C’est au prix de grands efforts et grâce à une aide de D.ieu particulière que Mordékhaï parvient à acheter un appartement. Vu que sa profession lui demande beaucoup de déplacements en voiture, il achète en même temps un parking juste devant l’immeuble où il habite.

Pendant 8 ans, Mordékhaï gare sa voiture à cet emplacement sans connaître le moindre problème. Mais un jour, l’un de ses voisins, Chlomo, un homme discret et sympathique, vient le voir et lui dit :

- L’emplacement sur lequel vous garez votre voiture m’appartient. Je voulais vous en informer avant, mais puisque je n’avais pas de véhicule, je n’ai pas jugé utile de le faire.  Mais maintenant que j’ai acheté une voiture, je voudrais récupérer mon bien.

Etonné, Mordékhaï lui répond :

- Vous faites erreur, cet emplacement m’appartient, je l’ai payé.

- Moi aussi ! répond Chlomo

Mordékhaï lui dit alors :

- J’ai des preuves, voilà un document prouvant que je l’ai acheté.

Chlomo lui répond :

- C’est vraiment curieux, moi aussi j’en ai un…

Chlomo montre un document identique en tout point à celui de Mordékhaï. Ils commencent alors à penser que le vendeur les a escroqués, mais ils abandonnent vite cette idée, car il est connu pour être d’une grande honnêteté.

Chlomo et Mordékhaï décident d’en avoir le cœur net en allant lui demander des explications. Ils arrivent donc chez l’entrepreneur et lui montrent leurs deux documents identiques. Très surpris, il les examine durant un long moment avant de leur annoncer :

- Vous avez raison, je suis désolé. Regardez le plan : vous voyez que le parking semble plus large qu'il ne l'est en réalité. J'avais pensé faire deux parkings, mais l'ingénieur m'a obligé à ajouter un pilier de soutènement, ce qui m’a obligé à supprimer un parking. J’ai complètement oublié que j’avais l'intention de faire deux parkings, et j’ai mis le pilier. J’étais occupé à vendre les appartements, les garages et les entrepôts, et ces quelques mètres disparus me sont totalement sortis de la tête. Mais ne vous en faites pas, je rembourserai celui qui a été lésé.La question qui se pose maintenant est de savoir lequel de vous deux est prêt à renoncer à l’emplacement…

Mordékhaï regarde Chlomo et lui dit :

- Voilà, grâce à D.ieu, le problème est réglé. L’entrepreneur est prêt à vous rendre votre argent.

Mais Chlomo n’est pas d’accord :

- Désolé, mais l’argent ne m’intéresse pas. J’ai besoin du parking.

Mordékhaï répond :

- Moi aussi, et je ne vois pas pourquoi vous auriez la priorité.

Les deux voisins commencent alors à discuter pour trouver une solution, mais ils ne trouvent aucun terrain d’entente. Mordékhaï propose donc de porter l’affaire en Din Torah, un jugement selon les lois de la Torah. En entendant cela, Chlomo commence à pleurer et lui dit :

- Ecoutez, je n’ai jamais fait de Din Torah de toute ma vie, et je n’ai pas envie de commencer. J’ai besoin de ce parking. Je vais quand même réfléchir pour décider si cela vaut la peine de faire un Din Torah. Entretemps, vous pouvez continuer à vous garer sur cet emplacement…

A ce moment-là, Mordékhaï est mal à l’aise. Il comprend Chlomo, mais d’un autre côté, il a lui aussi besoin de ce parking à tout prix puisque son travail l’oblige à se garer facilement.

L’entrepreneur prend alors Mordékhaï à part et lui dit :

- Ecoutez, votre voisin a sans doute vraiment besoin de ce parking. Ce n’est pas pour rien qu’il a acheté une voiture…

Il ne lui donne aucune autre explication, mais entre les lignes, Mordékhaï comprend qu’il s’agit en réalité de raisons médicales…

L’entrepreneur fait alors une proposition à Mordékhaï :

- Cédez-lui l’emplacement, je vous dédommagerai. Il y a un espace inutilisé sous le bâtiment, juste à cote du parking, et je veux bien vous l’offrir. Alors oui, il s’agit d’un petit réduit de quelques mètres carrés, et c’est loin d’être une compensation pour la perte du parking, mais c’est tout ce que j’ai à vous proposer. Si vous insistez, je vous rembourserai pour le parking, mais à l’heure actuelle, j’ai investi tous les fonds dont je disposais dans un nouveau projet, et je n’ai pas d’argent pour le moment. Je vous demande d’accepter cette compensation.

Mordékhaï répond :

- Laissez-moi réfléchir, je vous donnerai une réponse demain…

Durant toute la nuit suivante, Mordékhaï n’arrive pas à fermer l’œil. Il éprouve beaucoup de mal à céder son parking, mais d’un autre côté,  comment ignorer les larmes de son voisin Chlomo ?

Finalement, le lendemain matin, Mordékhaï prend la décision de renoncer à son emplacement. Il part donner son accord à l’entrepreneur et signe un contrat faisant de lui le propriétaire légal de tout l’espace non utilisé à partir du mur ouest du bâtiment.

Il se rend ensuite chez Chlomo pour lui annoncer qu’à dater de ce jour, le parking lui appartient. Touché par ce geste, Chlomo bénit Mordékhaï et le remercie de tout son cœur.

Peu après, Mordékhaï essaie de voir ce qu’il peut faire avec son petit réduit. Il aperçoit alors une petite ouverture dans l’un des murs, et en l’examinant de plus près, il se rend compte que derrière le mur, se trouve un espace de 90 mètres carrés ! Pour une raison inconnue, ce terrain était resté inutilisé.

Mordékhaï consulte alors son contrat. Celui-ci stipule que "tout l’espace non utilisé à partir du mur ouest du bâtiment" lui appartient, ce qui fait de lui le propriétaire légal de ce terrain sans contestation possible…

Cette découverte inattendue a permis à Mordékhaï de construire un appartement de trois pièces qu’il loue aujourd’hui à un bon prix.

Celui qui cède et qui donne n’y perd finalement jamais, même si un heureux dénouement n’arrive pas toujours aussi rapidement que dans ce récit. La haine gratuite détruit, mais la générosité transforme la peine et le chagrin en réussite et en bénédiction.