Le Rav Israël Salanter avait remarqué que dans une des villes d’Allemagne, la plupart des Juifs s’étaient éloignés du judaïsme, et ce très rapidement. Etonné de ce phénomène inquiétant, il mena son enquête et en trouva la véritable raison : le Cho’het de la ville égorgeait les bêtes avec un couteau qui n’était pas lisse, rendant la viande interdite à la consommation. La source du problème ne provenait donc pas de la Haskala (la Réforme) qui faisait à l’époque des ravages, mais tout simplement du fait que les Juifs ne mangeaient pas Cachère à cause de la négligence de l’abatteur.
La Torah nous met en garde de bien respecter les lois de Cacheroute et “de ne pas se rendre impur” par une consommation interdite (Vayikra 11,43). Manger Taref nous éloigne de D.ieu et de Son enseignement, même si nous ne cherchons pas à dévier de la Tradition. C’est pourquoi la Cacheroute constitue un des fondements principaux du judaïsme que les antisémites ont cherché tout au long de l’Histoire à nous empêcher de respecter.
La Torah dans la Paracha de Chemini nous donne les critères des animaux aptes à être consommés. Pour les bêtes vivant sur la terre, sont permises celles qui ruminent et qui ont le sabot fendu. Dans le monde aquatique, la présence d’écailles et de nageoires est indispensable. Au niveau des oiseaux, la Torah ne donne pas de définition générale, mais se contente de nommer ceux qui sont interdits. Si les critères de Cacheroute énoncés ne représentent a priori qu’un moyen de reconnaître les animaux permis à la consommation, on peut malgré tout parvenir à y déceler des symboles, porteurs de message pour le Juif.
En effet, nous pouvons distinguer dans l’existence du peuple hébreu trois expériences qui vont l’accompagner : la vie de tous les jours dans le cadre de la communauté juive (la terre ferme), la confrontation avec les Goyim (la mer) et l’expérience spirituelle (le ciel). Dans la première catégorie, la Torah nous indique que pour réussir sa vie, il nous faut ces deux fonctions de ruminant et de sabot fendu. Un vrai Juif est un ruminant : il “ingurgite” beaucoup de messages qui sont le fruit de l’expérience humaine pour ensuite les “ruminer”. Cette réflexion lui permet de persister dans le bien et de réparer le mal en recherchant les raisons de ses trébuchements. Mais cette recherche doit être accompagnée d’une projection vers l’action dans l’avenir, à l’image du sabot qui permet à l’animal d’avancer. La fissure dans le sabot sépare la plante du pied comme pour dire que l’on doit, suite à cette réflexion, se diriger parfois à droite parfois à gauche, toujours être prêt à bifurquer si cela est nécessaire et ne pas suivre une route toute tracée par des conventions sociales ou des modes.
La mer est un monde caché inconnu et imprévisible, qui réveille notre curiosité et qui ne demande qu’à être découvert, mais en réalité elle est très dangereuse. Les écailles représentent la protection et les nageoires permettent le mouvement. Nos Sages nous apprennent que toute créature possédant des écailles a forcément aussi des nageoires. C’est ainsi qu’un Juif devant le monde des Goyim (l’inconnu) doit avant tout se protéger, pour ne pas être déchiqueté par les eaux troubles et impétueuses. S’il agit ainsi, il pourra avancer sûrement et surmonter tous les écueils qui se dresseront sur son chemin.
Enfin, dans le troisième volet, l’expérience spirituelle, il n’y a pas de critère collectif, car il s’agit d’une démarche individuelle et personnelle, et chacun a sa propre manière de s’élever. Ici la Torah ne nous donne que des mises en garde, ce qu’il ne faut pas faire, de quoi ne pas s’approcher (comme tous les cultes païens) lors de l’escalade vers le divin.
A travers les critères de CacheroutE, la Torah nous indique la marche à suivre dans notre confrontation quotidienne au monde qui nous entoure et quelle conduite adopter : époustouflant !