Le cinquième des 5 Livres de Moché Rabbénou est connu en français comme le Deutéronome (mot grec traduisant le terme hébraïque : « deutéro » (second) et « nome » (loi). Cette appellation reproduit exactement le nom hébraïque du Sefer Devarim, Michné Torah (« Répétition » et « Loi »). La répétition, ou plutôt la « seconde » formulation de la Torah, reprend certaines ordonnances énoncées dans les autres livres de la Torah. Cela représente à la fois un bilan et un avertissement. Cet évènement, ce discours de Moché Rabbénou admonestant le peuple d’Israël, cinq semaines avant sa mort (le 1er Chevat), mérite que l’on y attache une importance essentielle, car, exprimée au présent, il revoit un passé vieux de 40 ans, et prévient l’avenir. Ce livre occupe clairement ces 3 dimensions. Elles sont, bien sûr, riches d’émotion de la part de quelqu’un qui sait qu’il va quitter le peuple qu’il dirige depuis la sortie d’Egypte, et alors que ce peuple se trouve aux portes de la Terre de Canaan. Les remarques, les rappels, les injonctions, les bénédictions et les avertissements évoqués constamment dans ce livre sont résumés dans le nom du livre « Devarim ». Les commentaires soulignent que ce terme est un vocable sévère, qui inclut toutes sortes de reproches sérieux et même quelquefois effrayants (comme les Remontrances dans la section Ki-Tavo).
Il importe de s’interroger, et de se demander : « Pourquoi ? » Etait-il nécessaire de se montrer si sévère à l’égard du peuple, presque de l’effrayer ? Le bilan doit-il être accompagné de tels avertissements ? Il semble que la réponse à cette question concerne chaque génération, et nous devons recevoir cela comme un avertissement, également à notre époque. Moché Rabbénou, connu pour son amour du peuple, ose dire aux enfants d’Israël : « Souviens-toi, n’oublie pas combien tu as irrité l’Eternel ton D.ieu, depuis le jour où tu es sorti d’Egypte, jusqu’à votre arrivée en ce lieu (à l’entrée de Canaan), vous vous êtes révoltés contre l’Eternel » (Devarim 9, 8). Et nombreux sont les remarques, les reproches que Moché ne cesse d’adresser au peuple. De plus, il répète les Dix Commandements, et ajoute des textes comme les deux premiers paragraphes du Chema, ou encore les règles de pureté des animaux. Il faudrait analyser les règles de la Paracha de Michpatim, par exemple, ou de Vayikra qui sont répétés dans le livre de Devarim. Les sages, dans la Guemara, commentent chaque point et expliquent pourquoi telle ou telle règle a été ou ajoutée par Moché, ou occultée par lui. Le texte des « To’hakhoth » (Remontrances) est plus détaillé dans Ki-Tavo (Devarim) que dans Be’houkotaï (Vayikra), et là aussi le ton est beaucoup plus sévère, et il n’y a pas de verset de consolation à la fin.
Si l’on veut comprendre la raison, évoquée plus haut, de ces avertissements sévères, c’est dans la poésie d’Haazinou (avant-dernière Paracha de la Torah) qu’elle apparaît d’abord. Les avertissements et les reproches sont mêlés aux promesses que dans l’avenir, le peuple d’Israël ne cessera jamais d’exister. De plus, cette particularité d’évoquer le passé et de prévenir l’avenir est soulignée dans « Vezot Ha-Berakha », la dernière section de la Torah, dans les bénédictions de Moché aux diverses tribus. Moché commence par évoquer la Révélation d’Hachem aux diverses nations, et rappelle que cette Révélation est devenue ensuite l’apanage de la communauté de Yaakov (Devarim 33, 4). De plus, le Midrach remarque que le dernier verset de la bénédiction de Moché commence par le mot « Achre » (Heureux es-tu Israël, peuple choyé par l’Eternel), et le premier verset des Tehillim du Roi David commence par le même terme « Achre » (Heureux l’homme qui ne suit pas la voie des méchants ; Tehillim 1, 1). Le Midrach Rabba fait remarquer qu’il y a une continuité entre la bénédiction de Moché et la Remarque Première des Tehillim. Si l’on se souvient que Moché évoquait le D.ieu Qui a créé le ciel et la terre, qui S’est révélé au peuple juif, au Sinaï, alors le lien est fait, par Moché, de la Création à la Révélation, et continué par le Roi David pour la Rédemption. Le bilan de Moché Rabbénou ne cesse de nous concerner. Soyons-en heureux (Achre) et conscients du devoir que cela nous impose !