, en train de fumer. L’Admour s’approcha de lui et lui dit : ”As-tu déjà prié Cha’harit (prière du matin) ?” L’homme ne répondit pas, continuant à fumer. Le Rabbi continua : ”Il nous manque un bon ‘Hazan, pourrais-tu diriger l’office ?” Vraisemblablement, les mots du Rav firent leur effet car le juif suivit l’Admour et dirigea l’office, au contentement de tous les fidèles. Le Rabbi le remercia et l’homme se retira.
Le Chabbath suivant, à nouveau le Rabbi passa par le même chemin et à nouveau il rencontra le rescapé en train de fumer. Même question, même acquiescement mais cette fois, après la prière, le fils de l’Admour, Rabbi Naftali, interrogea son père : “Père, cet homme désacralise le Chabbath aux yeux de tous (Béfaressia), comment lui permets-tu de rendre quitte toute l’assemblée ?”
Le saint Rabbi répondit : “Mais non, ce n’est pas lui qui désacralise le Chabbath, c’est Hitler qui désacralise, que son nom soit effacé !”
Encore une semaine passe, même scénario, même rencontre, même prière et même question du fils à son père. Cette fois, le seul changement sera : “Mais non, mon fils… ce n’est pas lui qui fume le Chabbath, c’est la Gestapo qui fume. C’est elle qui désacralise !”
Puis, le rescapé ne se fit plus voir. Comme volatilisé.
Bien des années plus tard, un homme portant des vêtements de ‘Hassid, entouré d’enfants au visage radieux et encadré de longues papillotes se présenta devant l’Admour : “Kvod Harav, vous souvenez-vous de moi ? Je suis l’homme qui fumait sur le banc, sur le chemin de la synagogue.” Puis montrant ses enfants, il dit au Rabbi avec émotion : “Ces enfants sont les vôtres, et moi aussi je suis votre fils. Par le mérite de vos paroles réconfortantes et du fait que vous m’avez rapproché, je suis devenu ‘Hassid Babov et j’ai repris la pratique des Mitsvot.” »
« L’Admour avait vu que si l’on ne rapprochait pas ce juif, il serait à jamais perdu pour le ‘Am Israël. Si le Rabbi a compris l’homme qu’il avait en face de lui et son drame, s’il lui a tendu la main pour le sauver de l’abandon de la Torah et ce, bien qu’il enfreignait le Chabbath, et s’il l’a fait monter au ‘Amoud, alors à plus forte raison des jeunes en processus de Téchouva, même habillés de façon non conforme à la loi stricte, peuvent se porter ‘Hazan et diriger une prière », conclut Rav Zylberstein.
Dans une autre question que l’on aurait crue plus triviale, le Rav Zylberstein explique que d’aucune manière on ne peut faire la moindre concession, même s'il s’agit également de rapprocher des juifs éloignés de la pratique. De quoi s'agit-il?
Question :
Une communauté de personnes éloignées de la Torah a demandé à leur rabbin s'ils pouvaient fêter les anniversaires de décès à deux reprises, à savoir à la date hébraïque et à la date civile. La date civile étant très proche de leur cœur, plus parlante, le rabbin demande si l’on peut agir ainsi et les attirer de cette manière à la synagogue où ils entendront des paroles de Torah, pourront prier et se rapprocher de la synagogue.
Réponse du Rav Zylberstein :
« D’aucune façon ce n’est permis, malgré l'énorme importance du Kirouv. C’est une distorsion grave. Les gens peuvent, si l’on autorise une telle chose, en venir à fixer les dates de Bar-Mitsva ou des fêtes juives en fonction du calendrier civil et il n’existe pas de falsification plus grande. Pour un juif habitué aux dates civiles, on peut très bien lui dire par exemple que la lecture de la Parachat Zakhor aura lieu le 1er mars, pas de problème. Mais fixer intentionnellement les dates d'anniversaire de décès selon les dates non juives et s’y référer, c’est absolument interdit ! Dans ce cas-là, aucune concession n’est possible. Au lieu de les en rapprocher, une telle attitude éloignerait les juifs de la tradition millénaire. “
Seuls nos Guedolim, appelés d’ailleurs les yeux de notre nation, sont à même de voir les conséquences d’une décision et toutes les répercussions possibles à très long terme.
Par leur vision humaine, englobante, prenant sa source dans une monumentale érudition, les Géants de la Torah savent quand permettre et quand interdire, et tracent sur terre la voie de la vérité et du bien en une parfaite symbiose.