J’ai lu dernièrement un livre relatant la vie exemplaire de la Rabbanite Choulamith Bitton, épouse du Dayan Rabbi Chim’on Bitton qui avait dirigé entre les années 1975 et 1982 le tribunal rabbinique de Marseille et participé au côté du Grand Rabbin Yossef ‘Haïm Sitruk au renouveau du judaïsme dans cette ville. Tout grand personnage a une histoire, qui va l’amener à se propulser et à marquer plus tard son entourage, et c’est justement des débuts de cette grande dame que nous voudrions parler.
Née en Tunisie de parents très pieux originaires de Djerba, la Rabbanite est issue d’une famille de Kohanim descendants de Tsadok Hakohen (premier Kohen Gadol dans le premier Temple) selon la tradition familiale. Elle verra le jour après une attente de 13 longues années et elle demeurera fille unique. Son père érudit lui enseignera la Torah, à lire et à écrire l’hébreu, mais cela ne le satisfaisait pas : il cherche pour elle une école dans laquelle elle pourra acquérir un bon bagage de connaissance juive. Apres avoir entendu parler du fameux séminaire de Gateshead, situé au nord de l’Angleterre, il n’hésitera pas à l’y envoyer à l’âge de 17 ans, se retrouvant lui et sa femme seuls, avec pour tout moyen de communication une correspondance par lettres.
Certains demanderont : pourquoi un tel sacrifice ? En effet, nous sommes en 1955, en Tunisie, avec des parents très pointilleux dans l’éducation de leur enfant, pas touchés par les vents de l’assimilation, un père érudit et une fille docile qui suit le chemin de ses parents. Avaient-ils besoin de se séparer pour de longues années de leur fille unique, afin qu’elle puisse obtenir un bagage supplémentaire en Torah ?! Incroyable !
Mais ce sacrifice donnera des fruits, et quels fruits : La Rabbanite Choulamith aura une descendance nombreuse et exemplaire de piété, elle permettra à son mari de devenir un géant en Torah ; plus tard, veuve, elle se remariera avec un des plus grands décisionnaires de Jérusalem le Rav Yaakov Blau. Durant toute sa vie, elle aura une influence décisive sur son entourage et demeurera l’unique adresse de confidence et de soutien pour de nombreuses jeunes filles.
Beaucoup de parents envoient aujourd’hui leurs enfants loin de la maison (dans le cas où cela s'avère nécessaire), pour étudier dans une Yéchiva ou dans un séminaire, et la séparation est difficile. On ne peut comparer notre réalité avec celle de la Rabbanite Bitton, puisque de nos jours, on peut se permettre de voyager souvent, la technologie moderne nous permettant aussi de communiquer tous les jours, presque face à face. Mais le fait de ne pas pouvoir passer le Chabbath toute la famille réunie, d’avoir la possibilité de sortir ou de discuter ensemble, ou tout simplement de les embrasser, représente une certaine épreuve. Malgré tout, en comprenant l’importance de ces expériences pour la formation de nos enfants, on parvient à surmonter nos sentiments et à les encourager à persévérer dans leurs études.
Sachons que chaque sacrifice que l’on fait dans ce monde pour la Torah a une portée qui dépasse le quotidien. Nous l’avons illustré en rapportant celui des parents de la Rabbanite Choulamith, mais les cas sont très nombreux. Nous savons que le plus grand Sage de l’histoire, Rabbi ‘Akiva, est devenu un géant en Torah grâce au sacrifice de sa femme Ra’hel (cf. Nédarim 50a).
Le Rav Eliahou Lopian (le plus grand Maître de Moussar d’après-guerre) n’a pas voulu suivre ses parents qui quittaient la Pologne pour les Etats-Unis, afin de ne pas se trouver confronté aux influences du nouveau continent et il n’était même pas à l’époque Bar-Mitsva.
Le Rav Aharon Kotler qui a révolutionné le judaïsme d’Amérique, a dû, jeune orphelin, tenir tête à sa proche famille qui voulaient le dissuader de rester à la Yéchiva. Ces personnages, fruits d’une Méssirout Néfech (dévouement et abnégation) pour la Torah, deviendront les bouées de sauvetage d’Israël.
Matière à réflexion.