Lorsque Rav ‘Haïm Chmoulevitz, Roch Yéchiva de Mir, était un jeune Ba’hour étudiant à Grodno, il est allé rendre visite à son oncle, le Roch Yéchiva de Novardok, Rav Avraham Yaffen. Lors de sa visite, il a demandé à son oncle de lui montrer le meilleur Ba’hour de la Yéchiva.Rav Yaffen a pointé du doigt un Ba’hour en disant qu'il était le plus grand "Amkane" de la Yéchiva, qu'il avait les idées les plus pénétrantes. Il désigna ensuite un autre Ba’hour et dit qu'il était le plus grand "Matmid" de la Yéchiva, qu'il était le plus assidu. Et il continua ainsi à désigner différents Ba’hourim et à les qualifier comme étant les meilleurs. Celui-ci pour sa Yirat Chamayim, une piété incroyable, ou celui-là pour sa Békiout, l'étendue de ses connaissances.
Rav ‘Haïm a dit à son oncle : "Ce sont tous de bons Talmidim (étudiants), mais, au final, lequel est le meilleur Ba’hour de la Yéchiva ?" Le Roch Yéchiva répondit : "Aucun d’eux." Rav ‘Haïm était stupéfait. "Aucun d’eux ? Tu viens de parler de chacune de leurs vertus et de leur noblesse. Si ce n’est pas eux, qui est le meilleur ?" Son oncle l'emmena dans l'un des coins du Beth Midrach, lui montra un Ba’hour et lui dit : "C'est lui le meilleur Ba’hour de toute la Yéchiva." Rav ‘Haïm était perplexe... En mentionnant tous les grands Ba’hourim précédents, son oncle n'avait même pas mentionné celui-ci, alors qu’il est le meilleur de toute la Yéchiva ?!
Le Roch Yéchiva expliqua : "La spécificité de ce Ba’hour, qui fait qu’il est meilleur que tous les autres Ba’hourim de la Yéchiva, est qu’il est un Mévakèch, il est toujours en train de chercher. Les autres sont peut-être plus intelligents, plus assidus, mais il est le plus affamé, il en veut le plus." Ce Mévakèch a fini par être le grand Steipler, le Gaon Rav Ya’acov Kanievsky.
Commentant la déclaration de Yitro : "Maintenant, je sais qu’Hachem est plus grand que tous les dieux", Rachi explique, en se basant sur la Mékhilta, que Yitro avait de nombreuses bases de comparaison, puisqu’il avait testé et adoré toutes les formes d'idolâtrie dans le monde. À première vue, cet enseignement semble humiliant, mais l'Alter de Kélem souligne qu'en fait, c'est un énorme compliment. La Torah et nos Rabbanim nous disent que Yitro était un Mévakèch. Il cherchait la vérité et n'était pas "repu" jusqu'à ce qu'il la découvre. Avec chaque nouvelle religion, il pensait l'avoir découverte, mais il découvrait alors une plus grande vérité ailleurs et partait l'explorer. Il a sondé, demandé et fouillé et ne s'est pas arrêté jusqu'à ce qu'il trouve la vérité.
Pour beaucoup d'autres, cela aurait été suffisant ; ils se seraient contentés de questions sans réponses. D'autres se seraient fatigués, ennuyés ou distraits par autre chose. Pas Yitro. C'était un Mévakèch, un chercheur avec un appétit insatiable pour apprendre et grandir.
Nous ne pouvons pas nécessairement contrôler à quel point nous sommes intelligents, à quel point nous nous souvenons des choses ou notre capacité à nous concentrer pendant de longues périodes. Mais, nous pouvons tous contrôler et améliorer notre sentiment d'être un Mévakèch, d'avoir soif de découvertes, d'avoir un appétit pour l'apprentissage et d'aspirer à la vérité.
Le monde entier a entendu parler de ce qui était arrivé au peuple juif, tout le monde a lu le récit de l’ouverture de la mer, la bataille avec ‘Amalek et le don de la Torah. Ils tournèrent la page du journal et continuèrent à siroter leur café. Seul Yitro alla jusqu’au bout et se dit : "Je dois regarder cela de plus près. Je veux voir cela de mes propres yeux. J'ai besoin de comprendre ce qu’il s'est passé et d'en apprendre davantage sur ce peuple extraordinaire pour qui des miracles extraordinaires se sont produits."
Yitro était un Mévakèch, un chercheur, et c'est l'histoire de son arrivée qui précède le récit du don de la Torah, pour nous apprendre que la condition préalable à la Kabalat Hatorah, au fait de recevoir la Torah, est d'être un Mévakèch, un chercheur de vérité.
Un verset qui apparaît à la fois dans les Téhilim et dans Divré Hayamim fait partie des Psouké Dézimra que l’on récite tous les matins : "Yisma’h Lev Mévakché Hachem". "Que le cœur de ceux qui cherchent Hachem se réjouisse". Le ‘Hafets ‘Haïm explique que lorsqu’une personne cherche quelque chose, elle n'est satisfaite que si elle réussit à trouver ou à obtenir ce qu'elle cherche. Cependant, celui qui est Mévakèch Hachem, cherche Hachem, trouve beaucoup de plaisir et de joie dans la recherche même, peu importe le résultat final. Le processus lui-même, la recherche-même donne une grande satisfaction. "Yisma’h Lev Mévakché Hachem" - C'est la promesse d’Hachem pour l'individu sincère dans sa quête.
La Torah est comparée à l'eau. La qualité unique de l'eau est qu'elle n’a pas de goût. Le fait que ce soit bon ou non dépend de notre soif. Personne ne cherche un "bon verre d'eau" avec son steak. Mais après une course ou à la fin d'une journée de jeûne, rien n'a meilleur goût ou n’est plus rafraîchissant qu'un verre d'eau froide. Si vous n'êtes pas Mévakèch, la Torah est fade pour vous, elle n’a rien de spécial. Si vous en avez soif, c'est la chose la plus délicieuse du monde. Que la Torah soit fade ou savoureuse dépend du regard que nous lui portons. Ayez soif et montrez à vos enfants que vous avez soif.
Apprenez, étudiez, lisez, allez à des cours, demandez, soyez curieux, soyez juste un Mévakèch - ne cessez pas de chercher, d’approfondir et de grandir.
Isidor Isaac Rabi était un physicien et lauréat du prix Nobel reconnu pour sa découverte de la résonance magnétique nucléaire, utilisée dans le monde entier dans les appareils d'IRM. Il est né dans une famille juive religieuse en Hongrie et est venu aux États-Unis en tant que jeune enfant.
Une lettre au New York Times en 1988, publiée peu de temps après sa mort, raconte une histoire incroyable. L'auteur se souvient qu'on a une fois demandé à Rabi : "Pourquoi êtes-vous devenu un scientifique, plutôt qu'un médecin, un avocat ou un homme d'affaires, comme les autres enfants immigrés de votre quartier ?"
Rabi a répondu : "Ma mère a fait de moi un scientifique sans jamais le vouloir. Toutes les autres mères juives de Brooklyn demandaient à leurs enfants après l'école : 'Alors ? As-tu appris quelque chose aujourd'hui ?' Mais pas ma mère. Elle m'a toujours posé une question différente. 'Izzy, disait-elle, as-tu posé une bonne question aujourd'hui ?' Cette différence - poser de bonnes questions - m'a fait devenir scientifique !".
Posez de bonnes questions aujourd'hui et tous les jours. Soyez un Mévakèch, et découvrez la joie et la satisfaction.
Rabbi Efrem Goldberg